Publié le 8 Apr 2025 - 22:28
AFFAIRE ZONE DES NIAYES

GCO poursuit un lanceur d’alerte pour diffamation

 

L'entreprise française Grande Côte Opérations (GCO), filiale du groupe Eramet, a décidé de poursuivre le lanceur d'alerte Julien Potron pour diffamation. Cette action judiciaire fait suite aux publications de Potron, qui avait dénoncé des irrégularités liées à l'exploitation de la mine d'ilménite d'Eramet, dans la zone des Niayes au Sénégal.

 

Hier, à la barre du tribunal correctionnel de Mbour, a été appelée l’affaire opposant GCO à un lanceur d’alerte. Cependant, elle a été renvoyée au 16 juin 2025 pour plaidoirie. À la sortie du tribunal, Julien Potron a dénoncé une tentative d’intimidation de la part de GCO. Dans le cadre de cette plainte, GCO a servi une citation directe à Julien Potron, par le biais du cabinet de Maître Seynabou Diaw Faye, huissier de justice près de la Cour d'appel et des tribunaux de Thiès.

Selon la société, Potron a publié des déclarations sur son profil LinkedIn accusant GCO de corruption et de malversation. Des accusations qu'elle juge infondées et susceptibles de nuire à leur réputation. GCO évoque notamment un rapport circonstancié rédigé par Potron, intitulé ‘’Rapports circonstanciés sur la situation historique, sociale et environnementale de la mine Eramet GCO dans la zone des Niayes-Sénégal’’ qu'ils qualifient de sans fondement et diffamatoire.

Dans leur citation, les avocats de GCO affirment que ces propos ont porté gravement atteinte à l'honneur et à l'image de l'entreprise, violant ainsi les articles du Code pénal sénégalais concernant la diffamation. L'entreprise demande que Julien Potron soit déclaré coupable de diffamation et condamné à verser une indemnisation de 500 millions de francs CFA à titre de dommages et intérêts. En plus de cette somme, GCO demande la publication de la décision du tribunal dans plusieurs journaux sénégalais et la mise en œuvre de sanctions sévères, y compris la contrainte par corps si nécessaire.

L’affaire  avait fait réagir le concerné via sa page LinkedIn, exprimant ‘’sa surprise et son incompréhension’’ face à cette mise en demeure. Potron se dit  prêt à faire face à ce procès et à défendre ses propos. Il a mis en lien son article sur LinkedIn et avait  invité les internautes ’’à juger de la véracité de ses déclarations’’. Dans son message, Potron évoquait  également les conditions de vie des populations locales, qu'il estime avoir souffert des agissements d'Eramet dans la zone des Niayes. Il avait ainsi   laissé entendre qu'un procès pourrait être l'occasion de faire la lumière sur ce qu'il considère comme un ‘’scandale’’ en cours.

L’activiste persiste et signe

Le procès tant attendu a fait l'objet hier (lundi)  d’un renvoi jusqu’au 16 juin prochain. À la sortie du tribunal, Julien Potron a dénoncé une tentative d’intimidation de la part de GCO. ‘’Cette procédure n’a qu’un seul but : m’intimider. GCO a déjà, directement ou indirectement, intimidé ou tenté d’intimider les populations de Foth, Diourmel, Thiokhmatt, Lompoul et partout où elle est passée. Après moi, qui sera le prochain sur la liste ? Si GCO me poursuit pour diffamation, c’est parce que ma voix dérange. Et je suis triste de devoir expliquer pourquoi : parce que je suis blanc et français. C’est la seule vraie raison pour laquelle on veut me faire taire par la justice et tout le monde ici est assez intelligent pour le comprendre’’, a-t-il déclaré.

Interpellé sur ses critiques envers GCO alors qu’il avait autrefois loué ses mérites, il s’est expliqué : ‘’GCO est une belle entreprise, bien gérée. Personne ne peut le nier. Mais cela n’efface pas les dégâts qu’elle cause aux populations et à l’environnement ni les soupçons sérieux de préjudices infligés au Sénégal. J’ai toujours admiré les grandes entreprises et GCO en fait partie. Mais ce n’est pas parce qu’une entreprise est belle que je vais excuser certaines de ses pratiques. Il ne faut pas confondre les choses.’’

Julien Potron est le CEO de Nadji-Bi Groupe SA et basé à Mbour. Il s'est fait connaître pour son rôle de lanceur d'alerte concernant ces questions, publiant plusieurs documents et articles détaillant les problèmes qu'il identifie dans les pratiques d'Eramet. La société, quant à elle, réfute ces accusations et maintient qu'elle respecte les normes environnementales et sociales en vigueur au Sénégal.

Ce procès, attendu le 16 juin prochain après un premier report, pourrait être un tournant dans l’affaire des Niayes. Il pourrait offrir un espace pour un débat public sur les pratiques et les responsabilités des entreprises extractives au Sénégal.

Pape Mbar Faye  (Correspondant MBOUR)

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