Semaine cruciale !
Alors que les nuages bien lourds d'incertitude s'amoncellent sous nos cieux, on a curieusement l'impression que rien ne se passe. Entre le mouvement Y en a marre qui organise sa ''foire aux problèmes'', les syndicats qui jaugent leur force de mobilisation à la veille de la présidentielle et les états-majors politiques qui exhibent leurs trophées de guerre, version chair et os, en termes de ralliements-débauchages, les manœuvres donnent l'impression du déjà vu. Et personne ne semble s'intéresser à la semaine qui pointe, semaine de toutes les incertitudes où beaucoup de choses vont évidemment se jouer.
Une petite liste des évènements attendus renseigne sur la chaîne des enjeux. On pourrait même utiliser une métaphore, bien commode, celle d'une femelle grosse de quelque chose, sans qu'on ne sache réellement de quoi va accoucher la bête. Dieu fasse bien que la ''bête'' accouche de quelque chose qui ne crève pas nos pauvres yeux de dégoût ou d'horreur ! Qu'on accouche donc en paix ! C'est la prière que les vieilles femmes africaines font lorsqu'elles voient, anxieuses, leurs progénitures, perpétuer leur descendance.
Mais bien au-delà des prières, il faut bien reconnaître que la situation actuelle du Sénégal est loin d'être simple. Les voyants rouges s'allument de partout et ce n'est sans doute pas terminé. Par exemple, question indécente, quels effets, une possible contre-performance des ''Lions'' à la Can 2012 peut avoir sur la stratégie d'anesthésie des jeunes, engagés dans la bataille contre la candidature de Wade.
Le verdict, sorte de finale avant la lettre, c'est juste dans deux jours. Mais d'ores et déjà, il faut comprendre que ça passe ou casse, la fonction de cette Can-ci, sera éminemment politique. Et sans doute que l'opposition n'a pas intérêt que les luttes politiques engagées soient noyées par la clameur qui accompagne le ballon rond lorsqu'il fend les filets.
Le verdict de la Can n'est pas le seul attendu car, un autre, beaucoup plus périlleux, sera donné, au plus tard le 29 janvier prochain, par le Conseil constitutionnel qui devra donc dire si le Président Wade fait partie des bienheureux athlètes sélectionnés à la Présidentielle, pour un autre marathon de...7 ans. Osera-t-il invalider la candidature du Président Wade qui, réélu, serait le seul Président au monde à gouverner à cet âge-là. Problématique !
Ce n'est pas tout puisque cette semaine encore, seront organisées plusieurs manifestations dans la banlieue dakaroise avec d'une part le Mouvement du M23 et de l'autre le camp de la majorité présidentielle qui fait de plus en plus dans le fétichisme des couleurs (en demandant à tout le monde de se mettre au blanc) et des chiffres, à mesure que nous nous approchons de la date fatidique de la proclamation des listes des candidats.
Dans tous les cas de figure, il faudra bien évaluer l'état des rapports de forces réels sur le terrain. Qui pèse quoi ? Le M23 vaut-il encore son pesant d'adrénaline, comme au premier jour devant l'Assemblée nationale lorsque le Président Wade a voulu poser l'acte 1 de la dévolution monarchique du pouvoir ? Y a-t-il encore un peuple si opposé à la candidature de Wade qu'il serait prêt à en découdre (y compris de façon musculaire) avec les forces qui soutiennent le régime ? Quel est le niveau de réaction, d'anticipation et d'organisation de ces forces (sociales, politiques et affairistes) alliées du régime ? Que valent les mises en garde des puissances occidentales qui ont clairement exprimé leur opposition à un troisième mandat du Président Wade ?
Le problème n'est pas du tout simple. A l'image des ''Lions'' du football, cela risque de se jouer sur le fil du rasoir. Ça passe ou casse. Mais une chose est sûre. L'on surveillera au Sénégal comme ailleurs, le poids réel des uns et des autres sur le terrain. Et le Président Wade lui-même sera très attentif aux signaux donnés par les forces sur le terrain qu'il négociera ou forcera la serrure.
Qu'est-ce qui pourra bien l'arrêter si rien se ne passe ? C'est bien dans le tempérament du Vieux qu'il sait, malgré les apparences, reculer, lorsqu'il voit s'ouvrir sous ses pieds, un gouffre beaucoup plus grand que celui qu'il promet à ses adversaires. C'est en tout cas ce que disent ceux qui le connaissent bien.
MAMOUDOU WANE