Publié le 17 Aug 2015 - 12:48
PR MOUHAMADOU MAOULOUD DIAKHATE, DIRECTEUR DE L’ECOLE DU PARTI DE L’AFP

‘’Gackou est en train de faire du saupoudrage politique à travers le pays’’

 

Mouhamadou Maouloud Diakhaté brise le silence. Dans cet entretien avec EnQuête, réalisé jeudi dernier, le directeur de l’école du parti de l’Alliance des forces du progrès (Afp) soutient mordicus que la substance de l’Afp est encore debout auprès de Moustapha Niasse. Car, selon l’enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint Louis, Malick Gackou fait dans le saupoudrage politique avec ses opérations de débauchage de responsables progressistes.

 

L’université d’été de l’Afp  s’ouvre le lundi 17 août (aujourd’hui) à Dakar. Depuis combien de temps organisez-vous ces genres d’activités dans votre parti ?

C’est la première édition. Je suis le responsable du centre de formation depuis à peu près un an. Cela va se dérouler à la permanence du parti à Sacré-Cœur les 17, 18 et 19 août 2015.

Donc l’école du parti est une nouvelle structure qui a été créée ?

Non c’est une structure qui existe depuis la naissance du parti mais qui fonctionnait avec quelques difficultés et il a fallu la reprendre et la redynamiser. C’est dans ce cadre que le secrétaire général et le CSA m’ont confié la direction.  

La situation au niveau de votre parti est confuse depuis un certain temps avec la sortie de Malick Gackou et plusieurs des cadres. Comment appréciez-vous cette situation ?

Je suis un militant de l’Afp depuis le début, en 1999. Je suis un militant discipliné qui suit les mots d’ordre de mon parti. J’ai pris librement la décision de lire l’appel du 16 juin et d’adhérer à ce parti. Comme tout parti politique, l’Afp est une association privée qui a ses structures, ses statuts, son règlement et son mode de fonctionnement et je m’y plie. Pour les camarades qui sont partis, effectivement, je regrette leur départ. Parce que fondamentalement, un parti politique ne peut pas être un repoussoir, il doit attirer du monde. On ne peut pas ne pas s’en désoler. Mais la raison qui est invoquée par le responsable du Grand parti n’est pas fondée. Nous avons décidé en bureau politique le 10 mars 2014 d’accompagner le président Macky Sall pour obtenir un second mandat. Ceci a été fait au bout de plus de huit heures de discussion du bureau politique, l’instance suprême du parti, et une décision a été prise par les camarades.

Mais est-ce que cette décision a fait l’unanimité ?

Il y avait eu plus de 60 intervenants et tout le monde était d’accord sur l’idée d’accompagner le président Macky Sall.

Malick Gackou était-il sur la même longueur d’onde que vous ?

Je le présume, parce qu’il a été dans le processus. Un ordre du jour, ça se prépare et Malick Gackou l’a certainement préparé lui-même. Il n’a pas posé une réserve en tout cas.  Peut-être qu’il ne s’était pas exprimé. Il a fallu qu’un long temps se déroule pour qu’on voie des velléités de revenir sur la décision du parti.

En décidant de mettre en veilleuse les ambitions politiques de l’Afp pour soutenir la candidature de Macky Sall, est ce que Niasse n’hypothèque pas l’avenir de votre parti et de certains de ses responsables qui sont encore jeunes ?

On a réussi ici au Sénégal à faire accepter que l’objectif d’un parti politique, c’est la conquête du pouvoir. C’est un objectif noble. Mais il n’est pas un impératif catégorique. Un parti politique définit sa stratégie en fonction de son contexte. Lorsque Moustapha Niasse a créé l’Afp, a lancé son fameux appel du 16 juin, beaucoup de personnes sont venues le retrouver pour l’accompagner dans ce qu’il a tracé comme perspective. Il a demandé le suffrage des Sénégalais à plusieurs reprises, ils ne les lui ont pas accordés. Nous avons pris partie à la victoire du président Macky Sall qui avait lancé son fameux slogan ‘’gagner ensemble et gouverner ensemble’’. Nous l’avons accompagné et Moustapha Niasse s’était retiré. Il n’était même pas inscrit sur les listes pour les élections législatives. Sur la liste majoritaire, il y avait le coordonnateur des cadres, Alioune Sarr. Le président Macky Sall et ses amis ont pensé que Moustapha Niasse devait rejoindre BBY et diriger la liste de cette coalition. Ce qu’il a accepté. Il a gagné haut la main et le président Macky Sall lui a confié l’Assemblée nationale.

