Publié le 25 Oct 2013 - 04:03
LA CHRONIQUE DE MAGUM KËR

Acte manqué n° 3

 

La politique du fait accompli va aboutir au report des élections sans un réel consensus de la classe politique sinon autour de l’alliance de partis autour du pouvoir nouée autour de calculs d’intérêts tactiques à dominante électoraliste, économique et financière. C’est presque contraint et contrit que le président de la République a confirmé l’annonce du report des élections locales par son Premier ministre, ''un décalage de trois mois'' sans plus alors que le secrétaire général du Parti socialiste Ousmane Tanor Dieng n’hésite pas à le contredire. Mais ne parle-t-il pas d’expérience ? Cela ne l’en rend pas moins suspect d’avoir inspiré la décision présidentielle, laquelle, fruit d’une conspiration antidémocratique des factions du pouvoir, ne pouvait qu’être rejetée par l’opposition menée par le Parti démocratique sénégalais. Cette péripétie alimente une suspicion naissante sur le véritable rôle d’Ousmane Tanor Dieng dans l’alliance au pouvoir dans laquelle il passait pour un paria.

Alors que le maire de Thiès prend du large vers un destin incertain et que Moustapha Niasse mijote sa succession politique sans se hâter, le leader du Parti socialiste, dont même la fonction auprès du président est controversée, semble revenu à son jeu favori d’éminence grise. Sa théorisation de la 3ème décentralisation ôte de manière subreptice toute initiative historique à Macky Sall quand il en énumère les étapes initiales de Senghor à Abdou Diouf et Macky Sall en enjambant allègrement les douze années de Me Wade. Il est vrai que les tentatives de provincialisation de ce dernier sont restées dans les limbes. Cette interrogation sur le poids réel de Tanor Dieng dans la conception politique et stratégique du pouvoir induit un questionnement sur ses motivations propres de cacique anxieux de son étoile qui commence à pâlir. Et l’on comprendrait alors que le respect du calendrier républicain soit devenu une futilité pour le plus méticuleusement républicain des politiciens.

Mais ce n’est pas à ce stade que ses camarades de parti vont se laisser distraire par le grand dessein de Macky Sall, l’Acte 3, au détriment des impératifs de régénération du premier parti de gouvernement. Ni par les querelles des factions libérales anciennement au pouvoir dont les contours poreux à souhait rendent probables tous les retournements d’alliances. Même si les rancœurs de la séparation restent vivaces, l’attitude résolument revancharde de Tanor Dieng envers le libéralisme et sa rivalité devenue irréversible avec les progressistes de Niasse imposeront la scissiparité à l’aile gauche du pouvoir. Alors que l’atomisation du Parti démocratique sénégalais en groupuscules à bases sectorielles pourrait par réalisme les unir autour du relief le plus conséquent coordonné à ce jour par Oumar Sarr, ne serait-ce que du fait de la recomposition des groupes parlementaires que va susciter la fronde des députés contre la logique concentrationnaire.

Le président Macky Sall accumule les actes qui révèlent la gouvernance d’un système autoritaire sans être fort de cette légitimité que confère le suffrage universel dès lors qu’il semble s’être fait à l’idée qu’il doit son pouvoir à d’autres. Il est assailli par ailleurs de toutes parts par les critiques croisées, non seulement de son opposition mais aussi de ses partisans et ses alliés. Mal conseillé, il s’est révélé dans une tenue militaire au moment de la petite épreuve du robinet. La vêture martiale est l’apanage des régimes autoritaires en effet, mais de Staline à Castro en passant par Mussolini, aucun hiérarque politique n’avait utilisé la tenue camouflée de ces troupes qui opèrent aux arrières de l’ennemi en se cachant dans les taillis. Ce choix suggère donc une personnalité portée sur les coups de force ponctuels contre l’ennemi, l’opposition en l’occurrence, qui devra s’attendre à être prise de court par des initiatives commando impromptues et de surprenantes dérobades ?

L’Acte 3 de la Décentralisation qui sera donc initié pourrait n’être qu’un troisième acte manqué. La première réforme avait créé les communautés rurales sans réforme agraire cohérente en donnant en même temps la terre à ''ceux qui la travaillent'' plutôt qu'aux chefferies locales. Ce fut le premier acte manqué. La deuxième réforme créa les conseils régionaux avec à la tête un président qui avait moins de prestige qu’un chef de service de l’administration a fortiori qu'un gouverneur. Les représentants des communautés rurales écartelés entre leur vie petite bourgeoise dans la capitale et le mandat octroyé par les populations savent à quoi s'en tenir alors qu'aujourd’hui, les démagogues de la petite semaine nous promettent la justice sociale d'un coup de baguette magique. L'Acte 3 de la décentralisation, à les entendre, redresserait le rapport inégal entre ville et campagne. Voire.
 

 

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