Publié le 25 Jan 2018 - 18:37
CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE L’ETAT ET DE LA VILLE DE DAKAR

La bataille des arguments

 

Hier, les constitutions de partie civile de l’Etat du Sénégal, de la mairie de Dakar ainsi que la présence de l’Agent judiciaire de l’Etat ont été au cœur des débats.

 

La bataille procédurale continue. Qui de l’Etat du Sénégal ou de la Ville de Dakar est habilité à se constituer partie civile dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar ? Ces deux exceptions soulevées ont occupé les débats au 2ème jour du procès de Khalifa Sall et Cie. Hier, les avocats de la défense ont poursuivi leurs plaidoiries relatives à la présence de l’Etat dans ce dossier entamées la veille. Me Borso Pouye a voulu d’abord régler ses comptes avec les conseils de l’Etat. ‘’Nous ne sommes pas des crieurs publics. Nous sommes des avocats et nous n’avons pas besoin d’invectives. Cela m’a beaucoup désolée hier (mardi dernier). C’est la raison pour laquelle je me suis abstenue de parler de la constitution de la partie civile de la mairie de Dakar’’, a-t-elle fait savoir. Puis, s’exprimant sur celle de l’Etat et du comportement de l’Agent judiciaire, elle a soutenu que ‘’cela heurte le bon sens’’. Car, soutient-elle, ce dernier a toujours combattu la mairie de Dakar et aujourd’hui, il veut se constituer partie civile.

Me Borso Pouye : ‘’C’est indécent et indigne d’un Etat digne de ce nom’’

 La robe noire a rappelé les affaires sur la gestion des ordures et sur le cinéma El Mansour dans lesquelles l’Etat a sollicité sa mise hors de cause. Soutenant que ce sont des décisions qui excluent l’Etat du Sénégal du dossier. ‘’Il ne s’agit pas de deniers publics. Ces fonds proviennent des recettes de la commune, vous n’avez pas le droit d’être dans cette procédure’’, a-t-elle plaidé sous les rires sous cape des avocats de la partie civile. ‘’Rira bien qui rira le dernier. J’ai fait 37 ans de barre, vous ne me verrez jamais troubler une audience. C’est pour distraire le juge qu’on se met à railler de l’autre côté, mais ça ne passera pas. L’Etat du Sénégal n’a pas sa place ici. Par contre, la Ville de Dakar a un intérêt à agir’’, a-t-elle martelé. Avant d’avancer : ‘’Alors que l’intérêt de l’Etat, c’est avoir la tête de Khalifa Sall avec tous les dégâts collatéraux que cela comporte, il ne peut pas se constituer partie civile. C’est indécent et indigne d’un Etat digne de ce nom. C’est inadmissible qu’il veuille s’installer dans ce dossier’’. Pour Me Pouye, il est temps de rétablir la légalité entre les parties. Car l’Aje ne peut pas prendre la parole et la passer ensuite à ses conseils. ‘’Les fonctionnaires de l’Etat qui sont là, on les appelle certes des percepteurs du trésor public, mais ce sont des percepteurs municipaux. L’article 1 du code de l’administration communale de 1966 a réglé cette question. La commune est gérée par les élus pour les populations. Cette constitution de l’Etat ne peut pas être jointe au fond’’, a-t-elle conclu.

Mais le juge a une fois de plus pris la parole pour lancer : ‘’Nous avions dit, hier, que chaque partie a le droit d’organiser sa propre défense de la manière dont elle l’entend. Nous nous empêchons de nous immiscer dans la défense des parties. Telle est la posture et la décision prise par le tribunal sur cette question’’, a-t-il tranché.

A son tour, Me Ndèye Fatou Touré a indiqué que l’argent de l’Etat n’est pas en cause, puisqu’il a fait des transferts. Me Moustapha a lui parlé de l’unité nationale de l’intégrité territoriale. D’autant plus que, note-t-il, une administration est distincte de celle de l’Etat. ‘’Seule une délibération par le Conseil municipal (CM) permet de se constituer partie civile et d’intervenir dans ce procès. Cela règle le problème de l’Aje qui n’a pas été désigné par le CM’’, assure le conseil.

