Publié le 18 Aug 2018 - 01:03
MOBILISATION TOUS AZIMUTS DES SENEGALAIS PAR LE PDS ET SES ALLIES

Le renouveau de l’opposition

 

Entre marches de protestation pacifiques, visites de proximité et de sensibilisation dans les foyers religieux du pays et dans les différentes représentations diplomatiques, l’opposition structurée autour du Front démocratique et social de résistance nationale surfe sur le contexte national assez difficile du pays. Pour braquer les populations contre le régime du président Macky Sall.

 

L’opposition sénégalaise s’est-elle fait une nouvelle santé politique, après ses débâcles répétitives entre 2012 et maintenant ? En tout cas, tout porte à croire que le Front démocratique et social de résistance nationale surfe sur les difficultés que rencontrent les populations sénégalaises depuis un bon moment, pour les braquer contre le régime. Accusée, à tort ou à raison, d’être une opposition de salon, elle multiplie les assauts contre le régime.

En effet, au fur et à mesure qu’on s’approche des prochaines joutes électorales, l’opposition sénégalaise semble reprendre du poil de la bête. Pas plus tard que le 12 août dernier, elle a réussi une mobilisation monstre au détour d’une marche pacifique de protestation organisée dans la banlieue dakaroise pourtant réputée être un fief du régime en place. Cette mobilisation organisée à Pikine et à Guédiawaye a tenu toutes les promesses. Hormis quelques couacs notés dans l’organisation, elle a été l’une de ses marches les plus réussies depuis l’avènement du régime de la deuxième alternance. Les leaders de l’opposition qui ont, à cette occasion, battu le rappel des troupes pour exprimer leur mécontentement, ont fait d’une pierre deux coups. Non seulement ils ont dit tout le mal qu’ils pensent du président sortant qui cherche, selon eux, désespérément un second mandat à tous les prix, mais aussi ont appelé les populations sénégalaises ‘’à être conscientes du danger qui plane sur notre pays, du fait des nombreuses dérives notées dans la conduite des affaires publiques’’.

Ainsi, face à ‘’un ministre de l’Intérieur qui modifie le Code électoral, un ministre de la Justice qui charcute la Constitution, un tribunal complément dévoué à l’Exécutif et un président de la République qui élimine ses opposants’’, les leaders du Front démocratique et social de résistance nationale décident de porter le combat pour faire face au régime du président Sall.

Auparavant, plus précisément le 13 juillet, le Front démocratique et social de résistance nationale a tenu une marche aussi mobilisatrice que celle de Pikine et Guédiawaye. Au cours de cette manifestation, le Pds et ses alliés ont envoyé un signal fort aux tenants du pouvoir, en réussissant une mobilisation monstre de la place de la Nation au rond-point de la Radiodiffusion télévision sénégalaise. Dopés par leur exploit, les opposants ont décidé de poursuivre la même dynamique, en décentralisant les manifestations non seulement dans la banlieue dakaroise, mais aussi à l’intérieur du pays. ‘’Macky Sall ne connait que le rapport de force. Il faut mobiliser le peuple, descendre dans la rue pour ouvrir les prisons et les frontières. Il faut maintenir cette même dynamique et continuer à occuper les places publiques et les rues, décentraliser les manifestations à l’intérieur du pays, organiser nos concitoyens qui sont dans la diaspora, montrer à Macky Sall qu’il n’y aura pas d’élection présidentielle sans la candidature de Khalifa Sall et de Karim Wade. A partir de ce moment seulement, il entendra raison’’, a déclaré le leader des Forces démocratiques du Sénégal (Fds), Babacar Diop, dans un document transmis à la presse.

Intense activisme auprès des religieux et des diplomates

Si l’opposition en est arrivée à occuper d’avantage d’espace dans le landerneau politique et à intéresser les citoyens sénégalais à son combat, c’est parce que, quelque part, la mayonnaise semble prendre depuis quelque temps. Les multiples tentatives de regroupements et de structurations entreprises depuis 2012 commencent, en effet, à produire les effets escomptés, à quelques encablures des prochaines échéances électorales. Après la dissolution de la coalition Sopi juste à la veille des élections législatives de 2012, au lendemain de la chute d’Abdoulaye Wade, plusieurs coalitions et autres cadres de concertation et de lutte politiques ont été créés. Mais ils disparaissent souvent comme ils sont nés.

Pour mieux s’organiser face au pouvoir, l’opposition sénégalaise a, depuis l’avènement du leader de l’Alliance pour la République (Apr) à la tête du pays, mis sur pied des coalitions. Toutefois, la création de chaque entité répond à des objectifs bien précis.

