Publié le 19 Aug 2016 - 04:31
DOUDOU ISSA NIASSE (MAIRE DE BISCUITERIE)

‘’Khalifa Sall nous a mis de côté’’

 

L’échec des négociations ayant conduit à la présentation de deux listes à Dakar pour les élections pour le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) est du seul fait de Khalifa Sall. L’accusation, est du maire de Biscuiterie, Doudou Issa Niasse. Aussi, dans cet entretien avec EnQuête, le responsable socialiste révèle-t-il que c’est le maire de Dakar qui n’a pas voulu qu’il y ait l’unité au sein des différentes sensibilités qui composent le Conseil municipal de Dakar.

 

Les maires de la coalition Taxawu Dakar n’ont pas pu trouver un consensus lors des investitures aux élections pour le Haut conseil des collectivités territoriales. Comment en êtes-vous arrivés à cette situation ?

La vérité, c’est que certains jeunes qui ne sont même pas membres du Conseil municipal de Dakar, mais qui ont une certaine influence sur Khalifa Sall, ont empêché qu’il y ait l’unité entre les  différentes sensibilités qui composent le Conseil municipal de Dakar. En fait, Khalifa Sall avait demandé que nous revenions à ce que nous avions fait en fin de mandat en 2009 et en 2014. On a fait le point et on a dit qu’en allant ensemble, cela va nous permettre de donner une certaine image de l’équipe de Dakar. Et tout le monde était tombé d’accord sur le principe. On a alors convoqué tout le monde dès le lendemain de la première réunion.

Qu’est-ce qui s’est passé au cours de cette réunion ?

C’est en ce moment-là qu’Abdoulaye Diouf Sarr de l’APR (Alliance pour la République), avec certains autres éléments qu’on attendait comme par exemple Ndiouga Sakho du PDS (Parti démocratique sénégalais) et les autres sensibilités, sont venus participer à la réunion. Et à ce titre, nous avons discuté pendant deux jours sur un nom qui fédérerait toutes les sensibilités. On a convenu le troisième jour d’y aller avec ‘’And Taxawu Dakar Ak Benno’’. Khalifa a conclu en disant : ‘’J’arrête la réunion, je pense qu’on doit convenir que c’est un mot qui fédère tout le monde’’. Certains d’entre eux ont dit après que ce mot est trop long. On a convenu dès lors de mettre en place une commission pour revoir la longueur du mot et non revenir sur le mot.

Le lendemain, la commission est revenue sur l’appellation pour proposer : ‘’Andado Taxawu Dakar’’, ‘’Benno ak Taxawu Dakar’’, ‘’And Benno ak Taxawu Dakar’’. Comme ce sont des slogans, certains thuriféraires ont dit : ‘’Non, il n’est pas question de mettre Benno quelque part, on met Taxawu Dakar un point un trait. Ce qu’il nous faut, c’est Andado Taxawu Dakar qu’on peut comprendre mais on ne peut pas mettre Benno’’. On leur a fait comprendre que nous, en tout cas, nous sommes de Benno. Nos responsables se sont réunis d’abord au niveau du Présidium de BBY national pour donner des instructions et à la base, nos partis se sont réunis pour dire qu’on doit aller sous la bannière de BBY sauf dans les endroits où une unité n’est pas possible. Comme nous, nous avions déjà le point de vue de notre parti, notre Secrétaire général nous a rendu compte de la réunion qu’il a eue avec les responsables de BBY au plan national.

On leur a dit qu’il valait mieux qu’on aille ensemble. C’est ainsi que certains camarades se sont retrouvés entre dix maires de communes et cinq adjoints des autres communes. A ce niveau, nous nous sommes dit : ces gens sont en train de tergiverser mais nous, on n’a pas de problème de nom ; donc jusqu’au dernier jour, on peut participer aux élections. Le dernier jour, c’était en fait un samedi, je suis venu représenter notre groupe à la réunion. Le matin, à l’initiative de Bamba Fall, on s’est retrouvé pour aller chez Khalifa pour l’inviter à peser de son poids de leader pour amener les gens  à aller ensemble. A ce titre, on lui a proposé ‘’Tous ensemble pour Dakar’’.

Il nous a dit : moi, en tout cas, cela me convient. Mais comme il y a des gens qui sont en train de travailler à la ville, il faudra qu’on leur fasse part de cette initiative. On a convenu dès lors de se retrouver à 18h30. Quand je suis allé à la réunion de BBY à 15h, je leur ai dit : on nous attend, il faut qu’on y aille. Arrivés à la réunion de 18h30, Khalifa rend compte de trois propositions qu’on lui aurait faites : une proposition venant du groupe d’amis dont j’ai parlé tout à l’heure et une autre provenant d’éléments issus de Benno siggil Senegaal (BSS). Je lui ai fait comprendre que cela n’était pas une bonne chose.

Quelles sont les propositions qu’on lui a faites ?

On lui a fait la proposition de faire adopter par tout le monde : ‘’Tous ensemble pour Dakar’’. Comme ça, on exclut toutes les scories et on met quelque chose qui est commun à tout le monde. Il dit non, les gens ne sont pas d’accord. Il leur a donné la parole, ils sont revenus sur leur ancienne proposition. Ils nous ont dit : la dernière chance, c’est la proposition de Mansour Tambédou qui conduisait la délégation de BSS.

Et quelle a été cette proposition de Mansour Tambédou ?

C’était en fait de voir la meilleure solution pour faire en sorte que tout le monde aille ensemble. Il soutient que BSS est membre de BBY, mais eux, responsables de Dakar, ils souhaiteraient que tout le monde aille ensemble et que nous ayons une liste commune. A ce titre, ils nous ont fait donc plusieurs propositions parmi lesquelles ‘’Benno ak Taxawu Dakar’’, ‘’Benno taxawu Dakar’’ et ‘’Andado Taxawu Dakar ak Benno’’.