Le procureur Serigne Bassirou Guèye veut l’Aje dans la cause

A ces exceptions soulevées, le procureur de la République a requis l’application de la loi. ‘’L’agent judiciaire va développer avec ses conseils’’, a-t-il lancé. Avant de souligner que, depuis 2013, le Sénégal est intégralement communalisé. ‘’On dit que seuls les conseils municipaux qui ont partagé l’argent peuvent désigner un représentant. Ils empêchent quelqu’un à réclamer le préjudice à la barre. Cela me semble inconséquent, impossible’’, a soutenu le parquetier. Qui a ajouté : ‘’Quand il a fallu mettre en place la caisse d’avance, on est allé chercher le receveur municipal qui est un agent du ministère des Finances, pour lui dire que vous êtes l’Etat, donnez-nous l’argent. Quand il s’agit de prendre, on va voir l’Etat et quand il s’agit de rembourser, ils disent qu’il n’est pas concerné. Je suis d’accord quand vous dites que l’Aje ne représente pas la mairie. Mais Antoine Félix Diome vous dit que l’Etat a subi un préjudice’’. Serigne Bassirou Guèye de poursuivre : ‘’La Ville de Dakar, vous dites que vos intérêts sont en opposition. Vous avez raison, car vous voulez que Khalifa Sall soit condamné et qu’il vous verse des dommages et intérêts. Donc, je vous accueille à bras ouvert. En attendant, il faut produire les documents qui justifieraient votre présence dans cette procédure.’’ Pour l’Aje, a-t-il indiqué, la réponse coule de source : il doit rester dans la cause.

Debout à la barre, Antoine Félix Diome a relevé que les conseils de la défense n’ont cessé de soutenir que la mairie doit se défendre car dotée d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière. Toutefois, a-t-il fait savoir, ils oublient que toute action dans laquelle l’Etat est créancier ou débiteur doit être représentée par ou contre l’Aje. ‘’On est sur la défense des intérêts de l’Etat. Si vous aviez visité le décret 1970 portant l’organisation du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, en ce qui concerne les deniers publics, même concernant les affaires domaniales et fiscales, c’est l’Aje qui est compétent. Il y a d’autres textes. De plus, l’Etat participe aux personnes de la Ville. Il n’y a pas que les transferts de fonctionnement et d’investissement’’, a-t-il avancé. Sur un ton posé, il a déroulé : ‘’Depuis hier (mardi), on nous a reproché de faire une intrusion dans cette procédure. Je me demande s’il y a eu une modification de l’histoire procédurale de ce dossier. Puisque ce sont les avocats de la défense qui nous ont invité dans cette procédure.’’

Le représentant de l’Etat d’éclairer, qu’après le placement sous mandat de dépôt des inculpés, le 7 mars 2017, leur agence a reçu une requête aux fins de demande de mise en liberté provisoire signée par Mes Ciré Clédor Ly, Seydou Guèye, Demba Ciré Bathily et François Sarr, le 23 mars. Ceci, même s’ils ont émis ‘’’des réserves’’. ‘’Nous n’étions pas encore constitués partie civile. C’est le 30 mars que nous nous sommes constitués dans cette affaire. Ce sont eux qui vous demandent de nous mettre en dehors de cette procédure qui étaient les premiers à nous y inviter’’, a-t-il martelé.

Me Yérim Thiam : ‘’Khalifa Sall pense qu’un procès équitable, c’est de ne pas avoir en face de lui l’Etat’’

Poussant Me Baboucar Cissé à soutenir que si l’Etat n’avait pas sa place dans ce dossier, il n’aurait pas reçu communication pour la mise en liberté provisoire. De même que pour la requête aux fins de consigner a été communiquée à l’Etat pour se conformer aux dispositions légales. Me Samba Bitèye de regretter, à son tour, ‘’ce dilemme qui n’a rien de cornélien que veut installer la défense’’. ‘’Nous sommes dans un procès où on a le sentiment qu’il y a dans le système judiciaire des cloisonnements tellement forts que l’on peut produire devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel des documents et des déclarations et venir les exposer les uns contraires aux autres devant le tribunal. Mieux, par une résolution datée du 31 mars, le conseil d’administration de la ville de Dakar a dit que la mairie n’a subi aucun préjudice. Oubliant que la mairie, c’est l’Etat’’, a asséné Me Bitèye.

Sur ce, une pause ‘’technique’’ de 15 minutes a été demandée par les représentants de l’Etat. Ensuite, Me Moussa Félix Sow a pris la parole. ‘’Lorsque vous regardez la régie financière et la comptabilité de la commune, ces données échappent à la municipalité. C’est la loi organique des finances publiques. Donc, l’Etat exerce un contrôle sur tous les organismes publics, notamment les collectivités locales. Il n’y a pas de deniers municipaux. Tous ces deniers sont des deniers publics’’, renseigne-t-il. Non sans convoquer le principe de l’unicité de la caisse de l’Etat.

