Fraîchement élue députée de la 9e circonscription des Yvelines avec 53,97 % des voix, Dieynaba Diop, 50 ans, est la première parlementaire française d'origine sénégalaise. Ancienne conseillère régionale et actuelle porte-parole du Parti socialiste, elle se distingue par son parcours atypique et son engagement sans faille. Dans un paysage politique en pleine recomposition, son ascension symbolise l'espoir d'une représentation plus inclusive des minorités en France.

Dieynaba Diop, fraîchement élue députée de la 9e circonscription des Yvelines, a marqué les esprits dès son entrée à l'Assemblée nationale française. Avec 53,97 % des voix, elle a battu le candidat du Rassemblement national, Laurent Morin, dans une élection où la peur de l'extrême droite a mobilisé une gauche unie malgré ses divergences. Madame Diop, conseillère régionale d'Île-de-France depuis juillet 2021 et première secrétaire fédérale du Parti socialiste des Yvelines depuis 2023, est la première parlementaire française d'origine sénégalaise. Cette victoire est d'autant plus remarquable que cette 9e circonscription n'avait jamais été acquise à la gauche.

Dieynaba Diop, 50 ans, se distingue par son teint noir et son sourire éclatant. Toujours vêtue d'une veste, parfois avec des lunettes, elle affiche un visage charnu et dégage une simplicité désarmante dans ses arguments, tout en étant vive et réactive pour déjouer les relances des journalistes.

Depuis la victoire du Nouveau front populaire (NFP), elle multiplie les apparitions sur les chaînes de télévision et de radio pour expliquer les contours de cette victoire et maintenir un discours rassembleur face à une coalition où les députés de la France insoumise et ceux du Parti socialiste peinent à trouver un langage commun.

Sur les ondes de France 24, elle a averti : ‘’Si le président de la République fait le choix d’un Premier ministre de droite, ce sera un déni et un mépris du scrutin du 7 juillet. On ne peut pas donner des responsabilités à ceux qui ont tout perdu.’’ Les noms proposés pour le poste de Premier ministre, tels qu’Huguette Bello (PS) et Laurence Tubiana (LFI), ont été rejetés jusqu'à présent, plongeant le pays dans une crise politique non résolue.

De l'éducation à l'hémicycle, un parcours inspirant

Née et élevée dans les quartiers populaires de Mantes-la-Jolie où vit une forte communauté sénégalaise, cette mère de quatre enfants n'a pas suivi le parcours classique des élites politiques françaises. Elle n'a pas fréquenté Sciences Po et ne fait pas partie du sérail. Elle a gravi les échelons de manière progressive ; de simple élue locale à députée. Des bancs du lycée de Mantes-La-Jolie dans lequel elle enseignait à ceux de l'Assemblée nationale, la néo-députée  a fait une rentrée inédite le lundi 8 juillet. Avec 24 autres nouveaux élus d'Île-de-France, l'Yvelinoise a fait ses premiers pas au Palais-Bourbon sous la bannière du NFP.

Sa victoire surprise et son statut de première parlementaire franco-sénégalaise attirent l'attention. ‘’Mon statut et la victoire surprise dans cette circonscription font que j’ai été très sollicitée. J’ai un profil qui intrigue. Il y a peu de néo-députés et même de députés tout court qui sont issus des quartiers populaires’’, confie cette proche d’Olivier Faure.

Les influences de sa mère, une femme très active, l'ont poussée à s'engager tôt en politique, malgré des débuts difficiles marqués par plusieurs revers. Dieynaba Diop est une fervente admiratrice de la chanteuse Aya Nakamura, qu'elle considère comme une chance pour la France, en raison de ses origines populaires.

Quant à ses ambitions, elle reste prudente. ‘’Ce n’est pas quelque chose (mairie des Mureaux) que j’avais envisagée. Je suis quelqu’un qui vit l’instant présent, je ne me projette pas beaucoup. J’avais comme ambition de mener à bien mon combat régional et je voulais avoir des responsabilités nationales. Cette dissolution m’a offert l’opportunité d’y accéder’’.

L'émergence des binationaux sénégalais en politique

Dieynaba Diop n'est pas la première Sénégalaise à atteindre de hautes fonctions en France. Rama Yade, une autre figure politique marquante, a été secrétaire d'État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme, puis des Sports sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Née à Dakar en 1976, Mme Yade a déménagé en France en 1987 et a rapidement gravi les échelons politiques. Malgré son départ du gouvernement en 2010 et plusieurs tentatives infructueuses pour se présenter à l’élection présidentielle, elle reste une figure emblématique de l'implication des Franco-Sénégalais dans la politique française.

Sibeth Ndiaye, autre personnalité notable, a été porte-parole du gouvernement d'Emmanuel Macron avant de se retirer de la vie politique en 2020. Après une carrière marquée par des polémiques et des critiques, elle a choisi de reprendre une vie plus normale et est devenue secrétaire générale d'Adecco France, avant de quitter ce poste en 2021.

Pap Ndiaye, ancien ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, est un autre exemple de la réussite des binationaux sénégalais en France. Historien et spécialiste de l'histoire sociale des États-Unis, il a dirigé le Musée national de l'histoire de l'immigration avant d'être nommé ministre. En juillet 2023, il a été nommé ambassadeur auprès du Conseil de l'Europe, un poste prestigieux qui témoigne de sa carrière impressionnante.

La trajectoire de cette parlementaire franco-sénégalaise ainsi que celles de Rama Yade, Sibeth Ndiaye et Pap Ndiaye illustre l'importance croissante des binationaux sénégalais dans l'arène politique française. Leur succès montre que malgré les défis et les obstacles, il est possible, pour les personnes issues de l'immigration, de jouer un rôle majeur dans la politique nationale.

Rima Hassan, eurodéputée LFI et figure du mouvement pro-palestinien, en est un exemple patent. Après avoir eu une pensée émue pour sa défunte mère et son père, tous les deux arrivés du Sénégal dans les années 60, Dieynaba Diop sait que le chemin à parcourir est encore long.

En effet, pour cette professeure d’histoire et de géographie au lycée Jean Rostand de Mantes-la-Jolie, cette élection est plus qu'une simple victoire personnelle ; elle symbolise l'espoir et la possibilité de changement pour les communautés minoritaires en France.

Par ailleurs, cette montée en puissance s'inscrit en contrepoint à la récente controverse suscitée par Jordan Bardella du Rassemblement national, qui propose d'interdire aux binationaux l'accès à certains postes stratégiques, déclenchant un vif débat sur la place des Franco-Sénégalais et autres binationaux dans la société française.

Au moment où la crise politique actuelle demeure non résolue et où le Rassemblement national continue de gagner du terrain, Dieynaba et tant d’autres binationaux continuent de se battre pour un avenir plus juste et égalitaire, inspirant ainsi de nombreuses personnes à croire en la possibilité de changement.

AMADOU CAMARA GUEYE