À l’origine d’un différend
Depuis quelques jours, des affrontements opposent les gendarmes et la population de Ngor. ‘’EnQuête’’ revient sur la genèse de ce différend.
Du fait de la démographie galopante à Ngor-Almadies et ses environs, le Haut commandement de la gendarmerie a décidé, depuis plus d'une décennie, de créer un poste de gendarmerie devenu une brigade de proximité à Ngor. La mairie a, à l'époque, mis à disposition un local pas loin du marché. Au fil des années, il a été remarqué qu'à chaque hivernage, la brigade est submergée par les eaux pluviales qui engloutissent parfois le rez-de-chaussée. Lors des dernières pluies, le même scénario s'est produit.
Le Haut commandement a alors sollicité les autorités du village (maire et jaraaf) pour avoir un site plus approprié. Il leur a été demandé de mettre à disposition une parcelle pour que la gendarmerie construise une brigade aux normes et sur fonds propres.
Lors d'une mission de reconnaissance, plusieurs propositions ont été faites par le maire portant sur des sites inappropriés, parce qu’enclavés et inondables comme les locaux abritant l'actuelle brigade. L'émissaire de la gendarmerie a demandé à avoir un hectare sur un terrain servant de parking, ce que le maire a catégoriquement refusé, arguant qu'il y a des projets très rentables pour la commune qui y sont prévus.
Face au refus catégorique du maire, l'émissaire de la gendarmerie a demandé 500 m2. L'édile a encore refusé, estimant que 200 m2 suffisent. Finalement, les deux parties ont retenu une surface de 300 m2, à charge pour la commune d'en discuter au préalable. Tout cela s'est fait en août 2022.
Après plusieurs mois d'attente, la gendarmerie a relancé sa requête en faisant clairement savoir aux autorités que si, jusqu'au 1er mars 2023, aucune décision n'est prise, le poste de gendarmerie de Ngor, démembrement de la brigade de Ouakam, allait tout bonnement retourner à la maison mère. S'étant rendu compte que c'était loin d'être une simple menace, puisque la brigade de proximité de Ngor a été ramenée à Ouakam, à date échue, les dignitaires du village, accompagnés du maire, ont demandé et obtenu une audience avec le haut commandant de la gendarmerie. Entre-temps, l’un des responsables du village a fait savoir que le terrain sur lequel doit être érigée la gendarmerie n’appartient pas à la commune. Naturellement, des vérifications ont été faites et elles ont montré l’état des droits réels dudit terrain qui appartient à l’État du Sénégal. Avec cette nouvelle, la donne a changé.
La gendarmerie, qui s'était proposé de mettre en place une structure provisoire, a, après concertation avec les autorités compétentes, décidé de construire une caserne qui prendra en compte non seulement le village de Ngor, mais également tous les quartiers environnants, y compris les habitations qui sortent de terre dans l'aéroport, suite au morcellement de cet espace.
Au sujet du projet de construction d'un lycée, il faut signaler qu'il n'en était pas question, lors des négociations pour disposer d'une partie du site quand la mairie pensait qu'elle en était propriétaire.
En effet, le maire a parlé de plusieurs projets lucratifs, mais pas d'un lycée. D'ailleurs, le vendredi 14 avril 2023, un dossier est passé à la CCOD pour la mise à disposition du site à Auchan.
Parlant de lycée, aucun des villages de Yoff, Ngor et Ouakam n'en disposait, il y a deux décennies. Profitant des extensions de leurs villages respectifs, Ouakam et Yoff en ont fait une priorité et en ont eu. ‘’À Ngor, lors du morcellement de ce qui est devenu Ngor-extension situé entre la route principale qui mène au village et le King Fahd Palace, il n'a pensé à aucune structure d'intérêt commun (lycée, hôpital...) Ils se sont tout partagés et certains ont vendu à coups de millions’’, ont confié des personnes ayant suivi le processus de cette affaire.
‘’Deux cas antérieurs très récents méritent d'être signalés, abstraction faite du passé. Le sieur Madiambal Diagne, disposant d'un TF et de tous les papiers nécessaires pour construire un immeuble, a buté sur le refus catégorique des jeunes de Ngor, instrumentalisés par la mairie. Par ailleurs, Adjibou Soumaré, ancien Premier ministre, qui dispose d'un TF sur la corniche des Almadies, ne peut même pas y déposer un container parce que les jeunes de Ngor disent qu'il n'en est pas question.
