Le capitaine Amadou Haya Sanogo est-il devenu un « Karamogo » ?
Révélé à la faveur d’un coup d’Etat avorté le 22 mars 2012, le capitaine Amadou Haya Sanogo avait longtemps marqué les esprits des Maliens avec un style peu différent de celui du capitaine Moussa Dadis Camara de la Guinée. Comme un revirement de situation, l’homme fort de Kati se trouverait aujourd’hui dans la peau d’un «Karamogo» (marabout) au propre comme au figuré.
Révélé à la face du monde de la plus controversée des manières (un coup de force contre un régime démocratiquement élu), Amadou Haya Sanogo avait besoin d’un réel changement de veste pour se faire oublier et rentrer dans le giron de la majorité de l’opinion publique.
Même si le temps d’attente a été long, le N°1 du défunt CNRDRE se meut tout de même. Le président du Comité de réforme des forces armées et de sécurité, selon toute vraisemblance, se serait mu en «Karamogo ». Une appellation que lui attribuent ses admirateurs à Bamako et à Kati. Tiré du Bamanankan, «Karamogo » signifie le maitre spirituel, le gourou, un dépositaire de pouvoirs mystiques, un maitre coranique, un marabout, un chef dans la confrérie des chasseurs.
Ce mot aux multiples sens est-il employé par les partisans du capitaine à titre affectif ou pour révéler la puissance mystique de l’homme qui aura renversé un régime de généraux ? L’interrogation a un pesant d’or. Tant est-il qu’il n’y a pas de fumée sans feu.
Sanogo marabout ou partisan des fétiches ?
En tout cas, depuis les moments chauds des marches anti-Cedeao, le capitaine Amadou Haya Sanogo a sollicité la bénédiction d’un « Karamogo » attitré du pays. Le leader religieux et marabout de Nioro, Mohamoud Checknè Haïdara alias Bouillé, qui a répondu par des gestes sympathiques à l’appel du jeune soldat en détresse (car acculé par la classe politique et la communauté internationale). En compagnie d’une forte délégation composée de ses enfants et de ses disciples, Bouillé a effectué une visité de courtoisie à Kati où les cadeaux symboliques ne lui ont pas manqué. Un cheval blanc a été offert par le capitaine à l’hôte de marque du jour.
Dans notre société, le cheval blanc est un cadeau précieux recommandé dans beaucoup d’offrandes ou de sacrifices. Tout comme la polémique qui s’en est suivie, les interprétations n’ont pas manqué. De mauvaises langues présentaient le cadeau de l’occasion (cheval blanc offert) comme une caution aux connaissances maraboutiques acquises.
En tout cas, dans les apparitions publiques, le nouveau disciple du Chérif de Nioro s’est vêtu tout de blanc (boubou, chéchia et babouches). C’était au CICB lors d’un meeting des leaders religieux.
A l’occasion, le capitaine putschiste avait remplacé son inséparable bâton par un accoutrement de marabout. Une image qui n’est pas passée inaperçue dans les garnisons de Kati où beaucoup étaient habitués à voir Sanogo avec sa supposée canne magique.
Une canne qui fait partie des objets de main les plus utilisés du capitaine Sanogo. Ce précieux compagnon est venu s’ajouter au bracelet en cuir du miraculé du contrecoup d’Etat du 21 mai 2012.
Cet objet fréquent fait partie du décor des chasseurs « maitres de la forêt et dépositaires de connaissances occultes et mystérieuses. Lors des sorties des chasseurs, Sanogo se faisait représenter et faisait parvenir ses messages de soutien à la confrérie. Il trouvait des occasions pour se réclamer de cette organisation sociale.
Même s’il est vrai que Sanogo est devenu un Karamogo, il ne serait pas encore devenu un bon voyant car toutes les fois où il s’est prononcé sur des évènements futurs, ses génies lui ont menti. Comme son gourou de Nioro, Sanogo a avait assuré qu’aucun soldat étranger ne foulera le sol malien. Il avait précédemment déclaré que Dioncounda ne passera une seconde de plus après ses 40 jours de présidence intérimaire.
Marabout ou pas, féticheurs ou non, Sanogo est en tout cas convaincu de l’existence de forces mystiques. Lors d’une sortie télévisée, l’homme fort de Kati a bien déclaré que les militaires au front ont besoin de connaissances des détenteurs de pouvoirs occultes. A l’occasion, il avait également sollicité du matériel militaire pour les hommes au front.
MALIACTU