Publié le 10 Jun 2016 - 18:05
CONCERTATIONS AUTOUR DU PROCESSUS ELECTORAL

Rewmi attaque, le Pds tempère, le ministre esquive

 

Les concertations entre le ministre de l’Intérieur et les partis politiques  légalement constitués ont été riches hier en évènement. En plus des discussions sur le code et le fichier électoral, on a assisté à une passe d’armes entre le Rewmi d’Idrissa Seck qui récuse Abdoulaye Daouda Diallo et la mouvance présidentielle. Pour sa part, le Parti démocratique sénégalais (Pds) a été cette fois ci très modéré dans ses positions.

 

Le ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda Diallo a rencontré hier l’ensemble des partis politiques légalement constitués dans le cadre d’un dialogue sur le processus électoral. La rencontre qui s’est tenue à l’hôtel Ngor Diarama a été une occasion pour les différentes sensibilités politiques du pays de passer au peigne fin toutes les questions liées à l’organisation des élections au Sénégal.

D’entrée de jeu, le président de la Commission électorale nationale autonome (Cena) qui a ouvert les travaux, pose les jalons du débat en ces termes : ‘’la démocratie est une quête permanente qu’il est nécessaire de consolider et d’améliorer. Ses vecteurs essentiels en sont le Code et le fichier électoral qu’il faut revisiter, réactualiser et adapter avec le concours de toutes les parties prenantes du processus chaque fois que cela s’avère nécessaire. Tel est aujourd’hui l’objectif de cette rencontre’’.

Dans un élan d’apaisement des discussions qui vont suivre, Doudou Ndir souhaite que le dialogue se tienne dans un climat serein afin d’aboutir à des consensus forts. ‘’Le référendum est derrière nous, il faut dès lors avancer afin d’arriver à des consensus forts pour consolider les institutions de la République. La Cena, au cœur de notre dispositif électoral, souhaite que les espoirs ne soient pas déçus et que nous fils de ce pays, nous nous accordions sur l’essentiel pour l’intérêt seulement du Sénégal’’, soutient-il.

Le Rewmi ouvre les hostilités

Mais les hostilités n’ont pas trop tardé. Et c’est le Rewmi d’Idrissa Seck qui passe à l’offensive. ‘’Je voudrais dire au ministre déjà que vous nous avez convoqué à 10h mais vous êtes venu à 10h38 ; ce qui n’est pas du tout normal’’, embraye Déthié Fall. Avant de poursuivre : ‘’Je dirai également que vous êtes ni indiqué ni apte à organiser une élection dans ce pays’’. Fixant Abdoulaye Daouda Diallo droit dans les yeux, il développe : ‘’Vous n’êtes pas indiqué parce que toutes les conditions d’un processus électoral fiable et transparent ont abouti à un choix de personnalités neutres en 2000 avec un Général de l’armée, en 2011 avec un inspecteur général d’Etat. Vous, vous êtes membre de l’APR et maire de Boké Dialoubé, donc vous n’êtes pas indiqué pour organiser une élection dans ce pays’’.

Le vice-président de Rewmi d’ajouter : ‘’vous n’êtes pas apte parce que la dernière consultation a montré des manquements extraordinaires avec le tirage des cartes d’électeurs privant 180 386 citoyens de leur droit de vote alors que l’article L53 dispose que ‘’l’administration est chargée de l’impression et de l’établissement des cartes d’électeurs aux frais de l’Etat’’. Nous avons également  noté le passage inexpliqué du nombre de bureaux de vote à l’étranger de 653 en 2012 à 1213 en 2016’’, renchérit-il.

Toujours dans ses récriminations, le militant d’Idrissa Seck impute la responsabilité au ministre Abdoulaye Daouda Diallo, ‘’le pourcentage aberrant du nombre de votants par rapport à la population locale dans plusieurs communes comme Gorée 158,3% et Dakar Plateau 95,7%’’. ‘’Cela montre que vous êtes inapte pour organiser une élection et il est hors de question d’engager une réforme qui nous engage au-delà du mois de décembre’’, lâche-t-il.

Cette attitude du responsable de Rewmi vis-à-vis du ministre de l’Intérieur a en effet soulevé l’ire des partis alliés de Benno bokk yaakaar (Bby) qui ont aussitôt réagi. ‘’Il faut que nos amis de l’opposition ne soient pas de mauvais perdants. Le référendum a été bien organisé et l’ordre du jour de cette rencontre porte sur le processus électoral et non sur autre chose’’, rétorque Cheikh Sarr, leader de Ñaxx jariñu/Mouvement pour l’alternance générationnelle. ‘’Nous sommes ici pour dialoguer pas pour polémiquer’’, renchérit Me Ousmane Sèye, président du Front républicain.

