Publié le 14 May 2025 - 13:25
AFFAIRES POLITICO-JUDICIAIRES

Une justice qui résiste

 

Au-delà d'une simple confrontation politique, la guerre Pastef-APR continue d'infester la vie publique et pollue sauvagement l'institution judiciaire qui, bon an mal an, s'efforce de rester debout, malgré toutes sortes de pressions. 

 

Le duel APR-Pastef se poursuit. Quand ce n'est pas dans les urnes, c'est sur la toile ou dans les prétoires. Les dernières joutes en date, c'est autour de l'affaire Assane Guèye alias ‘’Azoura Fall’’. Depuis quelques jours, il n'y en a que pour l'activiste, réputé proche du Premier ministre Ousmane Sonko. Députés, directeurs généraux, avocats, militants, sympathisants, c'est presque toute la galaxie Pastef qui est montée au créneau, qui pour protester contre la justice qui a osé l'interpeller et l'envoyer en prison, qui pour lui manifester affection et compassion. 

Malgré la forte pression de hauts responsables du parti, le parquet est resté inflexible. Azoura a été auditionné d'abord, placé en garde à vue avant d'être placé sous mandat de dépôt. Il sera jugé en flagrant délit demain, selon son avocat Maitre Bamba Cissé, également avocat du Premier ministre. Mais la note aurait pu être bien plus salée. La veille de ce face-à-face avec le procureur, son avocat disait : “Nous allons poursuivre l'affaire... Il y a trois possibilités : le classement sans suite pour inopportunité des poursuites ; une procédure d'instruction et enfin il y a une procédure de flagrant délit ou même la citation.”

Le procureur a donc retenu le juste milieu. Ni instruction qui aurait pu prolonger ses jours en prison ni classement sans suite qui aurait mis un terme aux poursuites. Le sort du militant teigneux de Pastef est donc entre les mains du juge des flagrants délits. Au terme de l'article 56 et suivants, il risque jusqu'à deux ans de prison et une amende entre 25 000 et 300 000 F CFA.

Une justice debout, malgré la forte pression des partisans de Pastef 

Pendant ce temps, son adversaire de l'autre côté, Abdou Nguer, lui, croupit tranquillement en taule. Son dossier a été envoyé en instruction depuis le 17 avril. Ce qui énerve le plus ses avocats, c'est que depuis lors, le chroniqueur proche de l'Alliance pour la République n'a pas été entendu.

Interpellé, Maitre El Hadj Diouf déclare : “Je pense que tout le monde devrait s'en offusquer. Mais le plus cocasse dans cette affaire, c'est qu’Abdou Nguer est poursuivi pour diffusions de fausses nouvelles. Mais jusque-là, personne n'est en mesure de vous donner la nouvelle.” Et curieusement, dénonce-t-il, “aucun journaliste n'ose faire des recherches pour voir quelle nouvelle, quelle révélation Abdou Nguer a eu à faire. Parce pour parler de fausses nouvelles, il faut d'abord qu'il y ait nouvelles. Je défie quiconque de montrer quelle est cette nouvelle. On l'a envoyé en instruction parce que si on l'avait jugé en flagrant délit, il aurait bénéficié d'une relaxe pur et simple”.

Mais pour beaucoup d'observateurs, les deux cas ne sont pas les mêmes. Alors que dans l'affaire Azoura, on parle surtout d'injures et de discours contraires aux bonnes mœurs, dans l'affaire Abdou Nguer, il est surtout question de diffusion de fausses nouvelles. C'est le cas également dans l'affaire Assane Diouf, en prison depuis le mois de mars sans jugement. Pour ce qui concerne Abdou Nguer, dans la foulée de son arrestation, une vidéo a été présentée comme étant à l'origine de son arrestation. Dans ladite vidéo, il liste de hauts fonctionnaires décédés et évoque le contexte dans lequel ils sont partis. A ceux qui soutiennent qu'il fait des insinuations, Me Diouf rétorque : “Les gens veulent parler à la place d’Abdou Nguer. Lui il n'a fait aucune révélation. Je défie quiconque d'en apporter la preuve contraire. On a voulu lui coller un post sur une page qui ne lui appartient pas. Il a été démontré qu'il n'est ni administrateur ni propriétaire de cette page. D'ailleurs, le propriétaire du compte a été interpellé à Thiès. Rien ne justifie cette instruction contre Abdou Nguer.”

