Un deal sur le dos des cadavres
En période de ramadan, la fibre généreuse des Sénégalais a été d’avantage chatouillée. Un tour au cimetière de Yoff a permis de s’en convaincre.
Déjà du côté de la route principale, un groupe impressionnant de mendiants a élu domicile sur le trottoir. Ils jettent un regard parlant au visiteur qui débarque. Leurs affaires se portent au mieux, en ce mois béni. Car ceux qui viennent aux cimetières font souvent un détour là-bas.
Ces gestes de charité se font également à l’entrée même du cimetière, au grand bonheur des croque-morts. Toutefois, ils ont voulu attirer l’attention de généreux donateurs sur des pratiques néfastes qui entourent souvent les remises de dons. “Des gens mal intentionnés se sucrent sur notre dos, à travers des collectes de dons qui ne nous parviennent presque jamais”, renseigne Bacary Coly. Il ajoute : “Souvent ces collecteurs malhonnêtes amènent avec eux des soi-disant nécessiteux à qui ils remettent une bonne partie des dons, au détriment de nous autres qui ne sommes que de pauvres volontaires”. Suffisant pour que les croque-morts, réunis ce jour-là sous un arbre devant le portail des cimetières, crient haro sur ces pratiques qui n’honorent pas leurs auteurs. Il est 13 heures. C’est l’heure d’une pause décidée. Les uns s’asseyent sur le rebord des tombes, tandis que les autres palabrent sous l’ombre clairsemé de quelques arbres plantés dans cet espace qui semble infini. Le cimetière de Dakar-Yoff s’étend sur 2km de longueur et 1km de largeur, informe M. Coly. A 14h, c’est l’heure de la prière, il faut la faire vite, car un autre enterrement est prévu juste après. Au sortir de cette mosquée construite à gauche, juste avant l’entrée du cimetière, le corps était déjà là, étalé sur une civière. La prière mortuaire effectuée, nos guides s’enfoncent à nouveau dans les méandres du cimetière, direction la tranchée. Sur place, c’est le même rituel. “La mort nous est devenue banale, car on la côtoie tous les jours”, lâche, serein, Saliou Diop.
AMADOU NDIAYE