Publié le 15 Jul 2016 - 01:51
MOUSSA DIAW, (ENSEIGNANT-CHERCHEUR EN SCIENCES POLITIQUES A L’UGB)

‘’Macky Sall a intérêt à remettre de l’ordre dans sa coalition’’

 

Au fur et à mesure qu’on s’approche des prochaines joutes électorales, l’on assiste à un foisonnement des coalitions de partis politiques qui s’organisent au gré des intérêts du moment. Cette situation, selon Moussa Diaw, traduit une crise de valeurs, de principes et d’idéologies des partis politiques devenus subitement un lieu de ‘’commerce politique’’. Dans cet entretien avec EnQuête, l’enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) prévient quant à une désaffection de l’action politique par les populations.

 

A quelques mois des Législatives de 2017, les coalitions se forment à un rythme effréné. Comment analysez-vous cette situation ?

Cela montre l’inconsistance de ces formations politiques qui sont en train de se chercher et qui veulent se positionner et garder certaines identités. Cela montre quand même qu’il y a une sorte d’anarchie au niveau de l’espace politique sénégalais. Les grandes coalitions, c’est-à-dire les coalitions mères, ne font aucun effort aussi pour les ramener à l’ordre pour qu’ils puissent entrer dans les rangs. Naturellement, c’est dû aussi à certains leaders qui ont un problème de choix.

Ils veulent garder leur identité et ne pas être dilués dans les anciennes coalitions pour pouvoir, à un moment venu avec des enjeux électoraux, essayer de monnayer des postes par rapport à leur positionnement politique. Ça, on le retrouve dans la majorité présidentielle comme aussi dans l’opposition. D’ailleurs, au niveau de l’opposition, c’est beaucoup plus compliqué. Parce qu’ils n’ont pas de repères et sont désorientés. C’est ce qui les pousse, par rapport à certaines personnalités qui sont connues, à vouloir se reconstituer, s’organiser, se regrouper pour pouvoir peser au niveau de l’opposition qui est plurielle avec plusieurs coalitions.

Ce foisonnement de coalitions noté dans la mouvance présidentielle et dans l’opposition ne risque-t-il pas de faire désordre ?

Oui ! C’est vraiment une anarchie. C’est un manque d’organisation de ces formations politiques. Et ça pose problème par rapport à la consistance de la démocratie sénégalaise. Parce qu’il faut quand même qu’il y ait un certain ordre dans les prises de position par rapport à des valeurs, à des principes et à une idéologie. Mais là apparemment, ces formations ne reposent sur rien que sous forme de regroupements qui, politiquement, sont d’ailleurs insignifiants. La plupart sont ignorés par des citoyens. Leur salut reposerait seulement sur une coalition à la tête de laquelle va se trouver quelqu’un de connu. Et à partir de cela, ils pourront soutenir la coalition pour espérer par exemple des postes. Comme le disait quelqu’un de la gauche, il y a tout un commerce politique qui se fait. Il y a des négociations, une forme de troc politique pour traduire ces phénomènes qui sont totalement nouveaux dans l’espace politique sénégalais.

Est-ce que ces phénomènes politiques dont vous parlez ne risquent pas de décrédibiliser l’action politique ?

Tout à fait ! Il va y avoir une désaffection par rapport aux politiques. C’est-à-dire, la politique n’aura plus de sens. Les valeurs et les principes sur lesquels on se fondait pour faire de la politique risquent de s’évaporer. Cela veut dire tout simplement qu’il n’y a plus d’imagination. Il n’y a plus cette vocation à vouloir agir dans le sens des convictions et d’un engagement politique pour servir son pays, pour défendre des projets à travers justement des principes, des valeurs et des propositions qui sont relativement liées aux préoccupations des Sénégalais.

Au niveau de la majorité présidentielle, ce désordre ne risque-t-il pas de porter préjudice au Président Macky Sall ?

Mais oui ! Parce qu’il aura une pagaille à gérer. Je ne sais pas  comment lui, il va se retrouver d’ailleurs. Parce que ça, c’est dû au fait qu’on n’a pas organisé cet espace. Cela veut dire que ces formations qui se réclament des partis politiques ne représentent rien. Ils n’ont rien du tout dans le domaine politique. Cela n’a aucun sens. Il n’y a aucun projet, il n’y a aucune vocation par rapport à des objectifs. Un parti politique, c’est avant tout un creuset de réflexions sur les réalités politiques, sur la production d’un projet et la soumission de ce dernier aux populations quand il y a des échéances électorales. Mais là, aucun de ces partis n’a de projet. Ce sont des individualités qu’on retrouve là et qui posent problème par rapport à la crédibilité qu’on pourrait accorder à des partis politiques. La majorité va souffrir de cela. Je pense qu’il est temps que le président de la République mette de l’ordre par rapport à tout cela.

Au niveau de l’opposition, depuis la libération de Karim Wade, on  a comme l’impression que le Front patriotique pour la défense de la République est entré dans une léthargie. Comment expliquez-vous cela ?

Le Front est en silence parce qu’apparemment, sa première revendication, c’était la libération de Karim Wade. Comme lui aussi est très loin, il n’y a aujourd’hui aucune idée nouvelle permettant justement de mobiliser les gens autour de projet et d’initiative pour rebondir. Il n’y a même pas de ressources politiques. C’est cela le problème. Le drame, c’est qu’il n’y a aucune réflexion de fond autour de laquelle les gens pourraient se regrouper, réfléchir ensemble sur la participation à la création de projet de société par rapport à des secteurs ciblés où il y a des déficits. Mais il n’y a absolument rien, il y a un vide qui traduit non seulement une défaillance du système politique mais aussi la nécessité absolue de remettre de l’ordre, remettre la machine en marche et de faire en sorte que la démocratie sénégalaise puisse être quelque chose de représentative par rapport aux citoyens. Et que les gens puissent s’identifier à cela pour pouvoir espérer des actions politiques et puis, à travers aussi la naissance de politiques publiques soutenues dans une perspective d’une alternance au niveau du pouvoir. Mais on est déçu quand on voit cette situation.

Quelle analyse faites-vous de l’actualité politique nationale, dominée par le fameux protocole de Rebeuss remis au goût du jour par l’avocat Me Ousmane Sèye ?

C’est de la diversion tout simplement. Cela veut dire simplement qu’il n’y a plus d’imagination politique. On est en train de se quereller sur des choses secondaires qui n’ont aucun sens et qui n’intéressent même pas les populations. Cela veut dire que les hommes politiques devaient se remettre en question et se dire qu’il est temps de dépasser ce débat stérile, ce débat de caniveaux et de s’inscrire dans une logique de réflexions crédibles pouvant permettre une certaine légitimation du politique. Cette situation à laquelle on assiste montre bien qu’il y a des efforts à faire à ce niveau.

Mais que pensez-vous de la posture d’Idrissa Seck qui est en train de s’agiter depuis un bon moment ?

Idrissa Seck s’agite mais, c’est une tempête dans un verre d’eau. Parce qu’il est seul. C’est lui seul qu’on entend parce qu’il a envie de se faire entendre pour vivre. Sinon, politiquement, il est oublié. Et il n’y a personne à côté qui puisse l’accompagner, qui puisse dire : il faut des projets de société, il faut que les gens se rendent compte pour dynamiser l’opposition, pour faire en sorte qu’elle revive de ses cendres et s’organise pour aller à la reconquête du pouvoir. Sinon, c’est une porte qui est ouverte pour que le président Macky Sall déroule tranquillement ses projets de société.

PAR ASSANE MBAYE

 

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