Publié le 2 Aug 2013 - 06:30
COMPLAINTES DES SÉNÉGALAIS VIVANT A BAMAKO

Quand les Sénégalais fuient Dakar pour échapper à la cherté de la vie

 

Pigeons voyageurs, les Sénégalais émigrent un peu partout à travers le monde et dans la sous-région ouest africaine en particulier. A Bamako, la capitale malienne, c’est par milliers qu’ils se comptent les Sénégalais qui sont venus chercher fortune. Mais également pour fuir le calvaire que constitue le niveau de vie trop élevé dans la capitale sénégalaise. Reportage.

 

 

Le niveau trop élevé de la vie au Sénégal, certains le supportent, d’autres non. Dans ces cas, ces derniers préfèrent souvent fuir la capitale sénégalaise pour d’autres cieux. En Europe, aux États-Unis ou encore en Afrique et dans sa sous-région. A Bamako, nombreux sont les Sénégalais qui y vivent, pour échapper aux dures réalités de la vie au Sénégal, en général, et de sa capitale en particulier. Éparpillés dans la capitale malienne, ces Sénégalais sont plus présents au quartier Ouolofobougou (quartier des Wolofs, en langue bambara).

Situé entre les quartiers Badalabougou (quartier sur la bordure du fleuve Niger), Badialan et Darès salam, Ouolofobougou est aujourd’hui transformé en une sorte de Colobane (marché populaire à Dakar) où les ressortissants sénégalais vivant à Bamako mènent toute sorte d’activités. Ici, ils s’exercent le plus dans la bijouterie, la maçonnerie, la mécanique, le commerce, entre autres. Mais le secteur dans lequel ils sont le plus présents reste la couture et la broderie. Nombreux sont les Sénégalais qui sont tailleurs à Bamako et sont réputés dans ce domaine. Parmi eux, le tailleur Fallou Dème. Originaire de la région de Louga dans la partie nord du Sénégal, ce monogame père de deux enfants est venu chercher fortune à Bamako vers les années 2000. Bien intégré dans ce pays (il parle maintenant la langue bambara), Fallou Dème y vit à l’aise. ‘’Franchement je n’ai aucun problème particulier dans ce pays où je gagne ma vie correctement et où je vis bien. Je rends grâce à Allah, je ne me plains pas comme beaucoup de Sénégalais d’ailleurs’’, déclare-t-il.

Teint noir, taille moyenne, une toute petite cicatrice au visage, Fallou Dème est le prototype du sénégalais facilement identifiable de par son appartenance confrérique. Disciple de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du Mouridisme, Fallou Dème regrette de ne pas pouvoir mener cette vie de réussite à Dakar où selon lui, ‘’le niveau de la vie est trop élevé’’. ‘’La bouffe, le loyer, l’eau, l’électricité, le transport, tout est cher à Dakar’’, rumine-t-il sans cesse.

 

''L’ambassade du Sénégal absente, la maison de Serigne Touba est le rempart des sénégalais''

De l’autre côté, un autre atelier. Ici, les machines tournent encore et encore. Le travail est énorme, à l’approche de la fête de Korité prévue dans moins de deux semaines. C’est à peine si Lat Mbow, le maître de céans nous accueille. Plus ou moins sceptique, il se livre à une série de questions : ''Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous voulez ?  Lance-t-il avec méfiance. ''Je suis journaliste. Je viens du Sénégal, pour les besoins de la couverture de la présidentielle malienne''. Cette réponse, au lieu de le rassurer, le met en colère. ''Je ne réponds pas aux journalistes sénégalais, parce qu’il y a une télévision sénégalaise (il a nommé la télévision) qui est venue ici dire que les sénégalais se prostituent ou vendent de la drogue, alors que c’est faux'', fulmine-t-il. Il faut beaucoup de diplomatie pour qu'il retrouve son calme et accepte de s’exprimer sur la vie que mènent les sénégalais dans ce pays hôte. ''Nous n’avons aucun problème particulier ici. Seulement, nous ne sentons pas la présence de notre ambassade à Bamako'', lâche-t-il. Il soutient que ''c’est la maison de Serigne Touba située à Hamdalaye qui joue le rôle que devrait jouer l’ambassade du Sénégal, en assistant tous les ressortissants sénégalais qui ont des démêlés avec la justice malienne ou qui sont dans le besoin, et sans distinction aucune''. ''Les talibés de Serigne Touba hébergent les ressortissants sénégalais qui n’ont pas où dormir, jusqu’à ce qu’ils aient quelque part où aller. Ils financent même certaines de leurs activités ou leur donnent tout simplement le billet de retour, s’ils veulent rentrer et  n’ont pas de moyens’’, confie-t-il. Avant de s’aventurer dans une tentative d’explication des raisons qui sont à l’origine du phénomène de migration des sénégalais vers d’autres pays.

 

‘’Macky Sall doit tenir ses promesses électorales’’

 

Selon Lat Mbow, c’est parce que ''la vie est trop chère au Sénégal qu’ils fuient le pays’’. A l’en croire, ‘’vivre au Sénégal n’est plus chose aisée et notre pays est devenu un enfer sur terre’’. Face à cette situation, il regrette que les nouvelles autorités ne prennent aucune initiative visant à endiguer ce phénomène. ‘’Macky Sall doit respecter ses promesses électorales. Il nous avait promis 500 000 emplois, une baisse drastique du coût élevé de la vie, mais jusqu’à présent on n’a rien vu’’, tonne-t-il, non sans ajouter : ‘’Macky Sall a déçu le peuple sénégalais, parce qu’il n’a rien fait de ce qu’il avait promis avant son élection à la tête du pays.’’

Rester au pays et gagner dignement sa vie, c’est le vœu le plus cher de Lat Mbow. Mais, soutient-il, ‘’si nous sommes à l’étranger, c’est parce que nous n’avons pas le choix, car la vie est trop chère à Dakar et le loyer aussi’’. ‘’Et même quand nous appelons au pays, ce sont des doléances du genre : nous n’avons pas de dépenses quotidiennes. Ce qui fait que tout ce que nous gagnons ici est envoyé à Dakar, via western union’’, ajoute le père de famille domicilié à l’unité 19 des Parcelles Assainies de Dakar.

 

Le corridor Dakar-Bamako

Cap sur Médina Coura. Un quartier populaire de Bamako où vivent certains ressortissants sénégalais. Ici, outre la cherté de la vie au Sénégal, l’on dénonce l’arnaque qui s’opère sur le corridor Dakar-Bamako. ‘’Si tu prends la route, tu payes 1000 F Cfa, dans chaque poste de police, alors qu’on nous parle d'une libre circulation des biens et des personnes dans l’espace CEDEAO’’, dénonce Moussa Ndour. Ajoutant ainsi que ‘’l’Union africaine que nos dirigeants théorisent partout ne se limite qu’aux documents et ne se reflètent pas sur le terrain’’. ‘’Ils (les dirigeants africains) passent tout leur temps à tenir des réunions dans les hôtels, alors qu’aucun acte concret n’est posé sur le terrain’’, soutient Moussa Cissé. Pour autant, il avoue que ‘’la vie à Bamako est meilleure qu’au Sénégal’’. Ici, dit-il, ‘’il n’y a pas de coupures intempestives d’électricité comme à Dakar et nous ne sommes pas confrontés à des problèmes de loyer ou de dépenses quotidiennes’’.

 

 

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