Son confrère Me Yérim Thiam a aussi relaté que cette caisse est un avantage indu. ‘’Ces prévenus sont poursuivis pour escroquerie portant sur des deniers publics, faux et usage de faux. Pour le faux, tous les mois, ils remettent à l’Etat du Sénégal de faux documents pour décaisser de l’argent. N’est-ce pas que j’ai subi un préjudice ne serait-ce que moral ?’’ s’est-il demandé. Avant de lancer : ‘’Le préjudice que j’invoquerai ne s’arrêtera pas à 1,8 milliard. Nous l’évoquerons le moment venu. En sus, Khalifa Sall pense qu’un procès équitable, c’est de ne pas avoir en face de lui l’Etat comme partie civile. C’est faux ! Nous serons là pour défendre la cause de l’Etat du Sénégal.’’

La réplique ne s’est pas fait attendre du côté de la défense. C’est d’abord, Me François qui a voulu ‘’rétablir la vérité’’ face aux inexactitudes avancées par l’Aje. ‘’On voudrait faire croire que sont les avocats de Khalifa Sall qui ont reconnu la qualité de partie civile de l’Etat. Mais l’Aje n’a pas révélé que c’est sur demande de la Chambre d’accusation. Nous avons mis en gras ‘’en tant que de besoin et toutes réserves’’. L’Aje l’a compris et il a volontairement omis de le préciser’’, a-t-il signalé. Sur le détournement, il a contesté l’existence de ce trou. ‘’Et si jamais il y a un trou, le préjudice revient à la ville de Dakar. Le gap dont on parle, la commune vous dit en votant le budget, je prends des fonds politiques à raison de 30 millions par mois au profit de mon maire. Il ne s’agit pas de complicité, mais c’est la réalité’’, a argué Me Thiam. Qui a poursuivi : En tant que prévenu, je ne vois pas comment la ville de Dakar peut ne pas intervenir dans cette procédure. Il est important de reconnaître la souveraineté du conseil municipal en fixation de budget. Les conseils municipaux sont des élus et le pouvoir central ne peut pas tout le temps s’immiscer dans leur travail. Il ne faut pas voir une approche réductrice de la décentralisation. On doit le renforcer.’’

‘’Cette place devra être réservée plus tard à d’autres personnes que vous représentez’’

De son côté, Me Ousseynou Fall s’est illustré à nouveau en s’attaquant au parquet et à l’Etat. ‘’La partie civile a abondé dans plusieurs domaines. Elle a même rappelé de l’affaire de Karim Wade pour la présence de l’Aje. Mais il faut comparer ce qui est comparable. Là-bas, on parle de la reddition des comptes mais ici, il s’agit d’une affaire de commune’’.

Très en verve, l’avocat libéral de tonner à l’endroit des avocats de l’Etat. ‘’Si vous avez des arguments, vous n’avez pas besoin de marteler. En plus, ce n’est pas parce que vous êtes payés par l’Etat que vous racontez du n’importe quoi. Je suis convaincu de la justesse de Khalifa, je le défends sans rien attendre en retour. Sa place n’est pas ici. Cette place devra être réservée plus tard à d’autres personnes que vous représentez. Khalifa Sall n’est pas un escroc. S’il est escroc, ses prédécesseurs le sont’’, a-t-il déclaré, tout en s’excusant devant le tribunal. ‘’Les véritables escrocs ne sont pas là. Ils sont cités dans Arcelor Mittal et Petro-Tim. Tout ce que vous avez dit est faux.  La justice ne peut être maniée comme un outil politique. On nous a tout dit, sauf de la légalité de l’Aje dans ce dossier’’, a raillé la robe noire.

Par ailleurs, Me Fall a indiqué que, lors des fêtes de fin d’année, il s’est promené à la place de l’indépendance, l’endroit était triste. ‘’Dakar est à l’image de la violation des droits de Khalifa Sall. Nous comptons sur vous monsieur le Président pour que le droit soit rétabli, car l’Etat a pour dessein machiavélique de condamner Khalifa Sall’’, insiste-t-il. En l’écoutant religieusement, certains soutiens du maire de Dakar n’ont pu retenir leurs larmes.

AWA FAYE

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