Ousmane Ngom, Oumar Sarr et Abdoulaye Baldé livrés à la justice
Désormais, aucun obstacle ne semble en mesure de freiner la machine judiciaire mise en branle par le pouvoir au lendemain du 25 mars 2012. Depuis hier en effet, ceux qui apparaissent comme les premières grandes victimes de l'ère post Wade ont perdu la soupape de sécurité que leur conférait leur statut de parlementaire. Ousmane Ngom, Oumar Sarr et Abdoulaye Baldé sont devenus des justiciables ordinaires comme les citoyens lambda.
Sans surprise, l’Assemblée nationale a levé, hier, l’immunité parlementaire des députés Oumar Sarr, Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé, comme l’avait souhaité le procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Elle facilite ainsi l’audition de ces trois dignitaires de l’ancien régime, tous absents de l'hémicycle et qui, selon la justice, «auraient profité de leurs fonctions gouvernementales passées pour s’enrichir de façon illicite».
Il y a eu 113 voix pour, 5 contre (Khady Diédhiou, Djibo Kâ, Sokhna Dieng Mbacké, Seynabou Wade, Khadim Thioune), une abstention (Abdoulaye Makhtar Diop). Conscients que les dés étaient pipés, les députés du groupe parlementaire des Libéraux et Démocrates n’ont pas voulu participer au vote, se contentant d’être de simples spectateurs.
Auparavant, le ministre de la Justice, Aminata Touré, a tenu à faire des précisions par rapport à la légalité de la CREI. «Contrairement à l’opinion de ses pourfendeurs, sa légalité ne souffre d’aucun doute, dit la Garde des Sceaux. En effet, il est unanimement admis qu’une loi nouvelle qui abroge ou modifie le droit commun n’a pas pour effet de remettre en cause les règles spéciales d’une juridiction de droit commun. C’est le cas notamment de la CREI». Pour elle, «il n'y a jamais eu de loi abrogeant la Loi 81 sur la CREI».
Par conséquent, cette cour spéciale «est compétente pour juger des personnes poursuivies de faits d’enrichissement illicite ou des délits connexes comme le blanchiment et le recel».
De plus, Aminata Touré a rappelé que «le délit n’est constitué qu’au moment de la réponse non satisfaisante à la mise en demeure du procureur spécial» dans un délai d’un mois... Le cas échéant, poursuit-elle, «le procureur spécial saisira à ce moment-là la commission d’instruction de la CREI». Quant à la Haute cour de justice, «elle est compétente pour juger le président de la République en cas de haute trahison, le Premier ministre et les autres membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions» comme c’est le cas pour les trois députés.
A l'opposé, le député Sokhna Dieng Mbacké, qui a voté contre, estime qu’il n’y a pas «suffisamment de preuves» pour lever l’immunité de ses collègues et met en garde les députés contre l’effet «du retour de bâton»
Les députés libéraux comptent saisir la justice
Malgré tout, le groupe des Libéraux et Démocrates ne compte pas jeter l’éponge. Ils ont décidé ainsi de saisir «les juridictions compétentes» pour casser cette décision. «La procédure de levée de l’immunité parlementaire a été biaisée voire viciée dès le départ d’autant plus que c’est le Procureur spécial près la Haute Cour de Justice qui devait saisir l’Assemblée nationale pour une éventuelle levée de l’immunité parlementaire», déclare Modou Diagne Fada. Ce dernier a aussi dénoncé la constitution de la commission ad hoc. «C’est la plénière qui devait ratifier sa composition avant sa convocation par le Président de l’Assemblée nationale pour élire, sous la présidence du plus âgé des membres présents, sachant lire et écrire en langue officielle, le bureau (article 36 du Règlement Intérieur)», interprète-t-il.
DAOUDA GBAYA