Publié le 6 Mar 2017 - 18:02
AFFAIRE DE LA CAISSE D’AVANCE DE LA VILLE DE DAKAR

Khalifa en ordre de bataille, Moustapha Sy en renfort

 

Acculé dans le cadre de l’affaire dite de la gestion des fonds de la caisse d’avance, le maire de Dakar sort de ses gonds. Convoqué, aujourd’hui, lui et ses collaborateurs devant le juge d’instruction, Khalifa Sall promet une réponse politique à ce qu’il considère un complot de même nature avec un habillage judiciaire marqué par un acharnement sans précédent. Dans ce combat, il peut compter sur le soutien du guide des Moustarchidines, Serigne Moustapha Sy, qui s’est dit prêt à aller en prison, si jamais Macky Sall ose s’en prendre au maire de Dakar.

 

 

Le maire de Dakar ne compte pas se laisser faire dans l’affaire de la gestion des fonds de la caisse d’avance dans laquelle il est empêtré, depuis un bon moment. Khalifa Sall, qui devra faire face aujourd’hui dans l’après-midi au juge d’instruction avec ses collaborateurs, a déclaré hier toute sa volonté à faire face à ce qu’il considère comme une ‘’cabale politique’’. ‘’Cette affaire n’est pas une procédure normale. Cela se voit avec cette convocation lancée quelques jours après une enquête de police menée tambour battant et à peine après la désignation d’un juge d’instruction, sans qu’il ait pris connaissance du dossier, sur la simple base d’un rapport de police manifestement à charge’’, a déclaré d’un ton sec l’édile de la capitale. Très en verve, le maire de Dakar, pour qui cette procédure vise simplement à l’empêcher de poursuivre ses tournées au contact des populations, mais surtout de présenter une liste aux prochaines législatives de juillet prochain, renchérit : ‘’je le dis fermement ici et maintenant. Il revient à Macky Sall de faire régner la paix ou d’engager la guerre ! Quelle que soit l’option prise, je lui ferai face sous l’arbitrage du peuple qui, déjà, a rendu son verdict’’.

Pour le maire de Dakar, dans cette affaire, l’Etat ne vise qu’une chose, ternir son image et l’empêcher de se présenter aux échéances futures. Mais, selon lui, c’est peine perdue. ‘’Je n’accepte pas et je n’accepterai jamais que le pouvoir en place nous amène, un pas après l’autre, dans la voie du renoncement et de l’abdication. Rien ne me détournera de mon devoir de présenter une liste aux élections législatives. Rien ne me détournera de mes ambitions pour notre pays’’, fulmine-t-il. Avant d’ajouter : ‘’s’il est écrit que je devais aller en prison sur ce chemin de courage et d’honneur, alors, j’y suis prêt et j’y ai préparé ma mère, mon épouse, mes enfants, mes parents, mes amis et mes soutiens. Je leur demande de se tenir prêts à risquer, dans ce combat, plus que la liberté, car, il y va de la sauvegarde de la République et de la démocratie’’. Ainsi, Khalifa Sall a demandé à ses militants et sympathisants de se rassembler, de se mobiliser et d’engager la riposte appropriée, conformément, à leur droit inaliénable de résistance à l’oppression et à l’arbitraire. ‘’Rien ne sera de trop dans ce combat. Je me rendrai demain (Ndlr : aujourd’hui) à la convocation du juge d’instruction, parce que je respecte les institutions de notre pays et parce que je ne désespère pas de la justice, même si, l’instrumentalisation d’une partie de celle-ci n’est pas à nous rassurer. Je lui dirai la vérité, celle que je viens de dire au peuple sénégalais’’, déclare-t-il dans une salle de délibération de la ville de Dakar pleine à craquer.

