Presse en campagne
A défaut de mettre le feu, ils ont été accusés de l’attiser. Une accusation portée contre des radios et des chaînes de télévision qui relaient en direct les manifestations. D’abord lever une équivoque : appeler ''direct'' ce qui se révèle d'un léger différé dont les durées sont difficilement chiffrables induisent les téléspectateurs en erreur. Pour les télévisions, le combat est perdu d’avance car pour elles, l’exercice est autrement plus difficile que pour les radios, championnes de l’instantanée.
A la télé, les échauffourées sont relatées d’abord par les reporters sur le terrain avant de pouvoir disposer des images. Ensuite, pour alimenter une banque d’images inexistante et pour meubler l’antenne, les mêmes éléments sont diffusés en boucle de sorte que le téléspectateur qui vient de prendre le train en marche avec l’inscription direct ne sait plus quoi penser.
Saluons au passage l'ardeur des journalistes qui, à la manière des reporters de guerre, gilets estampillés Presse bien en évidence, se font les commentateurs sportifs d’un nouveau genre de sport : jets de pierres contre tirs de grenades lacrymogènes. Bravant le danger, ils sont montés au charbon pour servir cette course au direct à défaut de scoop.
A la télévision, un nouvel exercice a vu le jour : le commentaire d’images. Inviter deux représentants de partis politiques rivaux et leur faire visionner les images des manifestations et des dérives policières, comme ce tir à bout portant sur le candidat Ibrahima Fall et sa garde rapprochée ou encore ce lancer de lacrymogène dans la Zawiya El Hadj Malick Sy. Selon que l’on soit de tel ou tel bord, les interprétations divergent, évidemment. Tout est question d'angles de vue, n'est-ce pas ! Et en cette période de tension, inviter Farba Senghor (PDS) sur un plateau de télévision sénégalaise, c’est comme inviter Marine Le Pen chez nos confrères de France 2. Tous deux font appel aux mêmes techniques de communication politique en usant à outrance du ''ce n’est pas nous, c'est les autres''. C’est toujours la faute aux autres ou, comme disait El Hadj Amadou Sall (PDS) face à Momar Samb sur la TFM : ''Les membres du camp de Wade sont le diable et les membres de l’opposition sont des saints''. Pas si simple !
Pendant que se joue cette surenchère audiovisuelle du Dakar en feu, la RTS émet sur d'autres fréquences, elle ne fait pas cas des manifestations dans son JT traditionnel. Celles-ci ne seront vues ou aperçues que dans le journal de la campagne. Tant pis pour ceux qui le rateront.
Mais la palme de cette campagne revient au journaliste-chroniqueur politique Souleymane Jules Diop. Depuis le Canada -il s'y est ''réfugié'' – il a donné dans le consigne de vote en titrant, dans sa dernière livraison : ''Oui, il faut voter Niasse''. Il est vrai que les journalistes sont des citoyens, avant et après tout, et donc des électeurs. Ils ont une coloration politique que l’on ne saurait leur reprocher. Seul hic, c’est lorsque certains y trempent leur plume pour écrire...