Guillaume Soro se tourne vers l’armée

S’adressant aux Ivoiriens hier, Guillaume Soro a demandé à l’armée ivoirienne d’agir pour préserver la paix. ‘’Alassane Ouattara n’est plus le président de la République de Côte d’Ivoire, cela est indéniable’’, estime-t-il en demandant aux Ivoiriens de maintenir la désobéissance civile.
Guillaume Soro n’y est pas allé par quatre chemins. L’armée ivoirienne a le devoir d’agir pour redonner à la Constitution ses lettres de noblesse. Hier soir, sur un ton solennel, l’ancien allié du président Alassane Ouattara a demandé à ses ex-frères d’armes de rallier l’opposition. Dans un contexte marqué par l’isolement des leaders du Conseil national de transition, l’homme se présente comme celui qui va assurer la continuité des actions enclenchées, par la mise en place effective des organes de transition et l’organisation d’une élection libre, inclusive et transparente, dans les meilleurs délais.
‘’A nos vaillantes forces de l’ordre, j’en appelle à votre sens élevé de l’intérêt de la nation. Je vous demande de désobéir aux ordres illégaux. Forces de défense et de sécurité, vous me connaissez. Des années durant, nous nous sommes battus dans les broussailles comme dans les agglomérations. Notre idéal était d’apporter à la Côte d’Ivoire la démocratie et la liberté. Je voudrais vous dire aujourd’hui que malgré tout, rien n’est perdu et que nous ne devons et nous ne pouvons pas, par peur et par poltronnerie, laisser s’installer durablement la dictature clanique de monsieur Alassane Ouattara’’, a-t-il déclaré depuis Paris.
Considérant qu’Alassane Ouattara n’occupe plus le poste de président de la République, Guillaume Soro en appelle à la ‘’dignité et à l’honneur’’ de l’armée ivoirienne. Elle se doit, insiste-t-il, de mettre fin au spectre de la guerre civile qui menace la Côte d’Ivoire.
Si l’opposant s’est gardé de dicter clairement un plan d’action, il a choisi de jouer sur les émotions. ‘’Je demande à vous officiers, sous-officiers, officiers supérieurs et officiers généraux de notre armée, de vous regarder dans le miroir de votre âme et de votre conscience, et d’agir pour stopper les tueries, d’agir pour rétablir la paix et la concorde’’.
‘’Nous devons compter sur nous-mêmes pour vaincre ou périr’’
Aux jeunes, aux femmes et à toutes les forces vives de la nation, il demande de poursuivre la désobéissance civile ‘’avec plus de détermination’’. Il va falloir, selon Soro, ‘’faire respecter la volonté de la grande majorité des concitoyens’’.
‘’Entre l’oppresseur et le peuple opprimé, poursuit-il, il nous faut choisir et ce choix, c’est maintenant. Personne ne viendra nous libérer à notre place. Nous devons compter sur nous-mêmes pour vaincre ou périr et nous vaincrons, car nous avons la vérité et Dieu est avec nous. Que notre intérêt collectif transcende nos volontés individuelles. Actuellement, plusieurs membres du gouvernement de transition sont en résidence surveillée’’.
A en croire le leader de Génération et peuples solidaires (GPS), un programme de repérage systématique des partisans de l’opposition en vue de leur élimination est en cours. Ils seraient pour certains victimes de répression pendant que d’autres auraient échappé à des assassinats ou des enlèvements. Dénonçant le troisième mandat d’Alassane Ouattara, Guillaume Soro déclare : ‘’Celui qui tente de s’imposer n’en a ni le droit ni la légitimité. Les Ivoiriens n’accepteront pas qu’un Conseil constitutionnel servile et complaisant adoube le complot électoral et apporte sa caution à la forfaiture en cours. En dépit de nos erreurs et de nos fautes, chers compatriotes, il faut qu’on se lève pour faire barrage à l’ex-président de la République qui veut prendre la Côte d’Ivoire en otage et veut faire perdurer un régime dictatorial où la paix qui prévaut est celle des cimetières.’’
Pour l’heure, les jeunes partisans du Parti démocratique de Côte d’Ivoire s’organise depuis hier pour protéger le président Bédié, empêché de sortir de sa résidence. ‘’On ne connait pas les intentions réelles de la gendarmerie. Est-ce pour sa sécurité ou pour un enlèvement ? Bédié est un symbole en Côte d’Ivoire, on ne va pas accepter que qui que ce soit touche à un seul de ses cheveux. Quitte à y laisser notre vie’’, lance Michel Koffi, militant du PDCI. Leur présence aux abords du domicile de leur leader toute la journée d’hier dérange. Les forces de l’ordre ont tenté, à plusieurs reprises, de les disperser par des bombes lacrymogènes.
Toutefois, ces derniers comptent monter la garde tous les jours, afin d’éviter une mauvaise surprise.
Le collectif des avocats de l’ex-président et des leaders de l’opposition dénonce la tentative illégale d’arrestation d’Henri Konan Bédié, ainsi que la séquestration des occupants des résidences de plusieurs leaders de l’opposition. Il demande au procureur général de la cour d’appel et au procureur de la République de mettre un terme à ‘’ces actes illégaux d’officiers de police judiciaire placés sous leur autorité’’.
L’ambassade des États-Unis en Côte d’Ivoire, pour sa part, exhorte toutes les parties à s’engager dans ‘’un dialogue inclusif pour trouver des solutions pacifiques à leurs désaccords’’.
EMMANUELLA MARAME FAYE (ENVOYEE SPECIALE A ABIDJAN)