Selon Khalifa Sall, ‘’nous vivons actuellement, une tentative désespérée d’organiser une élection avec un candidat sortant, celui du pouvoir et de sa coalition, face à des candidats que le président de la République aura choisi en faisant son marché dans la classe politique et après avoir éliminé par des procès déloyaux ses plus sérieux concurrents’’. C’est d’ailleurs, pourquoi il invite les Sénégalais qui voudraient construire avec lui un chemin d’avenir, de rester mobilisés parce que, dit-il, ‘’le régime en place ne peut et ne doit pas décider du résultat des prochaines élections’’.

Khalifa Sall craque et fond en larmes

C’est, en effet, un Khalifa Sall visiblement très affecté par cette affaire qui a fait face à la presse hier. Son amertume se faisait ressentir jusque dans les mots qu’il a prononcés. D’habitude serein et très posé, le maire de la Dakar a semblé un moment, être plus qu’excédé par les accusations portées contre sa personne, depuis l’éclatement de cette affaire. ‘’La caisse d’avance n’est pas une invention de Khalifa Sall. Ils (les tenants du pouvoir) parlent comme si on avait mis en place un dispositif de fraude et de vol. Je ne me serais jamais rabaissé à le faire. On gère au moins 200 à 250 milliards de budget, pour les cinq ans. Les vérificateurs ont passé au peigne fin tous nos marchés et notre gestion. L’Armp, par ses audits, passe au peigne fin l’exécution de ces marchés. Je ne me serais jamais rabaissé à détourner un milliard ou 30 millions par mois. Je ne le ferais jamais’’, débite-t-il. Avant d’ajouter : ‘’Il y a des choses qui ne se disent pas même entre adversaires politiques. Il ne faut pas que les gens oublient que chacun de nous est père, a un père et une mère, des enfants et des amis. Je veux rassurer tous mes amis. Je suis quitte avec ma conscience, parce que je sais que dans cette affaire, j’ai essayé d’être irréprochable’’.

‘’Je suis prêt à aller devant la CREI’’

Pour plus de vérification sur son intégrité, le maire de Dakar est même allé jusqu’à demander aux autorités étatiques de le convoquer devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). ‘’La meilleure manière de vérifier, c’est de m’amener devant la CREI. Et je suis prêt. Parce que mon patrimoine, je peux tout de suite ici, si vous me le demandez, vous dire comment j’ai gagné ma vie. Je suis maire, depuis 2009, et je continue à travailler depuis lors. Je ne gagne pas ma vie par ce que me donne la mairie. Je continue à travailler pour des organisations internationales qui me font confiance. Je ne vis pas de la mairie ou avec les moyens qu’elle me donne. C’est pourquoi, je suis très à l’aise. Je sais que ma famille a été choquée. Je sais que mes amis ont été choqués’’, rumine-t-il. ‘’Ce matin, c’est ma maman malade…’’, il ne termine pas la phrase et fond en larmes. Consolé par le guide des Moustarchidines, il reprend son propos en ces termes : ‘’ces moments d’émotion sont symptomatiques de la pression reçue par les miens pendant cette période. Et les échanges de ce matin avec ma maman m’ont montré à quel point ma famille est meurtrie par ce qui se dit’’.

Meurtri par cette affaire, le maire de Dakar n’écarte pas de démissionner de toutes ses fonctions au niveau international. ‘’Je préside deux organisations au niveau international qui ont des budgets de plus de 10 millions et 20 millions de dollars et d’euros. Je suis interpelé par tous ces collègues qui, sur le plan international, je travaille avec eux. En pensant à tout cela, à la pression et à l’interrogation de ces collègues et amis, j’assume ce moment d’émotion qui est intrinsèque en moi. C’est la deuxième fois que cela m’arrive dans la vie. Aujourd’hui, cette situation me conduit à envisager des mesures conservatoires pour les fonctions que j’occupe sur le plan international’’, souligne-t-il. Le maire de Dakar de préciser que son éthique et sa conception de la chose publique et du leadership, ne peuvent pas lui permettre aujourd’hui, de continuer à diriger ces organisations. Parce que, dit-il, il ne veut pas jeter sur ces organisations le discrédit’’. ‘’Je bénéficie de la confiance de milliers de collègues et de millions de concitoyens. Mon moral est inoxydable, ma confiance est ferme, mon intégrité est inviolable et je ferai face. Mais, cette situation infamante gêne. Je n’hésiterai pas à quitter toutes mes fonctions, si cette situation perdure’’, soutient-il.      