Derrière cette bataille de fortes personnalités du barreau au bénéfice de présumés insulteurs publics ou diffuseurs de fausses nouvelles, se jouent les prolongations de la guerre entre Pastef et l'Alliance pour la République.

Pour Maitre Bamba Cissé, Azoura n'aurait jamais dû être placé en garde à vue, parce qu'il est victime des violences de Macky Sall. “Cette décision (le placement en garde à vue) nous surprend à plus d'un titre. Parce qu'Azoura Fall a été victime d'un système corrosif et violent, qui a régné au Sénégal pendant assez longtemps et qui a réprimé les patriotes. Il a fait l'objet d'une détention qui a duré un an et à peu près deux mois, pour une cause injustifiée et effacée par une loi d'amnistie”, justifie Me Cissé, non sans invoquer les mauvaises conditions de détention qui lui ont valu la dégradation de sa santé à cause d'un manque de sommeil prolongé. “C'est ce garçon qui a été retenu simplement parce qu'il avait quelque chose dans le cœur qu'il a fait sortir”, regrette-t-il. 

Des arguments qui ont du mal à passer auprès de certains observateurs. Lesquels donnent le cas d’Assane Diouf qui a vécu presque la même chose, sinon pire sous Macky Sall. Il est en prison depuis mars et personne n'a invoqué son passé sous Sall pour le dédouaner de sa responsabilité. A l'APR, on continue de soutenir que le chroniqueur Abdou Nguer n'a commis aucune infraction qui puisse lui valoir la prison. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Nguer comme Azoura disposent de pools d'avocats assez bien garnis, constitués de fortes têtes du barreau. C'est à se demander qui paie les honoraires ? Ou bien les avocats sont subitement devenus des bénévoles ?

FLAGRANT DÉLIT 

Ce que dit le Code de procédure pénale 

Au-delà de cette guéguerre APR-Pastef, la question de droit que soulèvent ces affaires politico-judiciaires, c'est pourquoi la justice a choisi l'instruction dans l'affaire Abdou Nguer ; le flagrant délit dans l'affaire Azoura ?

D'abord, il faut retenir que les chefs d’accusation ne sont pas les mêmes. Dans la première affaire, l'autorité a visé les fausses nouvelles. Dans la seconde, c'est plutôt des propos contraires aux bonnes mœurs, selon ses avocats. Toutefois, ils sont nombreux à estimer que ce que Nguer a dit, s'il y a infraction, aurait pu être géré en flagrant délit. 

Aux termes de l'article 45 du Code de procédure pénale, la flagrance est définie comme suit : “Est qualifié crime ou délit flagrant, le crime ou le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. Il y a aussi crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique ou est trouvée en possession d’objets ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit.” La loi précise : “Est assimilé au crime ou délit flagrant tout crime ou délit qui, même non commis dans les circonstances prévues à l’alinéa précédent, a été commis dans une maison dont le chef requiert le procureur de la République ou un officier de la police judiciaire de le constater.”

En pareil cas, le Code de procédure pénale prévoit : “L’individu arrêté en flagrant délit et déféré devant le procureur de la République, conformément à l’article 63 du présent code est, s’il est placé sous mandat de dépôt, traduit sur le champ à l’audience du tribunal.” Selon l'article 382, “Si, ce jour-là, il n’est point tenu d’audience, le prévenu est déféré à l’audience du lendemain, le tribunal étant, au besoin, spécialement convoqué à la requête du ministère public”. 

Il convient de préciser que si, en matière correctionnelle, l'autorité a la faculté ou non d'envoyer en instruction, en matière criminelle, l'instruction est obligatoire, même en cas de flagrance.

 

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