N’avez-vous pas l’impression que Niasse a sacrifié les intérêts de son parti et de ses camarades au profit de ses propres intérêts ?

Non, les intérêts de Moustapha Niasse se confondent aux intérêts du parti. Lorsqu’il nous a convoqués à plusieurs séances de réunion, il nous a dit : ‘’J’ai accepté ce poste (Ndrl président de l’Assemblée nationale) parce que le Sénégal se trouve à la croisée des chemins et que nous devons relever beaucoup de défis. Le peuple fonde beaucoup d’espoir en cet attelage BBY. Donc il faudrait, pour l’intérêt supérieur du Sénégal, revoir nos ambitions à la baisse.’’ Moustapha Niasse nous a fait également comprendre qu’en tant que président de l’Assemblée, il est dans une chambre, une instance de validation de la politique du gouvernement.

Est-il donc sérieux d’accompagner le président Sall pendant quatre années et, au bout de la cinquième, lui dire que notre compagnonnage fut une entente cordiale, nous allons nous retirer et, pour les intérêts de notre parti, pas du Sénégal, nous allons vous combattre ? Nous allons dire aux populations que tout ce que nous avons fait, tout ce que nous avons validé depuis que nous sommes à la tête de cette institution, ce n’est absolument rien ? Pour mener une campagne, il faut proposer aux Sénégalais un projet nouveau de société alors que nous-mêmes avons validé le projet du président Macky Sall à travers le PSE. Moi, je pense qu’un parti politique doit fonctionner de façon stratégique, lire le contexte politique et se déterminer. Il n’est nulle part dans nos textes que nous devons présenter régulièrement un candidat.

Derrière Moustapha Niasse, il y a beaucoup de jeunes responsables dont Gackou, Alioune Sarr, Mbaye Dione et bien d’autres. En prenant une telle décision, est-ce que le leader de l’Afp a pensé à l’avenir politique de ces derniers ?

Votre question est pertinente dans la mesure où nous pensons qu’au niveau de l’Afp, lorsqu’on a répondu à l’appel de Moustapha Niasse, c’était pour faire de la politique autrement. C’était cela le leitmotiv, c'est-à-dire, mettre les intérêts du Sénégal devant ceux de tout militant de l’Afp. Vous avez cité Alioune Sarr, Mbaye Dione et Malick Gackou. Mais derrière eux, il y a une foultitude de cadres qui sont là et qui continuent d’accompagner Moustapha Niasse.

Est-ce que Gackou n’est pas aujourd’hui en train de faire le vide autour de lui ?

C’est justement à ce niveau que j’aurais aimé intervenir. Le Sénégal ne se compose pas uniquement d’une partie ou d’un groupe de personnes se réclamant du dirigeant du Gp à Guédiawaye, à Foundiougne ou à Kaffrine. Vous allez voir que bientôt à Linguère, le responsable des cadres du Gp qui est le Dr Bérouba Guissé va inviter Malick Gackou pour dire qu’il a vidé l’Afp de sa substance. Il en sera ainsi à Kédougou où son ami, le Pr Diawara va faire la même chose. Mais il est en train de faire du saupoudrage politique à travers le pays. Dès que ce problème s’est posé, l’écrasante majorité des délégations régionales et départementales de l’Afp a adressé au secrétaire général une motion de soutien à travers des déclarations qui ont été très peu relayées par la presse. Mais malheureusement, comme dans toute presse au monde, lorsqu’il y a quelque part des frictions,  il y a un parti pris pour celui qu’on pense être victime d’une injustice. Et c’est le cas de Malick Gackou. Mais l’écrasante majorité, la substance de l’Afp est encore là debout auprès de Niasse.

Cela ne semble pas se refléter sur le terrain où des responsables progressistes rallient le Gp comme cela s’est passé dans le Ndoucoumane avec Mata Sy Diallo. N’êtes-vous pas en train de perdre des militants de qualité ?

Je ne voudrais pas faire dans la politique politicienne. Il est vrai que Mata Sy Diallo est surnommée la Lionne du Ndoucoumane mais je rappelle qu’elle a perdu successivement deux fois des élections. Donc elle n’est pas majoritaire dans cet endroit. Mata Sy Diallo est un symbole mais elle n’est pas connue par la nouvelle génération. Demandez à un jeune qui est né en 1980 s’il connaît Mata Sy Diallo, il vous dira certainement non. Le nouveau leadership ne s’exerce pas à travers ces personnalités politiques, il s’exerce à travers des responsables qui sont du terroir, qui bougent pour l’Afp, qui sont d’éminents cadres politiques et intellectuels et qui drainent du monde. Mais malheureusement, l’Afp a été sclérosée parce qu’on a mis en avant ces personnalités qui se sont révélées de véritables éventails parce qu’elles nous ont fait perdre beaucoup d’élections. Vous allez à Guédiawaye, le leader du Gp n’est pas majoritaire.

Qui ? Malick Gackou ?

Oui lui. Posez-vous la question pourquoi il ne s’est pas présenté pour les élections locales.

Mais on vous pose la question ?

En tout cas personne ne l’a contraint à ne pas se présenter.

Moustapha Niasse ne lui a-t-il pas demandé de laisser Aliou Sall se présenter ?

 Pas du tout. Ce n’est pas le style de Moustapha Niasse. Gackou a pris sur lui-même la décision de ne pas se présenter. Avec toute l'amitié que je lui porte, il a été président du Conseil régional de Dakar et moi conseiller régional. Il a laissé le mandat pour aller dans le gouvernement occuper le poste de ministre des sports avant d’être muté à celui du Commerce. Mais depuis qu’il a quitté ce poste jusqu'à ce jour, moi-même membre du bureau politique, je ne connais pas sa motivation.

Ne s’est il pas expliqué devant les membres du bureau politique?

Il ne s'est jamais expliqué devant le bureau politique sur cette affaire.

N’a-t-il pas eu un différend avec Macky Sall ou avec un ministre de son gouvernement ?

Quoi qu’il en soit, nous sommes dans un parti politique, dans une instance où nous avons des intérêts communs. De ce point de vue, il aurait du venir s’expliquer devant le bureau politique pour au moins qu’une médiation soit entamée par Moustapha Niasse qui est la deuxième personnalité de l’Etat et composante forte de la coalition BBY. On pouvait trouver des solutions mais il a préféré jeter le tablier.

En réalité, est-ce que ce n’est pas le style de Management de Moustapha Niasse qui pose problème ?

Le style de Moustapha Niasse ne devait pas poser de problème particulier. Son style consiste à attendre son heure et à travailler. Nous sommes le parti politique qui s’est le plus et le mieux préparé à exercer le pouvoir. Nous avons un programme qui était extrêmement fouillé et étudié. Nous avons tenu régulièrement, tous les mardis, des coordinations. On travaille sur des thématiques. On a visité tous les domaines qui peuvent intéresser le gouvernement, de la politique sociale à la politique industrielle. C'est un parti où Moustapha Niasse nous a appris à travailler, à nous préparer et à attendre notre heure. Mais il y a des gens qui sont plus pressés que d'autres. Moi je suis dans l'Afp depuis le 19 décembre 1999. Et je peux prétendre à beaucoup de choses mais je crois en l'Afp, en la méthode de management de Moustapha Niasse. Tous ceux qui sont partis, je ne les qualifie pas de ‘’pouvoiristes’’, parce que ce serait insulter leur conviction, mais ce sont des gens qui sont plus pressés que les autres.

Votre camarade Mbaye Dione a aujourd’hui des démêlés avec la justice. Certains pensent que c’est sa proximité avec Malick Gackou qui a attiré sur lui les foudres des dirigeants de l’Afp. Qu’en est-il exactement ?

Il ne se passe rien entre Mbaye Dione et les dirigeants de l’Afp. Nous sommes des camarades de Mbaye Dione qui est un jeune frère qui a beaucoup de valeur. Il est constant dans ce qu'il fait, c’est un homme de conviction bien formé et c'est un politique qui a grandi sous l'aile de Moustapha Niasse. Je ne vois pas un membre de l'Afp comploter contre lui. D'ailleurs, à Thiès où on a tenu récemment une assemblée générale, Bouna Mouhamed Seck, le directeur de cabinet de Moustapha Niasse, a soutenu Mbaye Dione dans son épreuve. Moi-même je le soutiens dans son épreuve parce que c'est un camarade de parti. Donc si le parti se mettait à éliminer ses membres imminents, j'aurais eu peur et moi-même je n’y serais pas rester une minute.

PAR ASSANE MBAYE

 

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