Irresponsabilités !
Sous une grande tente, le guide des «Thiantacounes» a rassemblé son monde. Deux Européennes -des journalistes qui enquêtent sur le sujet ?- viennent se convertir à l’Islam. Il leur demande de formuler la Chahada, attestant qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et que Mohamed est son envoyé. Les disciples brandissent des cartes d’électeur et des cartes d’identité. Beaucoup ont des gourdins qu’ils agitent au-dessus de la mêlée qui chante la gloire de l’ancien administrateur civil devenu guide religieux, disciple du cinquième khalife général des Mourides, feu Serigne Saliou Mbacké. Pourquoi, de manière ostentatoire, des armes blanches sont-elles ainsi exhibées, d’autant que le thème systématique des regroupements du «Cheikh» est d’ordre religieux ? Pourquoi manifester son soutien à Wade en exhibant des représentations de menace ? Voudrait-on effrayer les électeurs que l’on ne s’y prendrait pas autrement.
«Cànt» veut dire remerciements. Il remercie Serigne Saliou, explique qu’il a réalisé une «fusion» avec lui. «C’est lui-même qui m’a dit que je suis lui et il est moi. A partir de maintenant, vous ne m’entendrez plus dire Serigne Saliou a dit ceci…» Le plus important, alors que le pays prépare le deuxième second tour d’une présidentielle dans son histoire, est que Serigne Cheikh Béthio a décidé de «faire gagner Wade». Il a fait dans la nuance toutefois : «Je ne dis plus que Serigne Saliou a dit, mais cette fois-ci, c’est moi qui dis : je vais faire maintenir Wade au pouvoir !»
Chasser le naturel, Babacar Diagne, le Directeur général de la RTS, a été sans état d'âme, dans cet exercice de propagande sans nom. Comme si l’encadrement imposé par la loi en période de campagne électorale avait été un corset encombrant, le Triangle a mis les gaz à fond avec une plage horaire accordée à un partisan d’un camp, en cette période cruciale. La régulation du Cnra lors de la campagne du premier tour terminée, c’est comme si on avait été mis du poil à gratter dans le joli costume du très british Dg de la RTS. «Oh, my godness ! Wade va tomber…» Délicatement briefé sans doute, il a, dans une insupportable impunité, laissé défiler pendant de longs moments des séquences d’allégeance qui ne se comprennent pas autrement que par la volonté de faire croire que le régime a des leviers sur lesquels agir pour renverser la tendance au second tour.
On veut donc nous ramener à l'âge de la pierre taillée, en jouant avec le feu. Message diffus : «Laissez passer le candidat Wade ou on met le feu !». Une sorte de pédagogie de la terreur qui n'effraie plus personne. Et qui renseigne surtout sur l'état réel des rapports de forces. Ce sont généralement ceux qui ont le plus peur qui convoquent la stratégie de la peur. Et subitement donc, ceux qui avaient intérêt à ce que l'élection n'ait pas lieu dans la paix, ont changé de camp. Il ne s'agit plus du M23 mais bien de la majorité présidentielle.
En 2000, Me Wade se pavanait, semant partout la bonne parole. Promesses sur promesses. Tout le monde le croyait sur parole. 2012, c'est le tour de Macky Sall de prendre des engagements. La boule sait bien tourner. Raison pour laquelle il faut «attacher» les promesses sur du roc, pour éviter qu'elles ne s'envolent dans le vent.