Ainsi, le Front démocratique et social de résistance nationale est mis sur pied pour, selon ses initiateurs, dénoncer ‘’le manque de transparence dans le fichier électoral, les décisions unilatérales prises par Macky Sall, entre autres’’. Pour les législatives de juillet 2017, l’opposition avait créé la coalition électorale Manko Taxawu Senegaal. Avec pour objectif de mettre sur pied une liste unique et faire face à Macky Sall. Une alliance composée principalement de partis comme le Pds de Me Wade, Rewmi d’Idrissa Seck, le Grand parti de Malick Gakou, Bokk Gis-Gis de Pape Diop, Aj/Pads de Mamadou Diop Decroix, le Fsd/Bj de Cheikh Bamba Dièye, Initiative 2017 de Khalifa Sall, Bës Du Ñakk de Mansour Sy Djamil, Ldr/Yeesal) de Modou Diagne Fada et  Tekki du député Mamadou Lamine Diallo. L’objectif était de remporter le maximum de voix afin d’imposer la cohabitation à la majorité, une fois à l’hémicycle.

Cependant, l’alliance entre ces différentes forces politiques ne va durer que le temps d’une rose. Puisque les guerres de positionnement et autres conflits d’intérêts ont précipité son éclatement et donné naissance à plusieurs sous-coalitions pour ces scrutins. Avant le lancement de cette coalition, le Front patriotique pour la défense de la République (Fpdr) a déjà été porté sur les fonts baptismaux. Cette coalition, pilotée par Mamadou Diop Decroix, a été secouée par l’appel au dialogue national lancé par le chef de l’Etat en mai 2016. En effet, Diop Decroix et Cie y ont répondu en ordre dispersé et, au finish, le Pds a été accusé d’être de connivence avec le régime actuel. En août de la même année, l’’opposition significative avait créé la coalition Wallu Sénégal pour, dit-elle, mener des batailles pour la défense des libertés individuelles et collectives.

Le Cadre de concertation de l’opposition (C2O) a aussi occupé l’espace politique national. Cette alliance, créée en prélude au référendum du 20 mars 2016, a été sur plusieurs fronts. Ses membres, à savoir Ldr/Yeesal, Rewmi, Bokk Gis-Gis, l’Ucs, le Pds… ont fait le tour des ambassades (Etats-Unis et France) pour dénoncer ‘’la mauvaise gouvernance du pays’’.  Au chapitre des ententes, on retrouve  Gor Ca wax Ja dont la mission était de contraindre le chef de l’Etat à respecter ses promesses de campagne. En effet, la coalition a été créée après la décision de Macky Sall d’effectuer un mandat présidentiel de sept ans, contrairement à sa promesse de le réduire à cinq ans. Un référendum pour la modification de la Constitution sera par la suite organisé. Les opposants avaient donné comme consigne de voter ‘’Non’’,  mais le ‘’Oui’’ prôné par la coalition présidentielle finira par l’emporter.

Après le référendum du 20 mars 2016, la coalition Gor Ca Wax Ja a cédé la place au Front démocratique de résistance nationale. Cette nouvelle trouvaille, parallèlement aux marches de protestation pacifique, a entrepris, depuis un moment, des visites dans les différents foyers religieux du pays. C’est ainsi que ses leaders se sont rendus chez l’archevêque de Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye, pour exposer leur crainte par rapport au fichier électoral. Auparavant, le Pds et ses alliés s’étaient rendus à Touba pour rencontrer le khalife général des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, afin de le sensibiliser sur la tension électorale qui règne dans le pays.  

Après Touba, les opposants au régime ont été à Tivaouane, ensuite à Yoff. Après ces foyers religieux, ils ont été à la rencontre des représentations diplomatiques accréditées au Sénégal, avec des visites à la Délégation de l’Union européenne et une réunion avec l’ambassadeur des Etats-Unis au Sénégal. Cette nouvelle stratégie est-elle payante ? Mamadou Lamine Diallo reste optimiste : ‘’Macky Sall n’a pas encore bougé. Il ne veut toujours pas dialoguer avec l’opposition. Il n’y a pas de règles consensuelles pour l’organisation des élections, mais nous allons continuer notre bataille.’’ D’après le parlementaire, rencontrer les chefs religieux et les missions diplomatiques revient à les sensibiliser sur la gravité de la situation actuelle du pays. ‘’Il est normal d’aller les voir pour leur expliquer l’essence du parrainage et ses conséquences pour le lendemain du Sénégal. Il faut que le peuple sénégalais comprenne mieux les enjeux de la démocratie et de la liberté’’, pense le leader de Tekki.  

HABIBATOU TRAORE & ASSANE MBAYE

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