Publié le 8 Feb 2016 - 21:21
EDUCATION EN ZONE FRONTALIÈRE GAMBIENNE

Serigne Mbaye Thiam à l’assaut des abris provisoires

 

Le ministre de l’Education nationale a effectué une visite à Ziguinchor et Sédhiou, durant le week-end, pour avoir un aperçu des problèmes d’accès à l’éducation. Malgré les efforts consentis, la survivance des abris provisoires demeure le principal problème.

 

Le ministre de l’Éducation nationale Serigne Mbaye Thiam s’est rendu dans le Sud ce week-end, dans le cadre d’une visite de proximité qui s’inscrit dans la politique de résorption des abris provisoires. Pour constater de visu ce qui se passe sur le terrain, le ministre a  effectué les étapes de Dimbaya,  Touba, Touba  Tranquille, Kataket et Koudioubé, des villages situés à la frontière entre le Sénégal et la Gambie. A Dimbaya, à moins de 500m de la Gambie, le constat fait est que les enfants fréquentent les écoles gambiennes. Dans leur localité, ils font face à des problèmes d’accès à l’éducation dus à un nombre de salles de classe insuffisant et très souvent à l’existence d’abris provisoires.

En fait, face à certaines conditions d’études, les parents préfèrent envoyer leurs enfants dans des écoles gambiennes qui, à leurs yeux, remplissent un minimum de conditions de réussite. Le chef de village, Sidy Coly, a porté le plaidoyer en s’adressant au ministre sur l’absence ou le déficit de certains biens ou services de base tels que l’eau, l’électricité, les toilettes dans les établissements scolaires, et surtout, les extraits de naissance.

Sa voix a trouvé écho auprès des femmes qui, elles aussi, à travers Sawdatou Sonko, ont sollicité un accès facile aux établissements scolaires et surtout la fin des abris et établissements de fortune. Afin de rassurer ses hôtes, Serigne Mbaye Thiam annonce que dans le cadre du Budget de Consolidation d’Investissement (BCI) pour l’année 2016, un stock de 43 salles de classes a été affecté à cette région. ‘’Dans ce budget, les 36 appartiennent au département de Bignona, sans compter les salles de classe qui ont été octroyées à la région et au département depuis 2012’’, souligne le ministre.

Dans le cadre des collèges à construire, la tutelle ajoute que 7 seront attribués à la région, 4 pour le département de Bignona, avec l’aide de la coopération américaine. ‘’Dans le Programme d’Amélioration de l’Education de Base en Casamance PAEBCA, que nous exécutons avec la coopération française, 22 collèges et 8 écoles élémentaires sont prévus pour être exécuter dans les régions de Ziguinchor et Sédhiou’’, révèle Serigne Mbaye Thiam.

‘’Un programme spécial de mise à niveau des infrastructures scolaires sera réalisé’’

A Ziguinchor, ajoute-t-il, 9 collèges seront construits. Et les travaux vont démarrer à la fin de l’année 2016. Il est également prévu 3 autres écoles élémentaires. ‘’C’est dire que dans le domaine de l’éducation, les programmes que nous mettons en œuvre actuellement vont permettre de relever le niveau des infrastructures d’éducation’’, souligne-t-il. En sus de tout cela, l’autorité a annoncé que sur la base de la visite et des observations faites, le gouvernement va élaborer un programme spécial de mise à niveau des infrastructures scolaires des établissements et écoles de la bande frontalière. ‘’L’obligation de l’Etat est d’être à côté de ces populations du Sénégal si enclavées qu’elles réclament leur appartenance à leur pays’’, admet-il. Pour lui, cette visite est un acte qui démontre la volonté du gouvernement de  promouvoir l’équité  pour l’accès à l’éducation.

Bien que qualifiant d’acte d’amitié le fait que des fils du Sénégal fassent leurs études en Gambie, le ministre ne croit pas pour autant que le Sénégal doive renoncer à ses droits et devoirs vis-à-vis des populations. ‘’Vous avez soulevé des problèmes liés à la santé, les télécommunications. Des instructions ont été données par le chef de l’Etat aux différents départements ministériels pour que la souveraineté de notre pays s’exerce sur tout le territoire national’’, dit-il.

‘’Maintenant nous nous sentons sénégalais’’

A Touba Tranquille où la quasi-totalité des enfants fréquentent les écoles gambiennes, la visite du ministre a été hautement appréciée. Le chef de village Pathé Diatta souhaite qu’un nombre conséquent d’enseignants arabes soient recrutés dans cette région, sachant qu’un déficit énorme est noté. Toutefois, il apprécie le passage du ministre. ‘‘C’est la première fois dans l’histoire qu’une autorité effectue une visite officielle dans cette localité. Nous l’apprécions à sa juste valeur. C’est un moment important pour nous. Il n’était pas évident de nous considérer comme Sénégalais, maintenant nous nous sentons comme tel. Nos enfants traversent la frontière pour aller à l’école, ou se soigner en Gambie’’, déplore-t-il.

Bref, il insiste sur l’accès à l’éducation de leurs enfants qu’il trouve comme secteur prioritaire. Selon lui, sur 35 villages, 33 disposent d’une école élémentaire. Le président du Conseil d’administration, El hadji Diémé, souligne quant à lui un réel problème d’accès aux pièces d’état-civil. ‘’Ici certains enfants et leurs parents ont la nationalité gambienne. Ceci nous prive de certains privilèges’’, dit M. Diémé.

