Rue Jean XXIII, «territoire libéré»
La délocalisation de l'ambassade des États-unis du centre-ville de Dakar à la Pointe des Almadies a libéré la rue Jean XXIII où une vie normale a repris ses droits et où les usagers, qui poussent un grand ouf de soulagement, peuvent dorénavant circuler librement sans être soumis à contrôle.
Un territoire libéré. Une chaussée dégagée et goudronnée. Une libre circulation des biens et des personnes, la rue Jean XXIII a fait peau neuve et respire un nouvel air. Un air nouveau. Depuis la délocalisation de l'ambassade des États-unis à la Pointe des Almadies, le décor est tout autre. Les gens vaquent à leurs occupations tranquillement, tandis que les voitures circulent librement, en double sens. D'ailleurs, la ruelle devient de plus en plus fréquentée. Sur ses trottoirs, des mécaniciens et même des mendiants commencent à élire domicile. Chose qui était impossible il y a seulement quelques semaines de cela.
La vie reprend ses droits dans cette ruelle qui sort enfin de sa torpeur. Dorénavant, les personnes et les biens peuvent circuler, sans être soumis à un contrôle de routine des services de sécurité de l'ambassade américaine qui, il faut le rappeler, veillaient au grain sur tout ce qui se faisait ou qui se disait dans le coin. Naguère barricadée par les services de sécurité de l'ambassade des États-Unis au Sénégal, cette rue ne tolérait pas le stationnement. Ce lieu, hautement surveillé pendant tout le temps qu'il était un territoire diplomatique des États-Unis, était devenu une propriété privée américaine en plein cœur de Dakar. Il n'était pas donné à n'importe qui de traverser cette ruelle pour rejoindre l'autre bout de la place Sowéto. Il fallait avoir un comportement dénué de tout soupçon, sinon point de passage. ''Un jour, en voulant traverser la ruelle, bouteille de boisson à la main, les services de sécurité américains m'ont demandé de boire le contenu de la bouteille avant de passer. Chose qui m'avait révolté, jusqu'à ce que je décide de ne plus emprunter cette artère, au risque de me faire humilier'', témoigne un Dakarois.
''Nos dirigeants nourrissent un complexe envers les États-unis''
''C'est comme si on n'était plus chez nous. Personne ne pouvait circuler librement dans cette ruelle qui était devenue une propriété exclusivement réservée aux américains'', déplore cet ancien militaire sénégalais reconverti dans le gardiennage. ''Même dans notre propre pays, on nous opprime. Qu'avons-nous fait pour être toujours sous la domination des puissances étrangères ? Qu'est-ce qui nous empêche de nous affirmer davantage, pour refuser toute sorte de domination étrangère ?'' se lamente-t-il, non sans indexer la ''faiblesse et les complexes'' de nos gouvernants qui, selon lui, ''ne croient pas en eux-mêmes, ni à leurs peuples''. Sinon, dit-il, ''comment comprendre le fait que pour accueillir seulement le président américain, tout Dakar soit bouclé et que dès qu'il rentre, l'insécurité reprenne ses droits ?''. Une situation qui pousse ce jeune étudiant du nom de Youssou Ndiaye, à croire que les ''Américains sont plus humains que nous''.
''La circulation plus fluide que d'habitude''
Aujourd’hui que cette voie est dégagée, les Sénégalais poussent un grand ouf de soulagement. ''Auparavant, je n'osais même pas m'aventurer dans le coin. Aujourd’hui, les gens circulent librement et cela facilite vraiment la fluidité de la circulation'', se réjouit le jeune Sidy Diop. Pour sa part, ce chauffeur de taxi salue la fluidité de la circulation sur cet axe. ''C'est vraiment fluide ces temps-ci sur cette artère et ses alentours. Je ne comprends pas pourquoi les autorités étatiques avaient permis aux Américains de la boucher'', déclare-t-il.
Selon certaines indiscrétions, le blocage de cette ruelle par les américains n'était pas gratuit. D'ailleurs, confient nos interlocuteurs, ''ils (les américains) payaient à l'État du Sénégal 500 000 F Cfa par jour, soit 15 000 000 de nos francs, par mois''. Cet argent, selon le sieur Amadou Wone, peut être utile pour un pays comme le Sénégal mais, dit-il : ''La liberté n'a pas de prix.''