Tir groupé sur Idrissa Seck

Dans les rangs de la mouvance présidentielle, les interventions se suivent et se ressemblent. Tous tirent à boulets rouges sur le Rewmi d’Idrissa Seck.  ‘’Il ne sert à rien de venir ici tenir un discours va-t-en-guerre ou de bander les muscles’’, déclare le leader du Parti social-démocrate/Rénovation (Psd/R). Selon Ousmane Faye, ‘’Rewmi essaye de s’accaparer du statut de parti leader de l’opposition sous prétexte que le Pds est allé répondre au dialogue national initié par le président de la République, Macky Sall’’. ‘’Comment Rewmi peut incarner l’opposition au Sénégal. Nous sommes dans l’opposition depuis 2012 après la chute d’Abdoulaye Wade. Pendant quatre ans on s’est battus dans le cadre du Front patriotique pour la défense de la République (Fpdr) pour construire une opposition forte face à Macky Sall. Au même moment le Rewmi était avec Macky Sall dans la mouvance présidentielle et son leader Idrissa Seck touchait plus de 30 millions par mois’’, rouspète l’allié du Pds. Et selon Ousmane Faye, cette volonté d’Idrissa Seck de ‘’confisquer’’ le statut d’opposant du Pds ne saurait prospérer. ‘’Nous ne répondrons pas aux sosies d’Idrissa Seck. Nous lui répondrons directement. Il n’est pas un homme normal. Il peut faire ce qu’il veut mais l’opposition, c’est le Fpdr. C’est nous qu’on a mis en prison, c’est nous à qui on a lancé des grenades lacrymogènes pendant des rassemblements’’, fulmine-t-il.

Le Pds met de l’eau dans son vin

Si le Rewmi d’Idrissa Seck a été plus que virulent envers le ministre de l’Intérieur, le Parti démocratique sénégalais (Pds) a tempéré son discours. Les Libéraux qui ont toujours vilipendé le processus électoral surtout après le référendum du 20 mars 2016 semblent avoir mis de l’eau dans leur vin. ‘’Le Pds se réjouit de cette rencontre qui s’inscrit parfaitement dans sa démarche et dans ses principes fondamentaux qui tendent à toujours faire améliorer le processus électoral et renforcer la démocratie’’, déclare Magatte Sy.

Le plénipotentiaire du Pds, en plus des propositions formulées par le ministre de l’Intérieur pour l’amélioration du processus électoral, a invité l’Assemblée à se pencher sur les points tirés des recommandations inscrites dans les conclusions des travaux de la commission technique de révision du Code électoral de janvier 2014. Au sortir de ces travaux, le Pds avait insisté sur la nécessité de continuer la réflexion sur l’insertion des dispositions régissant l’organisation des référendums. Il avait souhaité également que le montant de la caution soit fixé par décret avec un plancher et un plafond. Aussi, avait-il proposé que le vote par procuration soit mieux étudié ainsi que le financement des partis politiques.

Le Pds a dans la même veine appelé les différents acteurs de ce dialogue à inscrire dans les discussions la limitation du nombre d’électeurs par bureau de vote, l’accès aux médias d’Etat et la désignation d’une personnalité neutre pour organiser les élections.

Abdoulaye Daouda Diallo esquive les attaques de Rewmi

Prenant la parole pour faire la synthèse des travaux, le ministre de l’Intérieur a fait table rase sur toutes les attaques contre lui. Il s’est tout simplement contenté de dire qu’au stade actuel de la démocratie sénégalaise, il est impossible à un régime de frauder ou de truquer des élections. ‘’Aujourd’hui, tout politique sérieux sait qu’il n’est pas possible de frauder en organisant des élections. Ce n’est pas possible, le système est suffisamment verrouillé et on ne peut pas s’autoriser cela’’, précise-t-il,  tout en estimant que son départ du département des élections réclamé par l’opposition n’est qu’un détail qui ne mène à rien.

Abdoulaye Daouda Diallo a en outre, décliné le planning et le format des travaux. Au total, 12 propositions ont finalement été retenues au lieu des quatre déclinées dès l’ouverture des travaux. Il s’agit entre autre de la participation des indépendants aux élections, la fusion de la carte d’identité et de la carte d’électeur pour simplifier les procédures, des modalités de désignation des députés de la diaspora, des modalités de participation des militaires et paramilitaires au vote. Mais aussi de mode de scrutin au niveau de l’Assemblée et des communes, du référendum, de la carte électorale, de la parité et aussi du bulletin unique réclamé par certains acteurs.

ASSANE MBAYE

 

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