Le PM exploite son minerai de ‘’faits’’
‘’Abdoulaye Wade a voulu spéculer, il a perdu. A sa suite, Macky Sall a cherché la meilleure solution pour cette affaire.’’ Voilà la quintessence des propos du Premier ministre sur le dossier Arcelor Mittal.
Arcelor Mittal, Abdoulaye Wade, Macky Sall! Entre le pouvoir actuel et celui qui l’a précédé, la polémique ne cesse d’enfler. Le Premier ministre est monté avant-hier sur les grands chevaux de la République pour, ‘’par des faits’’, dégonfler le ballon ‘’d’amalgames et de confusion entretenues sciemment pour des raisons politiciennes’’. Mahammad Dionne a tenu à faire la genèse de l’affaire Arcelor Mittal pour être plus précis. Selon lui, l’Etat du Sénégal, à travers ceux qui l’ont incarné pendant une certaine période, a signé un contrat avec Koumba ressources le 7 juillet 2004.
Plus tard, le gouvernement change d’attitude et se livre à ‘’des négociations secrètes’’ avec Arcelor Mittal. ‘’On se croyait à la loterie nationale et on voulait gagner plus. On a voulu spéculer’’, ironise un Mahammad Dionne sûr de son fait. C’est ainsi que d’après lui, Abdoulaye Wade qui dit lui-même que Mittal lui avait promis plus, décide de signer un autre contrat avec cette société le 25 mai 2005. Se sentant lésé, Koumba ressources décide alors d’ester l’Etat du Sénégal en justice. Il lui réclame 800 millions de dollars. La Cour arbitrale de la Chambre de commerce de Paris finit par lui attribuer 98 millions de dollars, soit près de 50 milliards de F Cfa. Le gouvernement du Sénégal, convaincu qu’il ne peut pas se soustraire de cette décision, a négocié avec l’autre partie pour arriver à 75 millions de dollars payables en 5 ans.
Par ailleurs, pendant que cette procédure suivait son cours, le président Wade s’est aperçu que Mittal qui lui avait promis plus n’a pas respecté ses engagements. Alors, il décide de le poursuivre devant la même Cour, à Paris, et avec les mêmes avocats. Au nom de la continuité de l’Etat, les nouveaux gouvernants se chargent du dossier. Cependant, poursuit le Pm, compte tenu de la complexité et de la longueur du procès, le Sénégal a préféré une solution négociée. Dans une première phase, il a introduit une demande partielle pour récupérer son titre, afin d’en disposer à sa guise. ‘’Le ministre de l’Industrie et des Mines est allé lui-même à Paris en septembre 2012 pour suivre la décision de la Cour’’, précise Mahammad Dionne.
Dans une seconde phase, précisément en octobre 2013, le Sénégal, s’inspirant de Koumba ressources, a ouvert une procédure pour réparation. Il a demandé 700 millions de dollars dans un premier temps. Après discussions, les deux parties arrivent à 150 millions de dollars, soit 75 milliards de F CFA, et non 200 millions de dollars comme annoncé par Abdoulaye selon qui les 50 millions sont allés dans les poches des avocats de Macky Sall. Et pour prouver que le Sénégal a bien négocié, le PM rappelle que Mittal avait dégagé un budget de 101 millions de dollars pour gérer le contentieux avec le Sénégal. Mais à la fin, elle s’est retrouvée avec 150 millions à payer. En plus des rentrées de fonds, M. Dionne se réjouit du fait que les études de terrain qui coûtent 25 milliards (50 millions de dollars) sont revenues au Sénégal. Et que si jamais une autre société devait exploiter ce minerai, il ferait l’économie en temps et en moyens de cette étude.
La destination des fonds
S’agissant de la destination des fonds dont Me Wade dit que seuls les 40 milliards ont été présentés à l’Assemblée et le reste caché, Mahammad Dionne s’inscrit en faux contre de telles allégations et compte démontrer le contraire.
A en croire le PM, 45 milliards ont été votés dans une première loi de finance rectificative (LFR) 2014. De cette somme, 20 milliards ont été alloués à la deuxième Université de Dakar et celle de Kaolack. Les 9 milliards à des infrastructures routières comme la route Somone-Mbour, la route des Niayes, etc.… 5 autres milliards sont destinés à une participation financière de l’Etat à la BHS et au crédit agricole, ainsi de suite. Après la première LFR, il y a eu 5 milliards dans une deuxième LFR. Ce qui fait 50 milliards. Et une loi de finance initiale de 25 milliards a été votée pour 2015. Ce qui donne un décompte final de 75 milliards. Le débat sera-t-il clos pour autant, comme le souhaite le PM ?
Talent de polémiste
Samedi dernier, le Premier ministre a révélé au grand public ce qui jusque-là était méconnu de sa personnalité : ses qualités de polémiste. D’emblée, Mahammad Dionne a précisé qu’il n’avait pas organisé une rencontre pour polémiquer ou répondre à qui que ce soit. Son objectif est de livrer les faits. Certes il a donné des chiffres et des dates avec force détails. Il faut reconnaître tout de même qu’il n’a pas manqué de ‘’foncer’’ sur ses adversaires du jour, Abdoulaye Wade en particulier, parfois d’un ton ferme et menaçant. Demandez-lui l’objet de cette grande messe du samedi, il vous répondra : ‘’Mon professeur de philosophie disait que la fermentation n’a pas de sens si rien ne fermente dans la nature. Si nous sommes là, c’est que ça fermente beaucoup’’. De quoi arracher des sourires aux visages ‘’graves’’ de la République.
Et à la suite de chaque ‘’démonstration’’, Mahammad Dionne a fini ses propos en disant que ceux qui se livrent à certaines déclarations ne font que narrer des contrevérités : ‘’Ils racontent ce qui n’existe que dans leur tête’’. Et d’avertir: ‘’Nous n’accepterons pas que des contrevérités soient érigées en vérité’’. Pourtant, il sait lui-même ce que Dieu réserve à ceux qui se livrent à de telles pratiques : ‘’Je n’ai pas fait des études (islamiques) mais on sait ce que Dieu dit des calomniateurs. Je laisse à ceux qui ont la science (religieuse) le soin de le dire. Je sais que les calomniateurs, ‘’fil houtama’’ (dans l’enfer : il fait référence à un verset du Coran)’’.
Cependant, le Premier ministre n’est pas prêt à attendre le jour du Jugement dernier. Il préfère régler ses comptes maintenant. Pourquoi alors cette ‘’précipitation’’ ? Parce que : ‘’Saay saay waxul dëgg, waaye yaxx na xel (le mal intentionné ne dit pas la vérité, mais il peut semer le doute)’’.
Par son attitude d’avant-hier, M. Dionne rappelle qu’un premier ministre peut bien en cacher un autre. L’on se souvient qu’Abdoul Mbaye était connu pour être un homme pondéré, jusqu’au jour où les députés du PDS ont introduit une motion de censure contre son gouvernement. Il avait alors sorti lui aussi …ses griffes verbales.
B. WILLANE