Publié le 30 Apr 2012 - 12:00
GRÈVE DES ÉBOUEURS

Dakar, capitale poubelle

On croirait Dakar, depuis deux semaines, transformée en une benne à ordures ambulante. De l’axe Lamine Guèye angle Georges Pompidou au rond-point de la Médina, de Reubeuss à Petersen, la vieille ville est noyée dans un environnement pestilentiel. Une porte grande ouverte à la fièvre, à la typhoïde, au choléra et autres.

 

 

«Un bouillon d’ordures». C’est cette description qui vient à la bouche d’un passant à la vue de l’énorme monticule de détritus qui s’amasse presque au milieu de la rue, devant le marché Sandaga. Haut d’un bon mètre trente, le tas d’ordures s’étend bien au-delà de l’espace occupé, habituellement, par le dépotoir à ordures du quartier. Sur une dizaine de mètres, sont ainsi éparpillés déchets domestiques et organiques, pourrissant au soleil. Une puanteur indéfinissable étreigne l’air, attirant un essaim de grosses mouches noires qui bourdonnent allègrement au-dessus des têtes.

 

Un râteau dans les mains et jusqu’aux genoux dans les poubelles, Ibrahima Lô et son employé tentent, tant bien que mal, de dompter la marée de saletés qui s’échouent aux portes de leur cantine. Autour d’eux, d’autres commerçants, mais aussi des jeunes désœuvrés attirés par la perspective de récupérer quelque chose de valeur. Ces «buujuman» traînent une bouteille à la main, farfouillant ici et là et discutant bruyamment pour, de temps en temps, se bousculer les uns les autres. «Cette situation dure depuis dimanche dernier», peste un vendeur de chaussures, avant d’ajouter : «Je n’arrive même plus à vendre ma marchandise, les clients répugnent à venir jusqu’à ma boutique. En plus, je suis sûr qu’avoir ces poubelles si près toute la journée est ce qui, ces temps ci, me rend malade.»

 

 

Il n’y a pas qu’Ibrahima Lo qui soit, néanmoins, importuné par cette montagne purulente qui s'est imposée au paysage de Sandaga. A quelques encablures de là, les vendeuses de produits maraîchers ont, elles aussi, beaucoup de fil à retordre. Fatou Ndir, la petite cinquantaine, le dos aussi courbé qu’un vieux tronc d’arbre et un foulard de popeline rose sur la tête, est l’une d’elles. Indignée et inquiète pour sa santé comme toutes les autres, elle ne peut, cependant, ignorer la pointe de culpabilité qui lui pince le cœur. «Bien sûr que cela ne me plaît pas, tous ces microbes qu’amènent le vent et les mouches sur mes produits ; mais moi aussi je jette mes poubelle là-bas, à la fin de ma journée. Alors j’y suis un peu pour quelque chose. Seulement, la mairie devrait réagir (car) on paye bien une redevance mensuelle pour quelque chose, non ?», s’interroge-t-elle, perplexe.

 

 

''On paye bien une redevance mensuelle non ?''

 

 

Là est tout le problème puisque, jour après jour, l’état de décomposition des poubelles ne se prononce que davantage… Ce dont témoignent l’odeur et les mouches toujours plus présentes. Ce n’est que de temps en temps, une fois tous les trois ou quatre jours, selon des riverains, qu’un camion benne vient leur alléger un peu la «douleur» des mauvaises odeurs. Ce week-end ci, un gros véhicule du genre dédié au transport de sable a certes fait le déplacement, mais cela n'a même pas suffi pour tout emporter à la décharge.

 

Cette situation désagréable peut, sur le long terme, s’avérer dangereuse. «Le fait que ce soit plusieurs types d’ordures différentes mélangées comme dans un cocktail est un facteur développant la survenance de toutes sortes de maladies hydriques et diarrhéiques, communément appelées ‘’maladies des mains sales’’. C’est très probable que si on ne s’en débarrasse pas rapidement, cela entraîne fièvre, typhoïde, choléra, colibacilles et autres», avertit le docteur Mohamed Ayad, un médecin domicilié sur l'avenue Peytavin. «Surtout quand on sait que de nombreuses personnes mangent dans la rue, face à ces petites gargotes qui avoisinent les tas d’ordures.»

 

SOPHIANE BENGELOUN

 

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