Khalifa a dit : non Benno ne peut pas faire partie des propositions. Finalement, avant que les gens de BSS ne reviennent, j’ai eu un entretien personnel avec lui, en tant responsable. J’ai essayé de l’amener à comprendre l’enjeu que constitue une union de l’ensemble des acteurs de la ville de Dakar. Parce que ce serait une première à travers le Sénégal et même à travers le monde. C’est quelque chose qui, en fait, serait comptabilisé à son actif. Il me dit : j’attends que Mansour Tambédou vienne pour décider. Quand je suis sorti, j’ai appelé Mansour Tambédou pour lui dire que Khalifa Sall était en train de l’attendre. Quand il est venu, ils ont discuté. Mais finalement, lui, il a persisté sur cette dénomination qui a été choisi par les Barthélémy Dias, Madiop Diop, Souham Wardini et autres.

Si le nom de BBY apparaît dans l’appellation de la coalition Taxawu Dakar, est-ce que cela ne risque pas de créer une confusion au sein de l’opinion ?

Mais non ! Parce que nous sommes tous de BBY. Nous sommes partis ensemble pour l’élection présidentielle de 2012, nous avons élu le président de la République. Nous sommes partis aux élections législatives sous le label de BBY.

Mais aux élections locales de 2014, Khalifa Sall est parti sous la bannière de la coalition Taxawu Dakar.      

Oui ! Mais s’il est parti sous ce label, c’est parce qu’il y avait des éléments de BBY qui ont voulu que certains d’entre nous ne soient pas sur les listes ou que Khalifa Sall lâche son parti pour rejoindre l’APR. Ce qu’il avait refusé. A ce moment, on lui avait donné raison.

Avec cette désunion et cette mésentente, ne risquez-vous pas d’être affaiblis ?

En tout cas nous, on a tout fait pour que cela n’ait pas lieu.

D’accord, mais ne risquez-vous pas de faire les frais de cette fissure ?

Cela dépend des points de vue. Parce que nous, depuis le référendum, nous sommes revenus au bercail. Nous sommes revenus à BBY.

Donc vous n’étiez plus membre de Taxawu Dakar ?

Notre parti est membre de BBY. Il avait laissé le soin et la latitude à tout responsable d’aller là où se situent ses intérêts. C’est cela qui nous a permis tous d’aller vers Taxawu Dakar tout en ne reniant pas notre appartenance à notre parti. Parce que notre appartenance à notre parti est beaucoup plus fondamentale que toute autre appartenance. C’est cela la réalité. Je suis socialiste avant tout et je ne peux pas monnayer mon appartenance au Parti socialiste.    

Pour beaucoup, cette situation survenue au sein de Taxawu Dakar participe d’une stratégie d’isolement de Khalifa Sall par le régime en place ?

Non, loin de là. On était tous ensemble avec lui. C’est lui (Khalifa Sall) qui nous a mis de côté parce qu’il n’a pas voulu qu’il y ait l’unité. C’est lui et c’est personne d’autre. Moi, c’est mon jeune frère, je l’ai appuyé, je suis avec lui, je ne dirai jamais du mal de lui. Mais je pars du principe que lui, en tant que responsable, il doit avoir une attitude ferme vis-à-vis de certains de ses jeunes lieutenants pour les sensibiliser sur le besoin d’unité. Parce que l’unité est meilleure que toute autre chose.

Vous parlez de jeunes qui influenceraient Khalifa Sall. A qui faites-vous allusion ?

Je veux parler de Barthélémy Dias, Madiop Diop, Moussa Sow, Palla Samb et autres. Est-ce que ce sont ceux-là les véritables acteurs de Taxawu Dakar ? Non ! C’est cela le problème. Maintenant, il y a la situation que nous connaissons que nous pensons être une mauvaise chose pour le Parti socialiste. Parce que ce n’est pas bon. Mais au-delà de cette élection que nous ne pensons pas être une élection nationale et que nous pensons aussi ne pas intéresser Khalifa Sall en tant que personne, nous les anciens du PS, nous sommes en train d’œuvrer pour une réconciliation globale au niveau du parti. Cela d’autant plus que Khalifa Sall m’a dit de vive voix, de lui à moi, que pour rien au monde il ne quittera le PS. Je m’en tiens à cela. C’est une élection passagère mais après, nous les adultes et le Conseil des sages, nous allons continuer notre travail pour une réconciliation globale au niveau du Parti socialiste.

Est-ce que cette situation ne va pas participer à creuser davantage le fossé entre Khalifa Sall et la direction du PS ?  

L’avenir, c’est au Bon Dieu de le définir. Moi je crois en Dieu et j’ai dans le cœur que nous pouvons nous retrouver au niveau du parti, au-delà de cette élection qui n’intéresse pas les individus en tant que tels, mais qui est un principe de continuation. Il y a quand même des sages qui sont en train, au niveau du PS, de faire un travail pour que tout le monde s’entende. Mais ce problème n’est pas un problème interne au PS seulement.

Dans un entretien qu’il nous a accordé et paru dans notre édition  de ce mercredi 17 août 2016, le maire des Hlm croit savoir que cette situation est le prolongement d’une crise qui sévit au sein du PS. Qu’en pensez-vous ?

Ça, c’est un AFP (Alliance des forces du progrès) qui le dit. Il n’est pas du PS, il ne peut savoir ce qui se passe au PS. Lui, il a eu son attitude personnelle que je ne veux pas qualifier. Mais il n’a pas à dire ce qui se passe au PS, ce n’est pas son problème. 

PAR ASSANE MBAYE

Section: