Avant le sommet, le toilettage
La mairie de Dakar est en croisade contre les installations spontanées sur la voie publique. Les opérations de désencombrement ont commencé dimanche par le point le plus sensible, le marché Petersen et ses alentours. Les intéressés accusent le sommet de la francophonie, les autorités municipales évoquent une œuvre de salubrité publique.
‘’ Vous n'êtes pas sur un quai de livraison. Les patentes que vous payez ne vous autorisent pas à vous installer sur les trottoirs ‘’. Le maire de la Commune du Plateau, Alioune Ndoye, explique d'une voix calme les motifs des opérations de désencombrement de la voie publique aux commerçants de la rue Valmy. En face de lui le tenancier, un barbu grisonnant en djellaba gris lui oppose une résistance ferme mais polie. Las de ce débat de sourds, l'édile en tenue traditionnelle vert olive, tranche d'un ton sec : ‘’Si les agents de la mairie reviennent, ils vont prendre toutes vos marchandises’’.
La boutique aux lumières bleues tamisées, est bien achalandée, comme le sont pratiquement toutes celles qui se trouvent sur l'intersection de Petersen et de la rue Blaise Diagne. Les étals de friperies, Les plateaux des vendeuses de fruits, les grosses caisses débarquées par des camions tout aussi imposants, étouffent cette partie de la capitale, considérée d’ailleurs comme le quartier des affaires de la capitale sénégalaise. Une situation qui a poussé le maire à vouloir lutter contre les installations spontanées des vendeurs. ‘’ Tout le monde fuit Dakar. Le soir allez à Ngor, aux Almadies, et vous verrez que le Plateau se vide car on n'y met plus d'investissements ‘’ souligne M. Ndoye.
Dans la nuit du samedi 8 novembre, des agents de l'équipe municipale sont venus avertir les occupants que le lendemain, ils allaient procéder à leur déguerpissement. Chose faite le dimanche dans l'après-midi vers 16 heures. Le marché Petersen porte encore les stigmates du passage des ‘’déménageurs ‘’. Des baguettes de bois sont amassées dans les bennes des camions de la mairie, les emballages des marchandises jonchent le sol et forment par endroits, une véritable petite décharge. Les bris de verre cassé scintillent sous les rayons d'un soleil peu clément. Partout, de jeunes volontaires, chargés d'éviter le retour des marchands arborent fièrement des dossards vert fluorescent derrière lesquels sont floqués en écriture noire ‘’ commune de Dakar-plateau’’.
Sommet de la francophonie, le bouc émissaire
Les abords de la cathédrale de Dakar, de la zawiya, de la grande mosquée ; les quartiers de Mboth, Sandial, Diecko, Gouysalane, Niayes Thiocker, Yakhdieuf, etc., sont les cibles d'opération de désencombrement planifiées en 23 actions. Quid de leur timing ? Est ce le sommet de la francophonie qui se rapproche à grand pas ou juste une mesure conservatoire qui verra les vendeurs revenir quand la lassitude aura regagné l'équipe municipale ? M. Ndoye assure que les urgences de la Tabaski, ainsi que des travaux techniques de différentes commissions de la mairie expliquent le report. ‘’ Les gens sont sur la chaussée, la voie carrossable et pensent que payer la patente les y autorise’’, déclare-t-il. Mais, le délégué du marché Petersen, Dame Badiane, reproche au maire d'avoir posé un acte en dehors de tout cadre de concertation.
‘’ S'il nous avait contacté pour nous expliquer, nous aurions accepté de bonne foi. Mettre les gens devant le fait accompli en détruisant leurs biens est indigne d'un pays de justice comme le Sénégal’’, déplore-t-il, en ajustant sa casquette noire. L'impression que ce toilettage de la capitale est un miroir aux alouettes pour les invités du sommet de la francophonie est fortement ressentie par les victimes de ces opérations. Dans les décombres les intéressés dénoncent ce fait : ‘’ Il ne faut pas attendre que des hôtes viennent ici pour donner l'impression de travailler’’, déclare Momar Sarr qui se dit très surpris et affligé par les actes de l'équipe municipale. Les occupants disent ne pas avoir fait le bilan des pertes, mais la reconstruction d'un étal va leur revenir entre 200 et 250 mille FCFA.
‘’ ...Nous reviendrons ‘’
Les habitués des lieux ne s'y trompent guère. La circulation, piétonne et automobile, est fluide dans les allées Pape Gueye Fall, et dans la rue Valmy. Mais comme le ressac des vagues, les vendeurs sont déjà là, prêts à refluer au moindre signe de lassitude des autorités municipales. ‘’ Tôt ou tard, ils vont se fatiguer. Ils ne pourront pas toujours assurer la surveillance. A ce moment nous reviendrons ‘’. La bravade de Mor Diaw, jeune marchand ambulant bardé de bidules qui grésillent aux sons de la bande FM est une d'une probabilité qui ne surprend pas les riverains.
‘’ J'espère que cela va perdurer, c'est mon souhait. Mais ce n'est pas la première fois qu'on déguerpit les marchands et ils se sont toujours réinstallés ‘’, constate une habitante, amère, qui requiert l'anonymat. Le premier magistrat du Plateau promet qu'un suivi permanent sera apporté à ces opérations de désencombrement de la chaussée et des trottoirs dakarois. La présence des éléments de la Police, épaulés par de jeunes agents de la mairie semble conforter cet engagement du maire...pour l'instant.
Ousmane Laye DIOP (stagiaire)