Publié le 10 May 2012 - 22:12
BOCANDÉ ET LA GÉNÉRATION 86

De la gloire à l’indifférence

 

Le décès de Jules Bocandé remet en lumière le destin de certaines anciennes gloires de la génération 1986. Riches et adulés au sommet de leur art, oubliés et appauvris des années après leur retraite.

 

C’est un temps que les moins de vingt ans ne connaissent pas. Une période que trentenaires se remémorent avec délectation, mais également avec tristesse depuis le décès de Bocandé. C’est le temps où porter le titre de Sénef (Sénégalais de France) était un visa pour la renommée, la gloire et l’argent. Jules François Bocandé a été l’incarnation de cette génération à jamais accolée à la CAN 86 en Égypte. Mais jusqu’à la fin, Bocandé a symbolisé le destin de certains de ses anciens coéquipiers qui n’ont pas (ou mal) préparé leur retraite. L’ancien capitaine des Lions a été assisté par ses amis messins dans sa lutte pour retrouver sa santé, loin des yeux inquisiteurs des Sénégalais. Une situation que beaucoup n’arrivent toujours pas à comprendre. Comment un joueur qui émargeait à 25 millions Cfa en 1986 (une fortune à l’époque) s’est-il retrouvé en difficultés financières après sa retraite ? Dans la biographie que lui a consacrée le journaliste Abdoulatif Diop, une explication majeure est donnée. "Jules avait un manager luxembourgeois du nom de Gaston Zais qui jouait le rôle d’agent de joueur à l’époque, écrit le journaliste. C’est lui qui a coordonné ses transferts durant toute sa carrière. C’était en quelque sorte son homme de confiance, son bras droit. (…) Il le chargeait même de payer ses taxes pour l’Etat français. ''Ce qu’il n’a jamais fait. Il bouffait tout le temps l’argent à mon insu'', se plaint Bocandé". Conséquence : L’ancien joueur de Metz a dû rembourser le fisc français à la fin de sa carrière en payant plus de 200 millions Cfa. "Cela m’a complètement affaibli financièrement", s’était lamenté Bocandé.

 

 

Donner sans compter…

 

Mais "l’oubli fiscal" n’est toujours pas la seule raison d’une après carrière délicate. Pour le cas de Bocandé, le quotidien français l’Equipe pense que son transfert au PSG en 1986 a beaucoup joué dans sa carrière et sa santé financière. "Peu utilisé, Bocandé se réfugie dans l’ivresse des nuits parisiennes", écrit le journal qui révèle également que le joueur était capable "de donner 50 000 francs (2,5 millions) à un clochard qui le connaissait. "Donner sans compter était aussi le péché de la génération 86. Thierno Youm "était la générosité personnifiée", révèle Marcel Desailly dans son autobiographie ''Capitaine''. Mais l’ancien joueur sénégalais de Nantes aurait "été abusé (financièrement) pas ses proches", écrit l’ex-international français. Peut-être, comme Bocandé, Roger Mendy et tant d’autres, il pensait que la source ne tarirait jamais, oubliant que leur talent ne survivrait pas avec le temps. "On gagnait jusqu’à 200 000 francs français, 300 000, et même jusqu’à 500 000 francs français (50 millions F Cfa)", révéla un jour Oumar Guèye Sène, passé par le PSG notamment.

 

Aujourd’hui, chez les ex-Sénef, "certains vivent bien, convenablement, d’autres ont le minimum, certains souffrent carrément", confie l’un d’eux. Personne ne connaît l’opulence de ses années de gloire, ajoute-t-il. "Je ne tends la main à personne, martelait Oumar Guèye Sène dans une interview au magazine Week-end. A Dakar, je ne vais jamais dans le centre-ville ni dans aucun bureau. Je viens au Sénégal, je reste en famille et à la fin de mes vacances, je reprends mon avion pour rentrer en France. Personne ne me paie le billet ni ne vient à mon secours. Donc je suis heureux." Certains de ses ex-coéquipiers ne peuvent pas en dire autant…

 

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