Macky Sall face au dépit des éleveurs
Sécurisation du secteur, crédit et renforcement de la résilience éleveurs, durcissement des peines contre le vol de bétail, création des bassins de rétention d’eau et insuffisance d’aliments de bétail étaient au menu de la 4e édition de la Journée nationale de l’élevage, ce samedi 23 décembre à Kolda.
Après Ndioum en 2016, c’était au tour de la région de Kolda d’accueillir, samedi passé, la 4e édition de la Journée nationale de l’élevage dont le thème retenu est ‘‘Quelles stratégies pour l’éradication du vol pour une stabilité sociale et économique’’. Cette Journée nationale de l’élevage célébrée, a été une occasion, pour l’ensemble des éleveurs du Fouladou et ceux venus d’autres contrées du Sénégal, d’exprimer au chef de l’Etat leur gratitude et leur reconnaissance, ‘’pour les efforts louables qu’il ne cesse de déployer en vue de moderniser le sous-secteur de l’élevage, qui occupe une place importante dans le Plan Sénégal émergent (Pse)’’.
Les éleveurs ont élevé la voix par l’intermédiaire de leur président dans la région de Kolda, Issaga Mballo. Ce dernier a remercié le président Macky Sall. Mais ce ne sont pas les doléances, nombreuses pour la circonstance, qui ont manqué d’être citées pour booster le développement de l’élevage dont la principale est la réalisation des bassins de rétention d’eau dans la région de Kolda.
‘‘Parce que nous constatons que pendant la saison sèche, nos bœufs éprouvent d’énormes difficultés à trouver de l’eau, du fait que la quasi-totalité des marigots et des lacs tarissent. Et cela pose un réel problème d’approvisionnement en eau. Donc, avoir ces bassins de rétention d’eau nous permettent d’avoir toute l’année de l’eau’’, a dit Issaga Mballo. Il poursuit en soutenant que ‘‘le manque d’aliments est aussi un autre facteur qui anéantit le bétail au Fouladou. Parce que pendant la saison sèche, il y a les feux de brousse qui ravagent tout sur leur passage. Conséquence : les bœufs deviennent rachitiques parce qu’ils n’ont pas de quoi manger’’.
Raison pour laquelle Issaga Mballo a demandé au chef de l’Etat d’aider les éleveurs à trouver des aliments suffisant pendant la saison sèche, afin de lutter contre ce manque à gagner. Ce n’est pas tout. Il a aussi sollicité le président Sall de multiplier l’implantation d’unités de transformation du lait dans la région de Kolda. Car, d’après lui, certains éleveurs, surtout ceux du département de Médina Yoro Foula, continuent de déverser leur surplus de lait. ‘‘Parce que, explique-t-il, leurs villages sont loin des autres unités déjà implantées et les routes sont impraticables’’. M. Mballo de poursuivre : ‘’La région produit par an 650 mille litres de lait. Il faut donc réhabiliter les pistes de production pour faire de Kolda une région pionnière en matière de production du lait au niveau national.’’
L’autre difficulté qui hante le sommeil des éleveurs est le conflit entre éleveurs et agriculteurs. Et pour résoudre cette équation qui dure depuis belle lurette, les éleveurs de Kolda ont invité Macky Sall d’instruire les collectivités locales à tracer des pistes de passage pour les bœufs. Ce qui permettra d’éviter la divagation des bêtes dans les champs des agriculteurs. ‘‘Sinon, nos animaux continueront à saccager les cultures d’année en année’’.
Le vol de bétail est aussi l’un des facteurs qui freinent le développement de l’élevage au Fouladou.
Vol de bétail : la peine de 10 ans exigée
Même si des efforts ont été notés dans le cadre de la lutte contre le vol de bétail dans la capitale du Fouladou, force est de constater que dans certaines localités, ce fléau reste toujours dynamique. Pour preuve, il ne se passe pas une semaine sans que des voleurs de bétail ne soient attraits à la barre du tribunal de grande instance de Kolda. Et les peines infligées à ces derniers sont d’un à deux ans de prison ferme. Et cela ne contribue pas à vaincre le phénomène. ‘‘C’est pourquoi nous demandons au président Macky Sall et au ministre de la Justice l’application de la peine de 10 ans et non de 2 ans. Car ces peines très légères ne peuvent en aucun cas anéantir, ni empêcher certaines personnes malintentionnées de voler le bien d’autrui. Et tant que le vol persistera au Fouladou, point de développement dans le secteur de l’élevage. Or, aujourd’hui, la quasi-totalité des chefs de famille ne vivent que de l’élevage’’, a soutenu Aladji Diouhé Sow, Président de la Maison des éleveurs du département de Kolda.
D’autres doléances comme le recrutement d’un nombre suffisant de vétérinaires, le recensement du cheptel, la formation des éleveurs à l’incinération du bétail, la multiplication des campagnes de vaccination du bétail pour lutter contre la peste, la création d’un marché régional d’aliments de bétail, la formation sur les pratiques de culture et des réserves fourragères ont été également au cœur des débats. Selon les éleveurs, le problème du financement de l’élevage continue d’être le goulot d’étranglement de ce secteur très important de l’économie nationale. C’est pourquoi ils proposent qu’il y ait un mécanisme leur permettant d’accéder facilement au crédit pouvant les aider à fructifier les activités.
