La motion de censure déposée par les députés de Yewwi Askan Wi a été rejetée hier, 72 heures après la Déclaration de politique générale du PM Amadou Ba. Seuls 55 mandataires ont voté pour. Les députés de Benno Bokk Yaakaar, qui dénoncent ‘’l’incohérence’’ de leurs collègues qui sont dans l’opposition, ont regretté le fait que l'exposé des motifs soit différent de ce qui s’est dit lors du débat. 

Les députés du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi ont échoué, hier. La motion de censure qu’ils avaient introduite n’a pas été adoptée par l’Assemblée nationale qui est composée de 165 parlementaires. Seuls 55 députés ont voté pour. Plus tôt avant le déroulement du vote, un débat houleux entre députés a caractérisé l’examen de la motion de censure déposée contre le gouvernement.  ‘’Vous êtes le symbole de la continuité, de l'impunité et de la mal gouvernance du régime de Macky Sall. Vous êtes le symbole de la gestion sombre, vicieuse et de l'injustice. Nous avons déposé cette motion de censure pour vous montrer que le problème du Sénégal, c'est le petit président qui est Macky Sall’’, a dit Abass Fall au Premier ministre Amadou Ba qui faisait face aux députés, 72 heures après avoir fait sa Déclaration de politique générale. 

Après avoir jeté des fleurs au PM,  Abba Mbaye, qui dit être resté sur sa faim par rapport à beaucoup de questions, a jeté la pierre. Selon lui, Amadou Ba est un Premier ministre absent. ‘’On a noté votre volonté de plaire au président Macky Sall en étant un Premier ministre absent. Pendant la Covid-19, le Sénégal a souffert de l'absence d'un Premier ministre. Mais, pendant ce temps, la Covid-19 du gouvernement, c'était la bamboula. Ce qui s'est passé est scandaleux’’, a pesté Abba Mbaye faisant allusion au rapport de la Cour des Comptes.

Ce faisant, il a invité tous les députés à voter la motion de censure contre le gouvernement, ne serait-ce que pour les accusations contre Karim Wade et Khalifa Sall de détournement de fonds publics. ‘’Parce que maintenant, on sait où se trouvent les voleurs. Nous avons envie de trouver l'État dans nos foyers et que les gens ne soient pas là à discuter sur le taux de croissance à deux chiffres. Nous ne voulons pas avancer dans les chiffres, mais dans la vraie vie’’, a-t-il soutenu. 

‘’Une réponse aux séries de provocations’’

Pour sa part, Bara Gaye a soutenu que la motion de censure aurait pu être évitée, si le Premier ministre avait suivi les recommandations et demandes exprimées par les députés, principalement ceux de l’opposition, lors de sa Déclaration de politique générale du 12 décembre dernier, en engageant le régime dans la voie de la pacification de l’espace public et dans la voie de l’apaisement des tensions. A son tour, s’adressant à Amadou Ba, il a déclaré : ‘’Cette motion de censure, entre autres raisons, est une réaction à la propension de votre régime à restreindre les lois et les libertés des citoyens, à procéder à l’arrestation et à l’emprisonnement tous azimuts d’opposants, de journaliste, de membres de la société et d’honorables députés de la 14e législature. Personne n’est à l’abri, aucun député.’’

Ainsi, il a notamment dénoncé la détention des députés Massata Samb et Mamadou Niang. ‘’Cette motion de censure, dit-il,  est aussi une réponse aux séries de provocations du régime en place et à ses séries de violences exercées contre les Sénégalais au plan verbal, au plan physique et contre leur pouvoir d’achat’’.

Pour Bara Gaye, les Sénégalais sont ‘’inquiets’’ et ont besoin de paix et de sécurité.  ‘’Ils ont également besoin d’être rassurés afin de vivre dans la sérénité, à défaut de pouvoir disposer d’un pouvoir d’achat conséquent qui les sortirait de la pauvreté. Les Sénégalais ont besoin d’un gouvernement qui apaise les tensions’’, a déclaré le député. Qui estime que les signaux sont au rouge. 

 Mame Diarra Fam a abondé dans le même sens. ‘’Libérez nos collègues !’’, a-t-elle crié, estimant que le président de l’Assemblée nationale n'a pas les coudées franches pour diriger l'hémicycle. Dans la même veine, Ayip Daffé, qui a demandé la démission du gouvernement, s’est intéressé à la stabilité de la nation.  Pour lui, l’’échec’’ de ce gouvernement est déjà consommé. Face à Amadou Ba, il a pesté : ‘’Nous n'avions même pas besoin de motion de censure. Vous devriez démissionner de votre poste de Premier ministre, parce que ce gouvernement est une menace pour la stabilité nationale. Ce gouvernement est un gouvernement de continuité des assassinats, de prises d'otages politiques et de scandales.’’  

