Publié le 26 Jan 2017 - 03:36
PAP SAINE (JOURNALISTE CO-DRIECTEUR THE POINT)

‘‘Une nouvelle demande d’enquête sur la mort de Dayda Hydara sera introduite’’

 

Il a été là pendant les années de plomb qu’a subi le journalisme gambien dont le point d’orgue a été l’assassinat de son collègue Dayda Hydara. Le co-directeur du quotidien The Point esquisse ce qui devrait être les avantages de la presse avec le nouveau président.

 

Yahya Jammeh est  parti depuis maintenant quatre jours et on sent déjà la tutelle sur la presse se dissiper. Quelle sera la suite pour la liberté d’expression en Gambie ?

Tout dépend de Barrow et de son staff. Il a une bonne équipe composée de technocrates quand on sait que les 22 dernières années ont été celles de terreur, de détention des hommes, d’assassinats etc. Barrow va tourner la page et c’est tant mieux pour nous hommes des médias qui avions subi les pires difficultés avec l’ancien gouvernement. J’ai été personnellement emprisonné à maintes reprises ; on a assassiné mon collègue Dayda Hydara (Ndlr : Haidara). Pour le moment, son dossier n’a connu aucune avancée. Rien ! Avec les nouvelles autorités, nous allons introduire une nouvelle demande pour qu’il y ait enquête. On a travaillé dans une atmosphère vraiment lugubre parce que pour être journaliste, ou avoir une maison de presse, il fallait déposer ton propre titre foncier et apporter une simple caution de 10 000 F CFA. Et malgré toutes ces garanties, on pouvait aller en prison pour quinze ans, et payer une amende de 60 millions de F CFA le plus naturellement du monde.

Sous le régime de Jammeh, on n’a fait qu’accroître les répressions et accroître les punitions et les restrictions. De toute façon, l’Union des syndicats de journalistes va saisir le président pour lui exposer tous les problèmes. Adama Barrow a énormément de choses à faire surtout sur les questions des libertés et des droits humains. Les attentes sont peut-être trop grandes pour Barrow, mais c’est normal. Nous sommes un pays très sous-développé, ne disposant pratiquement pas de ressources. Le tourisme est l’un des rares secteurs qui fonctionne mais la saison touristique a été catastrophique avec ces troubles qu’on a traversés. On espère une aide de la communauté internationale pour un plan de relance de l’économie.

Beaucoup de personnes craignent des représailles sur les partisans de Jammeh. Pouvez-vous dire qu’il n’y aura pas de chasse aux sorcières ?

Il n’y en aura pas. Je ne crois pas que ce soit la meilleure des solutions, mais un tort incommensurable a été causé aux citoyens et à la nation gambienne. Il serait bon d’établir certaines commissions d’enquête ou de réconciliation. On doit vraiment savoir ce qu’il en est des avoirs de Jammeh. C’était un véritable commerçant. Il vendait tout : huile de palme, saumons, vaches. C’était même un marchand de sable et de pierres. C’est un homme d’affaires qui était aux manettes de l’Etat. Il y a également de graves accusations sur la mort de milliers de gens qu’on doit étudier qui pèsent sur lui. Il devra être éventuellement poursuivi. Il n’y a pas d’accord qui tienne.

Qu’est-ce qui a été déterminant dans l’issue de cette crise, les forces armées Cedeao (Ecomig) ou l’intervention du président guinéen Alpha Condé ?

Les Forces de la Cedeao ont été décisives. Elles étaient près de la frontière et avaient montré qu’elles étaient prêtes à entrer dans le pays. Elles avaient carte branche pour entrer et faire régner la voix, le choix du peuple gambien. En sentant que le dernier ultimatum, vendredi midi, n’était pas de la plaisanterie, Yahya Jammeh a vite fait d’inviter les présidents guinéen et mauritanien pour une dernière fois pour 72 heures. C’est une manœuvre qui a réussi.

OUSMANE LAYE DIOP (ENVOYE SPECIAL GAMBIE)

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