Les islamistes reprennent leurs destructions dans Tombouctou
Les islamistes qui contrôlent Tombouctou depuis trois mois poursuivent la destruction de biens religieux en ciblant une mosquée du XVe siècle. Après avoir démoli, ce week-end, sept mausolées de saints musulmans, ils s'en sont pris cette fois, lundi 2 juillet, à la porte de la mosquée Sidi Yeyia, dans cette ville du nord du Mali.
"Ils ont arraché la porte sacrée qu'on ouvrait jamais", ont affirmé un témoin et plusieurs habitants de Tombouctou. Un ancien guide touristique de la ville a précisé : "Ils sont venus avec des pioches, ils ont commencé par crier 'Allah' et ils ont cassé la porte. C'est très grave. Parmi les civils qui regardaient ça, certains ont pleuré."
"CE N'EST PAS LA FIN DU MONDE"
Un membre de la famille d'un imam qui a affirmé avoir discuté avec les islamistes du groupe armé Ansar Eddine ("Défenseurs de l'islam") a dit qu'ils avaient agi ainsi car "certains disaient que le jour où on ouvrirait cette porte, ce serait la fin du monde et ils ont voulu montrer que ce n'est pas la fin du monde".
La porte située côté sud de la mosquée de Sidi Yeyia est fermée depuis des décennies, car selon des croyances locales, son ouverture éventuelle porterait malheur. Cette porte conduit vers un tombeau de saints et si les islamistes l'avaient su, "ils auraient tout cassé", selon un autre témoin.
La mosquée Sidi Yahia fait partie des trois grandes mosquées de Tombouctou, avec celles de Djingareyber et Sankoré, joyaux architecturaux témoignant de l'apogée de la ville. Elles figurent toutes les trois sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.
PATRIMOINE MONDIAL EN PÉRIL
Après les mausolées de saints, Ansar Eddine avait menacé ce week-end de s'en prendre aux mosquées de la ville, affirmant agir ainsi "au nom de Dieu" et en représailles à la décision de l'Unesco, le 28 juin, d'inscrire Tombouctou sur la liste du patrimoine mondial en péril. L'Unesco a estimé que la présence des islamistes mettait en danger la ville mythique, surnommée "la cité des trois cent trente-trois saints", en référence aux personnages vénérés de son passé qui y gisent.
Au total, sept des seize mausolées de la ville, généralement en terre crue, ont été détruits en deux jours : après les sanctuaires de Sidi Mahmoud (nord de la ville), Sidi Moctar (Nord-Est) et Alpha Moya (Est) samedi, les hommes du groupe Ansar Eddine ont démoli dimanche à coups de houe et de burin quatre autres mausolées, dont celui de Cheikh El-Kébir, situés dans l'enceinte du cimetière de Djingareyber (Sud), selon un témoin.
MISE EN GARDE DE LA CPI
"Mon message à ceux qui sont impliqués dans cet acte criminel est clair : arrêtez la destruction de biens religieux maintenant. C'est un crime de guerre pour lequel mes services sont pleinement autorisés à enquêter", a déclaré la procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, en visite à Dakar.
L'Association des chefs religieux du Mali a elle aussi condamné "le crime de Tombouctou". "Même le prophète [Mahomet] lui-même allait visiter les tombes et les mausolées. C'est de l'intolérance", a-t-elle estimé.
Les islamistes d'Ansar Eddine, alliés d'AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique), ont profité d'un coup d'Etat militaire, le 22 mars, à Bamako, pour accélérer leur progression dans tout le nord du Mali, qu'ils contrôlent désormais au détriment de la rébellion touareg. Leur objectif est d'imposer la charia dans tout le Mali.