Les députés ayant pris la parole, lors de cette manifestation, ont vivement félicité le directeur des Eaux et Forêts Baidy Ba pour, disent-ils, ‘’l’appui aux éleveurs et à l’engagement de ses services dans la lutte contre les feux de brousse, surtout au ranch de Dolly’’.
MACKY SALL (PDT DE LA REPUBLIQUE)
‘‘Il faut agir vigoureusement’’
La Journée nationale de l’élevage a été un moment fort, pour le chef de l’Etat, de rappeler aux uns et aux autres le durcissement des peines contre le vol de bétail. Un fléau qui gangrène ce secteur. C’est pourquoi, dira Macky Sall, pour lutter contre la recrudescence du vol de bétail, il a été proposé à l’Assemblée nationale de supprimer la condition restrictive prévue à l’alinéa 3 de l’article 368 du Code pénal et de prévoir la circonstance aggravante pour tout vol de bétail, quelle que soit la qualité de la victime.
Pour le président de la République, le vol de bétail est un obstacle à l’atteinte des objectifs de développement. ‘‘C’est un phénomène qui installe la précarité et la pauvreté, particulièrement au niveau des femmes’’, a-t-il dit, avant d’ajouter : ‘‘Le vol de bétail instaure un climat de désolation et d’insécurité, particulièrement en zone frontalière.’’
Ainsi, pour barrer la route à l’insécurité et à la désolation, le chef de l’Etat a invité les populations à une mobilisation de tous pour annihiler les problèmes auxquels ce secteur fait face. C’est pourquoi il a exhorté la gendarmerie et la police à renforcer leur vigilance sur les itinéraires de transition du bétail. ‘‘Il faut agir vite et vigoureusement’’, dira Macky Sall, soutenant que ‘‘l’objectif d’éradiquer le fléau engage tous les secteurs. C’est pourquoi, sur le budget de 28 milliards de francs Cfa du ministère de l’Elevage, il y a un milliard de plus pour le porter à 29 milliards afin de permettre aux femmes qui s’activent dans le secteur de développer leurs activités telles que la transformation laitière’’.
500 millions de plus
Macky Sall a défendu l’idée de l’institutionnalisation de la Journée nationale de l’élevage. Ce qui prouve l’ambition qu’il a pour ce secteur qui a besoin d’être soutenu et modernisé, et aussi pour préserver les valeurs traditionnelles du pastoralisme. Ainsi le chef de l’Etat a rappelé quelques réalisations notées dans ce sous-secteur de l’élevage. Il s’agit, entre autres, de la sécurisation du secteur à travers la prévention et la lutte contre le vol de bétail par la mise en place de la cellule de lutte contre le vol de bétail et de l’élaboration d’un plan adopté depuis 2014. Il poursuit qu’une enveloppe de 500 000 000 F Cfa a été allouée dans le budget du département en 2018 pour renforcer les mutuelles d’épargne et de crédit des éleveurs.
A cela s’ajoute le renforcement de la résilience éleveurs qui s’est matérialisé par le Projet de développement durable du pastoralisme au Sénégal (Pddps) pour un montant global de 30 millions de dollars Us, soit environ 15 milliards de nos francs. L’objectif de ce projet est de contribuer à la réduction de la pauvreté et au renforcement de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations vulnérables dans les régions de Saint-Louis, Matam, Louga, Kaffrine et Tambacounda.
Le chef de l’Etat, dressant le bilan de 2015, a fait savoir que 3,2 milliards ont été mobilisés avec la prime assurance tirée de la Mutuelle panafricaine de gestion des risques (Arc) pour l’achat de 14 839 tonnes d’aliments de bétail distribuées à 86 657 éleveurs dans les 45 départements du pays. A cela s’ajoute le renforcement des infrastructures et équipements d’élevage, de transformation et de commercialisation des produits animaux avec la construction de 14 nouveaux forages équipés, la réhabilitation de 9 anciens forages, la construction de 17 mini-forages équipés de pompes manuelles et le fonçage de 45 puits pastoraux.
Le département de Myf disposera du goudron en 2018 Les infrastructures routières ont eu la part belle, durant cette visite présidentielle. ‘‘La boucle du Fouladou, qui part de Kolda vers Pata, arrive à Médina Yoro Foula pour ressortir vers Fafacourou et Dabo, sera goudronnée à partir de cette année. Les travaux vont débuter en janvier 2018. C’est dans quelques semaines’’, a indiqué le président de la République Macky Sall. Il poursuit que ‘‘c’est 180 km de route goudronnée et qu’enfin pour la première fois le département de Médina Yoro Foula (Myf) pourra disposer de goudron sur son territoire. Soyez rassurés que cette doléance longtemps posée par les populations du Fouladou sera bientôt un vieux souvenir’’. Pour Macky Sall, cela fait partie de la modernisation de la région de Kolda. Pour preuve, des travaux du Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma), du Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) et du Programme de modernisation des villes (Promovilles) ont été lancés, en plus de l’achèvement des travaux de la route nationale n°6, de même que l’aéroport de Kolda sera réhabilité. |
EMMANUEL BOUBA YANGA (KOLDA)