Karim entrevoit la sortie
La Justice sénégalaise met beaucoup d’eau dans son vin. Alioune Samba Diassé et Ibrahima Aboukhalil dit Bibo Bourgi sont finalement autorisés à sortir du territoire. Papa Mamadou Pouye, lui, bénéficie d’une liberté provisoire. Karim Wade est le seul acteur du procès encore dans les liens de la détention. Mais pas pour longtemps…
Un dialogue, un coup de fil, et trois actes de clémence. La détente, esquissée par les entrevues du samedi dernier, profite aux coaccusés de Karim Wade dans le procès pour enrichissement illicite. Ils ne sont plus emprisonnés, d’après un communiqué du procureur près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), après leur incarcération le 7 avril passé. ‘‘Ibrahima Abdoukhalil dit Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé ont bénéficié, ce mardi 31 mai 2016, d’une autorisation de sortie du territoire pour des raisons humanitaires’’, fait savoir le document. Quant à Papa Mamadou Pouye, il ‘‘a bénéficié d’une libération conditionnelle’’, poursuit la note. Un autre communiqué, du ministère de la justice cette fois, affirmait que c’est par les ordonnances N°006/ et N°007/2016 du 31 mai 2016 que le juge d’application des peines du Tribunal de Grande Instance hors classe de Dakar a autorisé la sortie sous escorte du territoire national des détenus Ibrahima Aboukhalil et Alioune Samba Diassé, à la demande de leurs conseils.
Que s’est-il donc passé pour que ces autorisations de sortie du territoire aient recueilli l’avis favorable de la Commission pénitentiaire consultative d’aménagement des peines, à l’unanimité de ses membres ? ‘‘L’important est que c’est une mesure humanitaire. Elle est liée à la santé de ces personnes. Si la santé de certaines personnes risque d’être compromise en prison, il faut leur accorder la possibilité d’aller se faire soigner’’, s’est avancé le ministre de la justice, Sidiki Kaba, hier en conférence de presse. Pourtant 45 jours plus tôt, le 15 avril, il avait trouvé ce même argument insuffisant malgré les demandes de libération d’instances onusiennes.
‘‘Scandaleuse’’, avait-il qualifié la décision de l’Onu qui demandait une évacuation sanitaire de Bibo Bourgi en France. Ce dernier, après une condamnation par la Crei et la saisie de ses biens, a été incarcéré au pavillon spécial le 7 avril dernier, en dépit des récriminations de son conseil. ‘‘Avec sept sphincters dans le cœur et quatre rapports d’expertise qui déconseillent formellement une incarcération’’, Me Leyti Ndiaye avait décrié cet emprisonnement au pavillon spécial de l’Hôpital Dantec. Cette liberté n’est toutefois pas nouvelle pour Bibo Bourgi. Déjà, le 30 septembre 2014, la Crei l’avait autorisé, pour 30 jours, à aller se soigner en France. Ceci après une comparution sans précédent...sur une civière, le 1er septembre de la même année. Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé bénéficie d’un sursis de trois mois pour se soigner avant un probable renouvellement.
Pouye enfin !
Quid de la libération conditionnelle accordée à Pape Mamadou Pouye ? Apparemment, les autorités ont fait montre de ‘‘clémence’’ envers la seule personne, en dehors de Karim, en détention depuis le début du procès. Ayant purgé la moitié de sa peine, sa demande adressée au juge d’application des peines a enfin trouvé écho favorable. En février 2015, juste avant le début des plaidoiries du procès, Mamadou Pouye avait bénéficié d’une liberté provisoire avant que le parquet spécial ne se pourvoie en cassation, le jour même. Ce qui l’a maintenu en prison jusqu’à hier. ‘‘La liberté conditionnelle a été prise aujourd’hui (Ndlr : hier) par le juge de l’application des peines. Il l’a fait en toute souveraineté, après avoir examiné minutieusement le dossier avec la situation actuelle dont ont fait état leurs avocats’’, estime Sidiki Kaba.
Karim bientôt dehors Malgré les assurances du Garde des Sceaux, sur la non-implication d’autorités au-dessus des juges, les spéculations de plus en plus susurrées se transforment en hypothèses plus que plausible. Ces trois ‘délivrances’ sont-elles un prélude à l’élargissement du candidat investi des libéraux, Karim Wade, pour la présidentielle de 2019 ? ‘‘D’ici quelques jours’’, assure une source proche très influente dans le milieu maraboutique. Un questionnement légitimement immanquable après les développements rapides de l’après-dialogue du 28 mai dernier. Preuve que l’entrevue a bien esquissé les premières lignes d’une coexistence pacifique, ces ‘gestes de bonne volonté’ interviennent deux jours après que Macky Sall a appelé l’ancien président Abdoulaye Wade pour lui souhaiter joyeux anniversaire. Après la grisaille qui a embrumé leurs relations, l’éclaircie point à l’horizon. Pour le moment, la conditionnelle de Pape Mamadou Pouye et la confiscation des passeports de Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé pourraient être extrêmement anecdotique dans un futur proche. M.T. Diaw |
OUSMANE LAYE DIOP