Manko et Benno jouent les prolongations
Entre la majorité et l’opposition, l’on assiste à un véritable dialogue de sourds sur le processus électoral. Alors que Manko Wattu Senegaal adopte une démarche solitaire qui écarte les autres acteurs du processus électoral, des partis de Benno bokk yaakaar refusent de subir ce qu’ils considèrent comme un diktat de l’opposition.
Même si des avancées significatives ont été notées dans le dialogue sur le processus électoral, force est de constater que les négociations sont au point mort depuis un bon moment. Pouvoir et opposition ont en effet cessé de parler le même langage depuis mardi dernier sur la suite à donner aux négociations déjà entamées entre le président de la République et les leaders du Front pour la défense du Sénégal/Manko Wattu Senegaal (FDS/MWS).
Magatte Sy : ‘’la majorité n’était pas concernée’’
Mardi dernier, le Front Manko Wattu Senegaal, qui a rencontré en aparté le ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda Diallo, a refusé toute entrevue avec les autres acteurs de la classe politique notamment de la mouvance présidentielle et des non-alignés, sur les décisions prises par le président de la République, Macky Sall, à la suite de leur audience du 1er décembre 2016. Selon Magatte Sy, l’objet de cette rencontre ne concernait en aucune manière les autres partis politiques. ‘’Il n’était pas question pour nous de rencontrer le ministre de l’Intérieur en présence de l’ensemble des autres partis politiques. Nous nous occupions de nos affaires et ils devaient en faire de même’’, a déclaré le plénipotentiaire du Parti démocratique sénégalais (PDS) aux travaux de revue du code électoral.
C’est en effet au sortir de la rencontre entre le Front Manko Wattu Senegaal et le président de la République du 1er décembre dernier, que les deux parties avaient décidé de faire le suivi des négociations. Le Président Macky Sall avait, à cet effet, mandaté le ministre de l’Intérieur pour continuer les discussions avec le Front de l’opposition. Et de veiller à l’application des dispositions nouvellement prises. Selon Magatte Sy, dès lors que c’est la coalition de l’opposition qui a saisi le président de la République sur les points en discussion, les autres partis politiques n’avaient pas leur place à la rencontre de mardi dernier. Et pour lui, il appartient donc au ministre Abdoulaye Daouda Diallo de définir un cadre pour informer les autres acteurs de ces nouvelles dispositions. ‘’Pour nous, il n’y avait pas de concertation réelle avec les autres partis. C’est une affaire qu’on a engagée depuis le mémorandum adressé au président de la République’’, précise-t-il.
Ousmane Badiane : ‘’l’opposition ne doit pas nous imposer son diktat’’
Cette démarche de l’opposition a en effet provoqué l’ire des partis de la majorité présidentielle qui ont vite crié au boycott. ‘’Ce qui s’est passé la dernière fois est un acte regrettable. Dire qu’elle ne veut pas rencontrer les autres acteurs est une insulte de l’opposition à la classe politique. Parce que dans notre pays, il y a une tradition de dialogue politique institué depuis 1992. La chose électorale par définition concerne tous les acteurs qui ont une égale dignité et doivent discuter. Même s’ils ne s’entendent pas, ils doivent échanger pour trouver autant que possible des plages de convergence. S’il y a maintenant des divergences solidement établis, on les constate mais on fait en sorte que le processus continue’’, rouspète Ousmane Badiane.
Poursuivant son analyse, le chargé des élections de la Ligue démocratique (LD) estime que même si le président de la République a accordé une audience à l’opposition et qu’il y a eu des points d’accord et de désaccord, la rencontre de mardi dernier devait concerner tout le monde dès lors que les décisions qui en sortiront auront des incidences sur le processus électoral. ‘’Nous devons être sur le même pied d’information.
En matière électorale, ce sont les acteurs qui sont les principaux concernés. L’élection suppose une définition des règles du jeu avant le jeu et l’opposition ne doit pas nous imposer son diktat’’, fulmine-t-il. Son allié du Parti socialiste, Abdoulaye Wilane de renchérir : ‘’Nous sommes intéressés par les conditions, les procédures, les mécanismes par lesquels on acquiert et accède au pouvoir. Si en tant que citoyen nous avons un interlocuteur commun à tous les acteurs politiques, c’est le président de la République, clé de voûte du système institutionnel et le ministre de l’Intérieur en tant qu’organisateur des élections.’’
L’opposition et la majorité sont aussi divisées sur la question de l’augmentation du nombre députés de 150 à 160. Et de l’avis du porte-parole du Ps, autant les leaders de l’opposition ont des arguments pour défendre la limitation du nombre de députés à 150, autant la majorité qui gouverne a ses lectures et ses positions.
‘’Nous plaidons, à défaut d’un consensus national, que l’augmentation du nombre de députés soit validée parce que cela se justifie au regard de la population sénégalaise et du fait que toute la classe politique veuillent faire de la diaspora une quinzième région’’, a-t-il soutenu. Non sans ajouter : ‘’En diminuant le nombre de députés élus dans les circonscriptions départementales, on risque de léser les partis politiques qui, la plupart du temps, sont représentés à l’Assemblée nationale au prorata d’un quotient national et quelquefois à partir du plus fort reste’’.
Ainsi, pour le maire de Kaffrine, il faut maintenir la répartition des députés dans les circonscriptions départementales, maintenir les députés éligibles sur la proportionnelle et enfin attribuer un nombre supplémentaire de députés à partir duquel les Sénégalais de l’extérieur seraient représentés. Abdoulaye Wilane de conclure que ‘’cette agitation fébrile de l’opposition intervient au moment où le chef de l’Etat est auréolé de succès retentissant et historique à Paris. D’ailleurs, les retombées de cette visite d’Etat en France doivent être divulguées par l’ensemble des alliés de BBY, le PS en premier’’.
ASSANE MBAYE