Le Sénégal invité à faire plus d’efforts
L’impact négatif du tabac sur la santé de l’homme n’est plus à démontrer. Pis encore, le tabac constitue indirectement une des causes des échecs de beaucoup de politiques sanitaires en Afrique. C’est pour cette raison que les pays de la CEDEAO et de l’UEMOA envisagent une synergie autour de l’application des lois sur la fiscalité du tabac. De ce point de vue, le Sénégal devrait faire plus d’efforts, selon le directeur exécutif du Cres (Consortium pour la recherche économique et sociale).
Trois jours de réflexion, d’harmonisation sur l’intégration et d’application des lois nationales et textes régionales sur la fiscalité du tabac et de renforcement de capacités en faveur d'une application effective des directives C/DIR.1/12/17 CEDEAO et n°01/2017/CM/UEMOA du 27/12/2017 portant harmonisation du droit d'accises sur les produits du tabac dans les États membres. Au sortir de cet atelier, le directeur exécutif du consortium s’est exprimé sur l’importance de ces travaux, mais aussi sur la situation du Sénégal dans cette lutte contre le tabagisme.
A l’en croire, ‘’il y a un effort à faire par le Sénégal, notamment en transposant la directive de la CEDEAO qui donne des instruments beaucoup plus appropriés dans la lutte contre le tabagisme’’. En effet, explique-t-il, ‘’pour ce qui concerne le Sénégal, c’est surtout la directive de l'UEMOA qui a été transposée dans le dispositif réglementaire du pays. C’est une bonne initiative, mais il reste que cette directive de l’UEMOA est très faible par rapport à celle de la CEDEAO, dans la mesure où elle ne retient que la taxe ad valorem, alors que nous savons maintenant que - les travaux que nous avons réalisés ici au Sénégal et dans les autres pays de l’Afrique de l’Ouest le confirment - il faut recourir de façon régulière à la taxation spécifique, la taxe d'accise spécifique pour avoir une augmentation significative des produits du tabac’’.
C’est pour cette raison que les pays membres de ces institutions internationales se sont retrouvés dans cette activité pour harmoniser leurs positions. ‘’La conférence s’est tenue dans le but de renforcer les capacités des pays membres de la CEDEAO et de l'UEMOA, pour mieux mettre en application les directives régionales qui ont été prises en matière de taxation des produits du tabac’’, renseigne M. Diagne. Il ajoute : ‘’Il s’agissait aussi de réfléchir sur les conditions favorables à l’application de ces deux directives. Et nous avons pu travailler sur des aspects techniques comme l’utilisation d’un outil de simulation qui a été élaboré par le Cres pour une application pratique et simple des dispositions pratiques contenues dans ces directives. Nous avons aussi réfléchi ensemble sur les voies et moyens qui permettraient aussi bien aux États qu’aux deux commissions, de mettre en œuvre les deux directives régionales’’, a assuré le directeur exécutif du Cres.
« Le tabac devient de plus en plus bon marché dans nos pays »
Pour le moment, note-t-il, les pays membres n’y vont pas au même rythme pour l’application et la mise en place de lois dans ce cadre. ‘’Il y a des progrès qui ont été notés en matière de mise en place de lois plus fortes dans un certain nombre de pays. Il y a aussi des pays qui ont fait des progrès importants en matière d’augmentation des taxes pour une hausse des prix sur le tabac’’, a remarqué Abdoulaye Diagne.
Avant de poursuivre : ‘’Nous constatons aussi que ces progrès sont encore insuffisants, parce que les nouvelles directives qui ont été prises à l’échelle régionale ne sont pas toujours appliquées par les Etats, alors que nous sommes à quelques mois de la fin de la période qui a été prévue pour leur pleine intégration dans les lois nationales. Nous voyons aussi qu’avec le temps, les revenus augmentent et le tabac devient de plus en plus bon marché dans nos pays. Et cela stimule la consommation.’’
Il faut noter que la consommation des produits du tabac et son impact sur l'occurrence des maladies qui sont liées sont des défis majeurs de santé publique. La prévalence du tabagisme augmente régulièrement en Afrique et la prévention de son augmentation, en particulier chez les jeunes, reste une préoccupation des pays en développement dont la majorité a ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte contre le tabac.
Selon cette convention, ‘’la taxation des produits du tabac reste le meilleur instrument pour réduire la consommation de tabac, en particulier chez les personnes vulnérables. C’est pour cette raison que la CEDEAO a adopté, en décembre 2017, une nouvelle directive visant à durcir la politique de taxation du tabac’’. Cette directive, qui fixe un taux minimum de taxe ad valorem de 50 % et une taxe spécifique de 2 centimes de dollar américain par tige, est fondée sur un ensemble d’arguments théoriques et d’évidences empiriques. En dépit de son importance avérée, ce texte, notamment son article 14, prévoyant la création d'un comité régional et des comités nationaux de suivi, tarde à être appliquée.
Cela est accentué par des changements progressifs de politiques fiscales déjà entrepris par certains gouvernements. L'objectif recherché, à terme, est de mettre en place un système de taxation efficace, de manière à ce que les taxes d'accises représentent, au minimum, 75 % du prix de vente au détail des paquets de cigarettes.
IDRISSA AMINATA NIANG (MBOUR)