‘’Dans notre collège, toutes les salles de classe sont construites par les parents’’

Dans le village de Koudioubé, le maire Abdoulaye Badjia a révélé que toutes les salles de classe ont été construites par les parents d’élèves. Le ministre lui a répondu que des instructions ont été données à la direction des constructions scolaires pour l’édification d’un collège moderne. ‘’Les travaux vont démarrer en 2016. Cette construction vient s’ajouter aux trois autres collèges qui seront construits dans le département de Bignona, dans le cadre du BCI de l’Etat et du programme 'Matching' avec l’USAID’’, a-t-il affirmé. A propos du Projet d’Amélioration de l’Education de Base en Casamance (PAEBCA), Serigne Mbaye Thiam a déclaré : ‘’Ce projet va mettre au niveau de la région de Ziguinchor la construction de neuf collèges et de trois écoles élémentaires. Ces constructions vont démarrer en 2016 et 2017’’.

Le ministre se dit conscient des conditions difficiles d’apprentissage, mais promet que des efforts seront consentis pour relever le défi, car des instructions ont été données dans ce sens. Le principal du CEM Oumar Badji admet que, depuis sa création en 2005, les abris provisoires ont toujours été de rigueur. ‘’Quand le ministre nous dit qu’en 2016, dans le BCI, nous allons bénéficier d’un collège moderne, je ne peux qu’être heureux’’, s’est réjoui le Principal. Il estime déjà les conditions difficiles de travail, sans compter les abris. ‘’Les conditions de travail vont changer ipso facto. Nous avons un effectif de plus de 300 élèves. Nous n’attendions que cette nouvelle. Nous avons essayé de nouer des partenariats, mais la chance ne nous avait pas encore souri’’.

Résorption abris provisoires : 268 salles construites en trois ans

De 2013 à maintenant, dans le cadre du budget consolidé d’investissement décentralisé, 268 salles de classe ont été construites pour résorber les abris provisoires. Le ministre de l’Education nationale a annoncé la mise en œuvre d’un programme visant à éradiquer définitivement les abris provisoires.  Selon lui, cette étude est très avancée. Serigne Mbaye Thiam a procédé à l’inauguration du collège d’enseignement moyen de Simbandi Balante, samedi. L’établissement compte quatre salles de classe, deux blocs scientifiques équipés, deux blocs sanitaires, un bloc administratif, un puits doté de panneaux solaires et un espace scolaire sécurisé par des murs de clôture.

Le ministre reconnaît toutefois qu’il reste des abris provisoires, bien que le nombre ait diminué. ‘’J’ai indiqué que le chef de l’Etat a instruit le gouvernement d’avoir un programme de résorption définitive des abris provisoires. Il est à l’étude au ministère de l’Economie et des Finances et dans mon département. Nous pensons qu’il pourra démarrer dans le courant de l’année 2016, si nous arrivons à nous entendre avec les opérateurs qui se proposent d’intervenir dans cette action’’, déclare-t-il en précisant que beaucoup de choses restent à faire.  

‘’Un pas important vient d’être franchi’’

A cet effet le maire de la commune Famara Mané certifie qu’un pas important vient d’être franchi dans la voie de l’éradication des abris provisoires et de l’amélioration de la qualité des enseignements apprentissages dispensés par le système éducatif. Cependant, dit-il, plusieurs pas à grands écartements restent encore à faire. ‘’Il n’est sans doute pas besoin de sortir de l’enceinte de ce CEM pour en avoir le cœur net. Le décor reste le même au lycée, dans les 3 autres CEM, dans les 28 écoles primaires publiques, ainsi que dans les six cases des tout-petits que compte la commune’’. Il rappelle qu’entre 2013 et 2015, l’Etat, par le biais du BCI, a aidé à la construction et à l’équipement de 11 salles de classe dans la commune de Simbandi Balante. ‘’Je crois qu’au terme de la visite, beaucoup de choses ont été faites et beaucoup de choses restent à faire.’’

La directrice de l’USAID Sharon Carter évoque que, depuis 2007, l’USAID travaille également sur la qualité des enseignements et de la gestion des écoles. ‘’Nous intervenons dans le renforcement des capacités des enseignants, des directeurs et des membres des organes de gestion’’, souligne-t-elle. La directrice poursuit ses explications en notant que la réalisation de cet établissement est le fruit d’un partenariat entre le Sénégal et l’USAID, qui traduit un engagement des deux peuples à travailler pour construire des collèges proches des communautés qui offrent aux enfants, notamment aux filles, un accès à une éducation de qualité.

Ainsi Serigne Mbaye Thiam va plus loin pour expliquer que le programme ‘Matching’ est à sa sixième phase. A son terme, il aura à son actif la construction de 73 collèges (46 déjà construits et 27 prévus), sur le territoire national, pour un montant de 8 milliards de F CFA. ‘’Dans ces investissements, la région de Sédhiou a bénéficié de 7 collèges dont Simbandi Balante dans la phase 5, que nous inaugurons et 5 autres prévus dans la sixième phase pour lesquels nous procéderons cette semaine  à l’implantation des chantiers’’.

Selon lui, ‘’pour 2016, il est attendu, dans le cadre du PAEBCA, la construction de 18 établissements scolaires dont 13 collèges d’enseignement moyen, 5 écoles élémentaires dont 4 et 1 école franco-arabe pour un montant de 1 828 000 000 F CFA, mais aussi un bloc scientifique et technologique dans le cadre du PAQUEB. Il est aussi prévu, sur financement du BCI/Etat, la construction en cours du lycée de Goudomp, la construction de l’IA de Sédhiou ; de l’IEF de Goudomp et Bounkiling ainsi que l’achèvement du daara de Bogal. ‘’Grace à ces efforts soutenus, les taux bruts de scolarisation ont été relevés dans l’Enseignement Moyen. Il est passé de 45% en 2010 à 59, 9% en 2015. Bien plus, ils ont permis de réduire le pourcentage des abris provisoires qui restent une de nos préoccupations majeures’’.

AIDA DIENE

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