BBY dénonce les ‘’incohérence’’ des députés de Yaw 

Mais les députés de Benno Bokk Yaakaar (BBY) ont répondu que cette motion de censure n’est pas justifiée et est politiquement impertinente. ‘’Cette initiative purement politicienne est mal portée. Cette motion va être rejetée au vu des actions importantes que vous êtes en train de mener. Et notre confiance vous sera renouvelée. Cette motion de censure sera transformée en motion de posture pour la 14e législature’’, a lancé Abdoulaye Diouf Sarr au chef de gouvernement, raillant ses collègues de l’opposition.

‘’Ceux qui ne sont obnubilés que par leur propre agenda  politique, victimes d’une altération de la lucidité, aveuglés par leur idéologie politiste, resteront toujours insensibles à votre message de paix, de dialogue et de concertation’’, a dit Oumar Youm s’adressant à Amadou Ba. Car, ce dernier a invité chacun à bâtir sans haine ni adversité ni transgression. ‘’Une belle ambition pour le pays, particulièrement dans ce contexte de conjoncture mondiale faite de crises, avec les effets encore persistants de la Covid-19 qui exigent le sens de la mesure et de la responsabilité’’.

Poursuivant les pics, Oumar Youm a soutenu que les députés de l’opposition ont présenté une motion de censure biscornue, irrégulière dans la forme. D’après lui, le seul motif, c’est de s’offrir une tribune pour semer la confusion. Il a notamment dénoncé une offense contre les pères fondateurs. ‘’Cette motion de censure est une offense grave contre les pères fondateurs de notre République qui, depuis 1963, ont fait le choix d’un régime présidentiel. Choix confirmé en 2021 par le président Abdoulaye Wade. Cette motion de censure est une défiance contre la République, contre Senghor, contre Abdou Diouf, contre Abdoulaye Wade et Macky Sall. Cette motion est un affront d’une rare témérité contre le peuple souverain… C’est la censure de la raison et du réalisme politique. Un abus manifeste contre notre démocratie. Quelle honte ! Quelle brutalité !’’. 

De son côté, Seydou Diouf a regretté ‘’une motion de censure dont l’exposé des motifs n’a rien à voir avec ce qui se dit aujourd’hui. Absolument rien’’. ‘’Les députés de l’opposition n’ont que trois mots dans leur bouche : emprisonnement, vol et troisième mandat. Qu’ils nous foutent la paix ! Ils n’ont fait aucune proposition concrète’’, a renchéri Abdou Mbow. D’après lui, les membres de Yewwi sont tombés dans la grande incohérence. ‘’Quand on a épuisé toutes ses idées de ruse,  l’on finit toujours par tomber inconsciemment dans l’incohérence. C’est ce qui arrive à nos amis de Yewwi’’. 

D’ailleurs, dit-il, ‘’celui qui présentait la motion de censure bégayait. Tout ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour les dire arrivent aisément’’. Même son de cloche chez Moussa Diakhaté. ‘’Les raisons avancées pour cette motion de censure sont très légères. La preuve, celui qui l'a présentée est quelqu'un de très pertinent. Malheureusement, pour justifier la motion de censure contre le gouvernement, il faisait de la gymnastique verbale pour donner de l'étoffe à son argumentaire. Les gens sortent carrément du sujet. Depuis quelque temps, il y a une classe politique qui fait tout dans le blocage et dans la destruction. La politique n'est pas un jeu de pulsions et d'émotions’’, dit-il.

Wallu et la non association à l’initiative de YAW

De son côté, Abdou Bara Dolly Mbacké de Wallu a pris le contrepied de ses collègues de l’opposition.  Car, il dénonce le fait que les députés de Wallu n’aient pas été associés à cette motion de censure. Ainsi, il a voté contre. ‘’Il y a un manque de considération entre le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi et notre groupe Liberté et démocratie. Je suis allé requérir auprès de nos collègues des informations. Ils n'ont voulu rien me dire. C'est pourquoi, je ne vais pas suivre cette motion dont j'ignore les objectifs’’.

Le libéral d’ajouter : ‘’En campagne des Législatives, nous députés de l'opposition avions promis d'introduire une loi pour criminaliser l'homosexualité au Sénégal, de proposer une loi pour modifier le Code électoral pour la restauration des droits politiques et civiques de Karim Wade et de Khalifa Sall, de proposer une loi. Tout cela, nous ne l'avons pas fait. S'ils nous avaient impliqués dans l'initiative, nous aurions pu faire bloc et voter pour la destitution du gouvernement’’, a-t-il soutenu. 

BABACAR SY SEYE