Publié le 18 Jun 2016 - 20:18
EXPLOITATION ABUSIVE DE BOIS A LA FRONTIERE AVEC LA GAMBIE

Trois ministres dans le ‘’désert’’ de Médina Yoro Foula

 

Les ministres de l’Environnement et du Développement durable, des Forces Armées et de la Sécurité publique, et de l’Intérieur ont constaté, hier, le carnage en cours dans la Forêt du département de Médina Yoro Foula (MYF), lors d’une visite de terrain.

 

Trois ministres de la république en même temps sur le sol de Kolda pour une visite de travail. Le fait est assez rare, voire inédit, pour être souligné. Et pourtant, le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Abdoulaye Bibi Baldé, celui des Forces Armées, Augustin Tine, et le ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda Diallo étaient ce vendredi dans le département de Médina Yoro Foula (MYF). Ils ont atterri à l’aéroport de Kolda vers 10 heures.

Ensuite, le cortège ministériel a pris la direction MYF. Ils étaient accompagnés des chefs de services de la région. De 11 heures à 17 heures, les officiels ont sillonné les villages les plus touchées par la coupe abusive de bois, notamment Saré Sawady, Saré Moussayel, Dioulanguel, Saré Diawando, Piaye, Coumbane, Kokounto, Sinthiang Koutayel, Saré Waly, Sinthiang Yoro Ndabiry, Sinthiang Dembayel, Sinthiang Sambana, Krop, Saré Harouna, Sinthiang Ela, Maréwé et Sinthiang Opa.

Dans ces villages des communes de Fafacourou, Koulinto, Badion, Dinguiraye, Bourouco et Kéréwane, un véritable carnage y a court.  Des centaines d’arbres, de troncs et de planches jonchent le sol, par-ci et par-là. Un spectacle surréaliste qui laisse place à la désolation. Dans ces contrées, les arbres sont coupés ou brûlés infiniment plus vite que le rythme de leur régénération. Une gestion non durable et donc absurde de la ressource. Des individus s’y adonnent, depuis quelques années, à l’exploitation commerciale de produits forestiers, sans aucun titre d’exploitation. Ce trafic clandestin concerne surtout le bois. Les espèces les plus ciblées sont : le vène (Pterocarpus erinaceus), le Kapokier (Bombax costatum) et le Dimb (Cordilla pinnata). Avec l’installation des chinois en Gambie, l’exploitation a pris des proportions très inquiétantes, dans le département de Médina Yoro Foula. Il y a une recrudescence de l’exploitation illicite de ces espèces forestières protégées à un rythme effréné, du fait de l’appât du gain.

Abdoulaye Daouda Diallo : « Nous avons un très grand problème dans le MYF »

« Le marché très lucratif et la pauvreté touchant presque tous les habitants du département de MYF font que les populations s’adonnent à cette activité prohibée. Tous les bras valides sont devenus des coupeurs, avec la complicité de certaines autorités locales et des populations autochtones qui les protègent », a confié le chef du service des Eaux et Forêts de la région de Kolda, le Colonel Alé Seck à ses hôtes, lors d’un briefing à Sinthiang Aladji Saliou. Une localité située dans la commune de Koulinto. Les visiteurs se sont dits outrés par l’ampleur des dégâts causés à la Forêt par le trafic de bois de vène à destination de la Gambie. Ce phénomène, ont-ils souligné, menace les derniers massifs forestiers du pays et hypothèque l’avenir des générations futures. « Nous avons un très grand problème dans le Médina Yoro Foula qui est systématiquement pillé par des personnes malintentionnées. Elles pillent notre forêt »,  s’est désolé le ministre Abdoulaye Daouda Diallo, en pleine forêt massacrée.

Augustin Tine : « C’est effrayant, ce que nous avons vu dans ce département »

Son collègue Augustin Tine, Ministre des Forces Armées et de la Sécurité publique, a fait part du même saisissement, devant l’ampleur du désastre. « C’est effrayant, ce que nous avons vu dans ce département. Il y a des personnes inconscientes qui sont en train de détruire l’avenir et l’économie de notre pays. C’est inadmissible », a-t-il martelé. Avant de souligner que cette déforestation explique le fait que le Président de la République Macky Sall les ait dépêchés dans la région. ‘’S’il n’y avait pas de dégâts outre mesure, je pense que le ministre de l’Environnement serait venu seul. Donc, s’il est venu avec ses collègues, c’est parce que tout simplement, il y a une exagération dans l’exploitation du bois, dans cette région. Et ceci s’est exacerbé, ces trois dernières années. Il est temps que des décisions soient prises pour éradiquer ce fléau. Le Chef de l’Etat a pris la pleine mesure de la situation. C’est la raison pour laquelle, il nous a dépêchés. D’ailleurs, c’est ce carnage qui a fait que le Président a octroyé 400 agents supplémentaires ».

« Macky Sall a pris la ferme décision d’arrêter cette coupe abusive de bois »

Le ministre des Forces Armées a donc demandé aux trafiquants et à leurs complices d’ici et d’ailleurs d’arrêter l’hémorragie. Il dira : « Le Président de la République, Macky Sall, a pris la ferme décision d’arrêter cette coupe abusive de bois ». La croisade interpelle tout le monde : l’Etat, les forces de sécurité, la douane, l’armée et les populations. Car, selon les spécialités de l’agriculture, la forêt est très importante pour notre élevage, notre agriculture et notre écosystème. « Nous devons donc la préserver. Nous ne devons pas permettre, au détriment de notre économie, que certains braconniers, d’où qu’ils viennent, se permettent de rentrer dans le MYF, piller nos ressources de bois de vène, piller notre forêt et les amener dans d’autres pays. C’est intolérable », a martelé le ministre Augustin Tine.

Depuis des années, dans les villages situés le long de la frontière entre le Sénégal et la Gambie essaiment des trafiquants de tout poil. Qui détruisent la forêt avec la complicité d’autorités gambiennes et sénégalaises qui délivrent des autorisations de commercialisation, alors que l’exploitation forestière y est formellement interdite. Conséquence : d’année en année, la forêt de MYF devient petit à petit un désert.

EMMANUEL BOUBA YANGA

 

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