Serigne Moustapha Sy s’invite dans le combat

Cette conférence de la presse du maire de Dakar s’est déroulée en présence de plusieurs personnalités politiques de l’opposition. Parmi celles-ci, il y a Me El Hadj Amadou Sall et Mayoro Faye, venus représenter le Parti démocratique sénégalais, la députée Seynabou Wade pour le compte de la Convergence libérale démocratique/Bokk gis gis de Pape Diop, Mamadou Diop Decroix, Secrétaire général de And jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme, et de Cheikh Bamba Dièye, leader du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno jubël (FSD/BJ), entre autres. Mais elle a été plus rehaussée par la présence du guide des Moustarchidines wal moustarchidates, Serigne Moustapha Sy. Le fils de l’actuel Khalife général des Tidianes a en effet surpris son monde. Alors que personne ne l’attendait à cette rencontre, il a fait son apparition dans la salle. En compagnie d’un de ses enfants, il a été accueilli par une salve d’applaudissements des militants. Mais, il a plus été applaudi, quand il a pris la parole.

‘’Je ne suis pas ici en tant responsable moral du ‘’dayira’’ (regroupement religieux) ‘’Moustarchidine wal moustarchidate’’. Je suis un chef de parti. Au Sénégal, les gens ne font pas la différence entre un opposant et un contrepouvoir. Nous devons être des contrepouvoirs’’, embraye-t-il. Reprenant les propos de Abraham Lincoln : ‘’On peut tromper tout le peuple une partie du temps, mais jamais tout le peuple tout le temps’’, il demande à Macky Sall de se ressaisir. ‘’Je demande à Macky Sall d’être conscient qu’il ne peut pas être un deuxième Abdou Diouf. Abdou Diouf est en train de le manipuler pour régler ses comptes. Je sais bien ce dont je parle, parce qu’ils ont tenté de m’arrêter ailleurs et je suis au courant de tout le plan qui a été ourdi’’, déclare-t-il. Et d’ajouter : ‘’mon compagnonnage avec Khalifa Sall les empêche de dormir. S’ils veulent l’amener en prison, ils doivent l’amener avec moi et je le jure sur le Saint Coran que le jour où j’irais en prison, 70% du peuple sénégalais viendront me soutenir. Ce n’est pas du fanatisme, c’est la vérité. Ça suffit largement, nous en avons assez des leurres. J’ai récemment parlé avec Karim Wade à Dubaï. On a tous les éléments des deals qui ont été passés dans le cadre de cette affaire’’, fulmine-t-il.

Venu représenter le Pape du Sopi, Me El Hadj Amadou Sall s’est dit ahuri par cette affaire. ‘’Je suis choqué par l’utilisation abusive de la justice pour des règlements de comptes politiques’’, soutient l’ancien ministre de la Justice. Selon lui, ‘’tous les Sénégalais savent que Macky Sall n’est à la tête du Sénégal qu’à la suite d’un accident et les accidents ne se produisent pas deux ou trois fois avec la même personne’’. Ainsi, il pense qu’‘’il nous appartient à nous tous Sénégalais, dans cinq mois, d’en finir avec Macky Sall, le 30 juillet prochain, et qu’une nouvelle majorité soit à l’Assemblée nationale’’. Pour cela, le Secrétaire général de AJ/PADS, Mamadou Diop Decroix, appelle les hommes politiques, surtout de l’opposition à s’unir autour de l’essentiel afin d’arriver à bout du régime de Macky Sall. Pour sa part, le Secrétaire général du FSD/BJ, Cheikh Bamba Dièye, dénonce une restriction des libertés et une instrumentalisation de la justice. Mieux, il pense même que ‘’nous glissons d’une République dite démocratique pour aller vers une tyrannie’’.   

ASSANE MBAYE

 

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