Publié le 14 Dec 2013 - 11:12
AN NEUF DE L’ASSASSINAT DE DEYDA HYDARA

 Il était une fois Deyda Hydara

 

Un meurtre odieux, un crime impuni. Doyen de la presse gambienne, Deyda Hydara a été une sorte de bouclier pour ses frères et confrères face à une dictature qui, le trouvant finalement trop encombrant, le tua en décembre 2004. Le monde de la presse refuse d’oublier et réclame que lumière soit faite.

 

Deyda Hydara, neuf années après, le crime reste impuni

Le temps passe, les interrogations demeurent. Dans la nuit du 16 décembre 2004, alors qu’il venait juste de sacrifier au bouclage de l’édition du lendemain du journal le Point, Deyda Hydara, doyen de la presse gambienne, a été abattu au volant de son véhicule. Trois balles dans la tête.

L'enquête, aux relents de mascarade, ouverte depuis, étale neuf années après toutes ses limites de faire la lumière sur ce meurtre. Une impasse à laquelle organisations de défense de la liberté d’expressions, journalistes et membres de la société civile entendent mettre fin, à travers une vaste mobilisation de commémoration prévue ce lundi à Dakar.

Principale artisane de cette manifestation, l’ONG Article 19 compte remettre le couteau dans cette plaie béante à la puanteur qui empeste encore l’air de la liberté d’expression en terre gambienne. ‘’Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’un combat pour lutter contre les violations systématiques des droits humains en Gambie et la banalisation de l’impunité’’, souligne la président du bureau Afrique de l’Ouest d’Article 19, Fatou Jagne Senghor.

Dans ce crime savamment orchestré, où toutes les pistes mènent à la présidence gambienne, tout semble fait pour que vérité n’éclate jamais. Le régime du président Jammeh n’avait jamais réussi à intimider le journaliste chevronné qu’était Deyda Hydara.

Âgé de 58 ans lorsqu’il a été tué, il a participé à l’éveil des consciences en Gambie et s'est fait remarquer par ses critiques contre les dérives du régime de Jammeh. Le coéditeur et Rédacteur en chef de l’hebdomadaire gambien «The Point»,a été, selon ses pairs, un journaliste engagé et un grand défenseur des droits de l’Homme.

Yayah Jammeh aux journalistes : ''Demandez à Deyda Haydara qui l’a tué''

L’assassinat de Deyda Hydara demeure un exemple de la répression que subit la presse gambienne. ‘’Nous sommes très inquiets de la situation actuelle dans ce pays’’, déclarait Léonard Vincent, à l'époque responsable du bureau Afrique de Reporters sans frontières (RSF). ‘’Nous assistons à des arrestations, des tortures et des détentions arbitraires et systématiques, à des fermetures illégales de bureaux de presse, et la presse indépendante vit dans un climat de terreur’’, ajoutait-il.

Car, la même année, plusieurs journalistes avaient été arrêtés. Le 8 juin 2009, lors d’une interview accordée au service de la télévision et de la radio gambienne, Yaya Jammeh déclarait que l’enquête sur le meurtre du journaliste n’avançait pas et qu’il suggérait aux journalistes intéressés de ’’demander à Deyda Haydara qui l’a tué’’.

Fatou Jagne Senghor : ‘’Tant que la lumière n’est pas faite...’’

Aujourd’hui, sa famille  a introduit un recours auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO. Selon Fatou Jagne Senghor, qui éditait la page française du journal de Deyda à l’époque, ‘’l’impunité dont bénéficient les meurtriers de Dayda est condamnable à tous les points de vue. Un effort sérieux n’a pas été fait par les autorités pour engager des poursuites, enquêter pour que la vérité éclate.

Ce qui est sûr, tant que la lumière n’est pas faite sur cette triste affaire, nous continuerons notre combat pour exiger la justice’’.  Ce qui est étonnant dans cette affaire, souligne Demba Jawo, compagnon de Deyda Hydara, c’est que ‘’l’enquête n’avance plus. Apparemment elle a été jetée aux oubliettes’’.

S’EXILER, SE TAIRE OU SE FAIRE EXÉCUTER

Après Deyda Hydara, la presse gambienne tombe dans une nuit sans fin

Son bras de fer contre le gouvernement gambien, sur la question de la Commission nationale des médias, a été un acte hautement déterminant. Finalement, le musellement de la presse gambienne a été consacré par   l’abrogation en 2004 de la loi nationale sur la presse (National Media Act) et l’adoption de la loi d’amendement au Code pénal qui élargit la définition de diffamation et la possibilité d’être accusé d’activités criminelles.

Dès lors, plus rien ne pouvait arrêter la machine répressive de Jammeh contre les journalistes qui se voient broyer un par un par une violence aveugle. En ligne de mire, les médias indépendants.

Deyda Hydara, vétéran de la presse gambienne, correspondant de l’Agence France presse (AFP), a été assassiné la nuit du jeudi 16 décembre 2004, vers 23 heures. Le Bouclier éliminé, le reste de la troupe est devenu vulnérable. A ce jour, des dizaines de journalistes ont quitté le pays, s’ils n’ont simplement pas subi des intimidations de toutes sortes.

Parmi eux, l’ancien rédacteur en chef du quotidien The independant Moussa Saidykhan, le Chief Ebrima Mané, journaliste au Daily Observer, qui avait disparu pendant 3 ans, Fatou Jaw Mané assignée à résidence, pendant 5 années, Ndèye Tapha Sosseh, ancienne présidente du syndicat de l’Union des journalistes gambiens, exilée à Bamako. La liste est loin d’être exhaustive

 

Amadou NDIAYE

 

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