‘’C’est d’abord le locataire qui est le premier contrôleur’’ des prix
La loi qui porte sur la baisse des prix des loyers à usage d’habitation a été publiée dans le journal officiel. Dans cet entretien accordé à EnQuête, Momar Ndao, le porte-parole de la commission, revient sur le travail de la commission, les risques que courent les bailleurs qui ne vont pas respecter les prix fixés sur la base, ce que doivent faire les locataires à la fin de ce mois…
M. Ndao, la loi portant baisse des prix des loyers à usage d’habitation a été votée à l’Assemblée Nationale et puis publiée au Journal Officiel depuis le 22 janvier. Comment la commission a-t-elle procédé pour parvenir à ce résultat ?
La baisse du loyer a été une volonté du chef de l’Etat traduite par le Premier ministre Aminata Touré qui l’a annoncée lors de sa déclaration de politique générale. 9 jours après son annonce d’une baisse du loyer lors de sa déclaration de politique générale, la commission a été mise sur pied. Au début, nous étions 5 personnes. Compte tenu de l’ensemble des études qui ont été faites sur la question, le chef du gouvernement avait pensé que ce n’était pas la peine qu’il y ait une pléthore de personnes.
Après, la commission a été élargie. Ainsi, nous avons commencé à travailler. Nous avons travaillé en deux temps : faire d’abord une proposition de baisse des prix des loyers et dans un deuxième temps faire des propositions d’amélioration des conditions de travail, de régulation des acteurs de l’immobilier. On a d’abord demandé aux autorités de bloquer les prix des loyers, tant que nous travaillons.
Pourquoi ?
Parce qu’en 2008, lorsque le président Iba Der Thiam travaillait sur la commission d’enquête, dès que les gens ont vu qu’il y avait une tendance à déposer le rapport, les gens ont commencé à augmenter pour les locaux qui n’étaient pas donné en location. Finalement, cela avait occasionné une augmentation. C’est pourquoi nous avons demandé aux autorités de bloquer les prix du loyer. Ce qui a été fait. Ensuite on a travaillé sur ce qu’il y avait comme différents éléments du fait qu’il y avait plusieurs actes qui étaient posés.
Nous avons travaillé sur la revue documentaire, nous avons passé en revue, l’ensemble des textes, qui sont plus de 22 qui ont été pris entre 1977 et 2014 sur la question du loyer. Les décrets, les arrêtés, tout a été revu.
Nous avons fait une cartographie des loyers. Nous avons fait un zonage de toute la région de Dakar avec une enquête pour déterminer le prix des loyers dans chaque quartier et selon le type de logement, si c’est une chambre, une chambre carrelée, un studio, 3 pièces salon…
pour déterminer les prix pratiqués actuellement dans toute la région de Dakar. Nous avons aussi recueilli le feed-back des populations. Nous avons reçu les banques, parce que la problématique du financement est tellement évoquée par les bailleurs, pour leur permettre d’exposer la situation et de voir quelles sont les solutions possibles.
Nous avons reçu les bailleurs avec les représentants, et les agences immobilières sont venues nous dire quels sont les problèmes. Depuis 1977, les locaux à usage d’habitation sont gérés par une loi et par ce qu’on appelle la surface corrigée. Nous avons passé en revue tout le décret pour la surface corrigée. Nous avons passé en revue l’ensemble des éléments d’évaluation d’une surface corrigée.
Et c’est quoi la surface corrigée parce que beaucoup de locataires ne comprennent pas ce terme ?
C’est un système de calcul. Il prend en considération les équipements, les catégorisations. Aujourd’hui, quand vous voulez évaluer une maison, on va regarder les équipements. Par exemple, un WC, on lui donne une valeur. Avant cela, il y a une valeur des terrains bâtis, il y a une valeur des maisons individuelles et collectives qui est calculée au m². Pour un WC, on lui accorde une valeur en m².
Le texte en cours était de 4 m² pour un WC, mais pour la loi actuelle, on l’évalue à 2m². Au moment où on le faisait, il était un luxe, mais aujourd’hui, c’est un équipement basique. Nous avons passé en revue certains coefficients, vu que les surfaces corrigées donnaient des coefficients d’ancienneté aux bâtiments principaux, mais pas forcément aux annexes. Pendant plusieurs années, il y a une non-application de ces textes. Si ces textes étaient appliqués, on n’arriverait pas à cette situation.
Mais la question que se posent aujourd’hui beaucoup de locataires est : ‘’quand est-ce que la mesure sera effective ?’’
