La justice s’enrichit de 30 nouveaux magistrats issus de la promotion 2015-2017 du Centre de formation judiciaire (Cfj). Les 9, dont 4 femmes, nommés suppléants de deuxième échelon dans le ressort de la Cour d’appel de Dakar, ont prêté serment hier devant Demba Kandji, Premier président de ladite juridiction. Avant de recevoir leur serment, M. Kandji leur a prodigué des conseils sur l’importance de leur nouveau statut ainsi que de leur serment.

‘’Vous êtes dans une société en mutation qui s’affirme chaque jour comme une démocratie de plaideurs, de donneurs de leçons. Une société de paradoxes qui est prompt à judiciariser ses moindres conflits tout en affichant une grande méfiance à l’égard de sa justice. Voici, brièvement campé, le monde qui sera désormais le vôtre’’, a prévenu le ‘’vieux’’ magistrat à ses nouveaux jeunes collègues.

Et de poursuivre : ‘’Vos interlocuteurs viendront à vous seulement pour vous soumettre leurs échecs suite à des contrats mal ficelés, mal exécutés, des mariages malheureux, des commerces en faillite ou même des relations sociales défectueuses. Ils repartiront de vos offices déçus pour certains, heureux pour d’autres, selon qu’ils auront gagné. Les uns vous acclameront comme le juge infaillible que vous ne serez jamais. Les autres vous promettront les flammes de la Géhenne,  parce qu’ils n’ont pas obtenu la décision qu’ils escomptaient. Ce sera désormais votre judiciaire condition que vous tiendrez comme incompatible avec la recherche du bonheur chez les justiciables.’’

Poursuivant ses conseils, M. Kandji de lancer aux récipiendaires : ‘’Il en est ainsi parce que comme la loi, vous serez sans partie, sans passion. Dame Justice est suffisamment belle et attrayante pour que vous vous y engagiez. Mais, dans tout mariage, il y a des joies et des peines, et ce serment doit changer radicalement vos rapports avec vous-mêmes d’abord et avec votre entourage. Ensuite, il doit tout simplement changer votre vie’’. Pour finir ses conseils, le juge d’appel a fait savoir aux récipiendaires que leur serment va légitimer leurs activités et qu’ils doivent ‘’toujours affiner’’ leurs compétences et à ‘’se conduire dignes et loyaux’’. ‘’L’exercice de votre métier exige un rapport particulier avec le temps. Vous devez toujours affiner vos compétences dans ce contexte actuel et vous conduire en digne et loyal magistrat’’ a-t-il insisté.

 Quant au bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Mbaye Guèye, il a invité ‘’les récipiendaires à faire preuve de discrétion et de réserve dans un monde où toutes les valeurs sont en train d’être remises en cause’’. Et de poursuivre : ‘’Juger ses semblables est un honneur et un sacerdoce. Il ne s’agit pas de mettre en valeur votre personne, mais de mesurer toute la responsabilité de votre mission.’’ En d’autres termes, Me Guèye a exhorté les nouveaux magistrats à éviter les médias et à travailler dans la discrétion et rendre la justice dans la discrétion pour qu’on ne puisse pas, s’il le faut, dit-il,  ‘’mettre un  visage sur le nom du juge qui a rendu une décision’’.

 Le  procureur général près la Cour d’appel, Lansana Diaby Siby, a lui insisté sur l’humilité et la sérénité. ‘’Juger n’est pas un honneur ou une charge, mais c’est une exigence d’humilité permanente. Cette fonction difficile nécessite un engagement personnel et à chaque instant une veille éthique et déontologie’’, a-t-il soutenu. Avant de conclure : ‘’Vous devez, en toute circonstance, garder le recul et la sérénité pour prendre une décision, car être magistrat n’est pas une profession, mais un état d’esprit et un engagement perpétuel.’’