Pour le principe de précaution
Les autorités sénégalaises ont accueilli, dans la plus grande euphorie, le 11 mars 2021, un lot de 25 000 doses du vaccin AstraZeneca, offert par l’Inde. Le ministre de la Santé a, pour, l’occasion, fait montre d’une satisfaction plutôt surréaliste, au regard des défiances que nourrit ce vaccin à travers le monde, affirmant, entre autres étrangetés, qu’il n’y avait aucune raison de s‘inquiéter quant à l’efficacité du vaccin et qu’aucun cas n’avait jusque-là été détecté qui ‘’mérite d’être posé en termes de pharmacovigilance’’.
Sans doute, les 324 000 doses d’AstraZeneca, reçues de l’Initiative Covax, le 3 mars dernier, ont motivé cette posture du péril : le Sénégal ne voudrait pas avoir sur les bras des doses inexploitables de vaccins, alors même que le péril est là ; que la courbe des contaminations n’est que modestement baissière et que le gouvernement a amorcé un relâchement des mesures coercitives en annonçant, entre autres, la fin de l’état d’urgence sanitaire pour le 19 mars. Abdoulaye Diouf Sarr a cru bon rassurer afin que la psychose d’une dangerosité de l’AstraZeneca ne devienne justement pas endémique et que l’engouement imprévu et bienheureux des populations pour la vaccination, ne connaisse un coup arrêt. Le risque d’une nouvelle flambée des contaminations serait alors évitable et inscrirait la communauté scientifique et médicale sénégalaise dans la logique d’une troisième vague. Cauchemar !
Et pourtant, la réalité est là, d’un vaccin qui passe mal de par la pertinence de ses effets dangereux et vraisemblablement mortifères : plus de 30 cas d’événements thromboemboliques (formation de caillots sanguins) ont été signalés en Europe ; la réaction du Danemark, de la Norvège, de l’Islande et de la Bulgarie ne s’est pas fait attendre : le recours au vaccin de la firme anglo-suédoise a été temporairement suspendu au nom du vertueux principe de précaution. En Asie, la Thaïlande a fait dans la même spontanéité et a préféré suspendre l’administration de l’AstraZeneca à ses populations. En Afrique, la RDC, pourtant peu exemplaire en termes de diligence et de surveillance médicale, a pris acte de la récurrence des effets secondaires vérifiés, pour suspendre le recours au vaccin. Oui, la réalité est là, d’un vaccin qui tue par coagulation du sang.
Cependant, pour des raisons inconnues, des pays comme la France, la Belgique et bien d’autres, continuent de célébrer l’efficacité du vaccin et d’appeler à une vaccination massive et confiante par l’AstraZeneca. Ils argumentent que sur 5 millions de personnes vaccinées, seule une trentaine a subi les effets parfois mortels de la maladie. Pas suffisant, à leurs yeux, pour suspendre ce produit au sujet duquel le professeur Mathieu Molimard, Chef du Service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, dit pourtant que ‘’le développement de ce vaccin n’a pas été fait dans les règles de l’art… La rigueur habituelle des essais cliniques a été malmenée…’’ Sans commentaire…
On fera pourtant le procès du réflexe des pouvoirs publics de notre pays à verser dans le mimétisme des postures françaises, d’autant plus qu’en l’occurrence, il porte le risque du péril public ; on argumentera que l’efficacité d’AstraZeneca, en essai clinique, n’est que de 60 %, quoi qu’en disent les inconditionnels du produit qui évoquent son efficacité sur les cas graves chez les patients de plus de 50 ans…
Et l’on s’indignera enfin du discours soporifique de l’OMS qui nous sert qu’’’aucun lien entre le vaccin et un risque accru de développer un caillot sanguin n’a été établi’’.
Pour le Sénégal et rien que pour lui, qu’il nous soit possible de plaider en direction des autorités, de faire prévaloir aussi le principe de précaution, en attendant que parlent les données de surveillance collectées, si tant est que l’on soit enclin à les faire parler, même si elles révèlent des cas de troubles de la coagulation sanguine.
L’enthousiasme débonnaire, l’assurance presque vaniteuse du ministre de la Santé pourraient très bien se transformer en oraison funèbre, si cet élémentaire principe de précaution n’est pas adopté, en attendant que dans la transparence et la vérité, les vrais mérites du vaccin ou ses sinistres inconvénients ne soient définitivement dévoilés. C’est de la précaution, certes, mais peut être encore plus, de l’éthique.