Pour qu’une loi puisse être appliquée, il faut qu’elle soit votée. La loi a été votée à l’unanimité. Il n’y a pas une seule voix contre le projet. Il faut qu’elle soit promulguée. Cela a été fait par le chef de l’Etat. Il faut que ça soit publié. Le document a été publié au journal officiel n° 6770 en date du 22 janvier. Donc il y a 3 jours à Dakar, le 25 janvier et 5 jours pour les régions, le 27 janvier. Depuis le 27 janvier, c’est applicable dans le territoire sénégalais.
Mais est-ce que cette applicabilité ne va pas poser problème, si l’on sait que certains propriétaires immobiliers ne sont pas d’accord avec la mesure ?
Je reçois une trentaine de coups de fil par jour de propriétaires immobiliers qui disent qu’ils vont appliquer la réglementation et qu’ils voulaient certaines informations. Pour moi, il n’y aura pas trop de difficultés. Parce que la loi 81-21 du 25 juin 1981 relative à la hausse des loyers punit d’une peine de 6 mois d’emprisonnement tout propriétaire qui aurait pratiqué des prix illicites et d’une amende de 20 000 à 1 500 000 F Cfa en cas de pratiques de hausse illicite.
L’intérêt de la mesure est que ce n’est pas les agents du contrôle économique qui vont contrôler pour voir si les gens ont appliqué la mesure, mais c’est d’abord le locataire qui est le premier contrôleur. A la fin de ce mois, il doit retirer de son loyer le montant de la baisse. Si le bailleur n’est pas d’accord, il va à la police. Ce n’est même pas la peine de se chamailler parce qu’aujourd’hui, il lui est permis de le traduire en justice et le propriétaire court 2 à 6 mois de prison.
Est-ce ce que dit la loi ?
Oui, c’est une loi qui a été promulguée par le Président Abdou Diouf en 1981. Il faut que les propriétaires sachent un certain nombre de choses. Ils ne font pas du social, ils font du commerce parce que le fait de louer une maison est une activité commerciale. Et quand on fait une activité commerciale, il faut respecter les termes qui régissent l’activité commerciale.
Par contre, ils peuvent augmenter le prix des locaux qui ne sont pas encore loués
Même là, ce qu’ils ne savent pas, c’est que la loi impose aux bailleurs de calculer le prix du loyer sur la base du décompte sur la surface corrigée. S’il loue à quelqu’un sans lui donner le papier par lequel il a fait le calcul sur la surface corrigée, il risque une peine qui peut aller jusqu’à 500 0000 F d’amende.
Donc il ne peut pas louer à quelqu’un sans lui donner le document. S’il loue à cette personne et qu’après, on se rend compte qu’il a loué à un prix supérieur, il risque 2 à 6 mois de prison. Donc, il ne peut plus le faire. Avant, il pouvait le faire parce qu’il n’y avait pas le respect de la réglementation, mais l’Etat a décidé de respecter et de faire respecter la loi.
Avec l’application de la loi, certains bailleurs disent ne plus être en mesure de payer les redevances qu’ils devraient aux banques. Est-ce que à ce niveau il y a des mesures prises.
Pour faire un prêt à la banque, ce qu’on vous demande d’abord, c’est un bulletin de salaire, une garantie... Si vous n’avez pas de revenus, vous ne pouvez pas obtenir de prêt. Si vous n’avez pas encore construit, vous ne pouvez pas construire et payer avec la garantie de la construction.
Le revenu que vous allez montrer est différent du revenu que vous allez obtenir. Donc c’est un mauvais exemple de dire que nous devons à la banque. L’argument banque ne tient pas. Ils ont un retour sur investissement deux fois supérieur que celui de la sous-région.
Mais aussi l’autre menace brandit par les bailleurs est qu’ils peuvent demander à leur locataire de sortir dans un délai de 6 mois, sous prétexte qu’il veut habiter la maison avec sa famille, comme le lui autorise la loi ?
A ce moment, ils auront un problème fondamental. S’ils ferment, ils perdent parce qu’ils avaient un problème avec la banque. Les articles 572 et suivants du code des obligations civiles et commerciales disent que vous ne pouvez pas sortir la personne gratuitement parce que le loyer à usage d’habitation a une durée minimum de 3 ans.
C’est après les 3 ans qu’on peut rediscuter le contrat. Même si tu dois habiter la maison, tu dois lui donner un préavis. Le préavis a une certaine forme à respecter. Si la forme n’est pas respectée, il n’est pas valable. Ça aussi, c’est un mauvais argument, on ne peut pas faire sortir un locataire comme ça.
ALIOU NGAMBY NDIAYE