Là où un tricycle défectueux sert d'ambulance

Le poste de santé de Daharatou, situé à 210 km de Tambacounda, est un établissement sanitaire qui manque de tout. Un tricycle boiteux sert d'ambulance, tandis que la maternité se trouve dans une situation catastrophique.
Situé à 210 km de la commune de Tambacounda, le poste de santé de Daharatou, communément appelé ‘’Ouro Thierno’’, a reçu la visite de la caravane de presse organisée par la Direction de la Santé de la mère et de l'enfant, en collaboration avec la Direction régionale de la Santé de Tambacounda et l'Association des journalistes en santé, population et développement (AJSPD) pour la promotion de la santé reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents (SRMNIA) dans la région de Tambacounda.
La sage-femme, Dieynaba Sow, renseigne qu’un tricycle leur sert d'ambulance. Et il est tombé en panne à trois reprises durant une évacuation. Elle pointe également l'état délabré de la maternité, composée d'une seule chambre, d'une salle de consultation et d'une salle d'accouchement construite, il y a neuf ans, par des villageoises grâce à une quête. ‘’Si le bâtiment s'affaisse, je ne serais pas surprise. Nous prions pour tenir jusqu'en août, sinon ce sera la catastrophe. La salle d'accouchement est dans un état de dégradation avancée. Hier encore, nous avons eu un cas. À chaque menace de pluie, c'est la panique. Nous recevons fréquemment des serpents – j'en trouve régulièrement dans mon bureau. Nous demandons urgemment une nouvelle maternité. Les travaux ont été interrompus depuis quatre mois. Avec cette situation, les accouchements à domicile ont augmenté de 8 % ce semestre contre moins de 4 % auparavant. Les femmes se sentent plus en sécurité chez elles’’, explique-t-elle, précisant que le tricycle défectueux – en service depuis août 2022 – transporte jusqu'à 30 parturientes par mois.
Mariages précoces et malnutrition
La sage-femme révèle que les femmes en âge de procréer ont majoritairement entre 14 et 15 ans, les mariages avant 12 ans étant une tradition locale. Les complications obstétricales sont fréquentes chez ces adolescentes au corps immature, souvent victimes d'anémie et de malnutrition. Elle plaide pour une supplémentation gratuite en fer et dénonce un taux de planification familiale de 8,6 % seulement, tabou dans cette communauté nomade où ‘’les maris passent trois mois par an au village avant d’aller chercher des pâturages’’.
En effet, renseigne l’infirmier-chef de poste (ICP), Adama Ndoye Mabel Guissé, le poste couvre une population de 7 021 âmes. Les femmes en âge de reproduire sont au nombre de 1 699. Cette année 2025, 310 grossesses sont attendues.
Dans la localité, le taux d'utilisation des services de consultation prénatale (CPN) est de 86 %. Le pourcentage d'accouchement assisté par un personnel qualifié est de 91 %. Le taux d'avortement enregistré au niveau des structures de santé est de 2,2 %, mais le taux d'avortement global est de 50 %.
Lui aussi s’émeut des problèmes que rencontre le poste de santé. "En dehors de l'ambulance qui est dans un état piteux, nous n'avons pas d'infirmier d'État. Nous n'avons qu'une seule sage-femme qui est contractuelle du ministère de la Santé", alerte-t-il.
L’ICP attend de l'État et ses partenaires techniques et financiers l'achèvement des travaux de la maternité et le démarrage des chantiers du logement de l'infirmier.
Il réclame aussi une dotation en matériel médical et bureautique, un appui pour la supplémentation en fer des femmes en âge de procréer, un appui pour le recrutement d'un doublon sage-femme, le renforcement des connaissances des sages-femmes en échographie et la dotation d'un appareil d’échographie, entre autres.
CHEIKH THIAM