Aujourd'hui que l'État décide de construire sur un site qui lui appartient, les mêmes jeunes s'y opposent, disant qu'une brigade de gendarmerie n'est pas une priorité. Depuis quand les populations définissent elles-mêmes les priorités à la place des autorités étatiques ? Jusqu'à quand cette attitude de défiance de l'État doit-elle perdurer ? Jusqu'où cela peut mener ? Autant de questions qui méritent réflexion. Toute une journée d'affrontements, les populations qui ne peuvent pas faire la prière du vendredi, une partie de la communauté musulmane qui ne peut pas fêter la Korité du fait des manifestations, la maison d'un citoyen sénégalais incendié, fut-il député du parti au pouvoir... Tout cela parce qu'il y a une équipe municipale qui prône la violence et la contestation de l'autorité de l'État... Le langage démagogique de la mairie doit être mis à nu afin que nul n'en ignore’’, ajoutent nos sources.
À propos de ce titre foncier, ‘’EnQuête’’ a pu y mettre la main. Il est inscrit à la conservation de la propriété foncière bureau de Ngor Almadies sur le n°9.492 de Grand Dakar (ex 25.938/DG), avant d’être reporté au livre foncier de Ngor Almadies sous le n°13.334/NGA désignation. Il s’agit d’un terrain d'une superficie de 6 387 m2, situé à Dakar Almadies (parcelle n°2 zone 10 compte 19) et propriétaire du Sénégal. ‘’Charge : terrain nécessaire à l'élargissement de la route de Ouakam et du tronçon route des Mamelles - Aéroport, suivant décret n°2010-1169 du 20 août 2010. En foi de quoi, le présent état est délivré à la Dscos, sur sa réquisition. Coût : gratis pour salaires Ngor Almadies, le 2 mars 2023 Ousmane Kassé 15N0302’’, lit-on dans le document faisant état d’un titre foncier.
MAGUEYE NDIAYE (MAIRE DE NGOR) SUR LE SITE EN QUESTION ‘’Notre volonté d’y ériger un lycée est ferme’’ ‘’Nous demandons cet espace au même titre que la gendarmerie. Le dernier document qu’on nous a montré faisait état d’un droit réel de l’État. Au même titre que la gendarmerie, on demande à l’État de nous le donner, car nous sommes un démembrement de l'État. On n’a jamais dit que le terrain appartenait à la mairie. Pour le lycée, nous sommes sur le projet depuis un an. C’est le meilleur endroit pour accueillir cette infrastructure. Cela n’a rien à voir avec la politique. Cet espace est au centre, entre le village traditionnel et l’expansion des Almadies. Sur ce site, nous voulons délocaliser la mairie qui est dans une zone inondable. Elle est en face de l’ancien poste de la gendarmerie. Nous avons toujours dit qu’il fallait délocaliser la mairie, car cela servirait de vitrine. Le site est sur l’axe principal. Cela relierait le Ngor traditionnel et les nouveaux quartiers, à savoir les Almadies et environ. Maintenant, pour les accusations, nous avons fait le constat. Il y a des gens qui s’activent et font tout pour dénigrer les Ngorois, la mairie et semer le doute. Mais ce qu’ils disent est archifaux. Aujourd’hui, nous voulons ce site pour y délocaliser la mairie et y construire le lycée, pas plus. Peut-on y ériger la mairie, le lycée et la gendarmerie ? Je ne sais pas. Notre volonté d’y ériger un lycée est ferme, en tout cas. On s’est engagé sur ça avant même notre installation. C’était une promesse de campagne. On avait promis de construire un lycée à cet endroit durant la campagne. L’objet de construction d’un lycée dans la commune de Ngor est réel. Où est-ce qu’on va le mettre ? On va le voir au fil du temps, selon le potentiel existant et les possibilités qu’on a. Malheureusement, il y a des gens de mauvaise foi qui cherchent à distiller des informations erronées. On m’a accusé de tout dans cette affaire, alors que ce que nous voulons, c’est la construction d’un lycée, mais aussi de la délocalisation de la mairie sur le parking de Ngor. Si quelqu’un dit autre chose, ça le concerne. Ce que nous voulons est simple. Nous ne voulons rien d’autre.’’ |
CHEIKH THIAM