Yassine promet des réformes structurelles

C’est un truisme que de dire que les maux dont souffrent les personnes dans les lieux de détention sont, entre autres, la surpopulation carcérale, les maladies et les longues détentions. Des goulots d’étranglement qui asphyxient les prisons, et auxquels la ministre de la Justice a promis d’apporter des solutions pour une amélioration tangible.
Nommée il y a de cela quelques semaines, la ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a réservé sa première sortie officielle à la visite de la prison de Rebeuss. Yassine Fall a rappelé que la maison d’arrêt de Rebeuss, conçue pour accueillir au maximum 800 détenus, en héberge aujourd’hui plus de 3 000. Cette situation constitue, à ses yeux, une atteinte à la dignité humaine et un frein à l’efficacité de la politique pénale du Sénégal.
« Ce constat, je ne l’ai pas seulement fait aujourd’hui, il a été régulièrement établi et documenté par plusieurs organes de contrôle de l’administration : l’Inspection générale de l’Administration de la Justice, l’Autorité indépendante de contrôle des lieux de privation de liberté, ainsi que par des institutions internationales. Tous ont dénoncé cette surpopulation chronique et ses effets délétères. En ma qualité de ministre de la Justice, Garde des Sceaux, je tiens à rassurer l’ensemble des détenus, qu’ils soient en détention provisoire ou condamnés, sur l’engagement total de l’État à améliorer de manière tangible leurs conditions de détention », a-t-elle promis.
Avant de préciser qu’il ne s’agit pas d’une question de confort, mais d’un impératif de justice, d’humanité et de respect des engagements internationaux. Selon elle, il faut avoir le courage, la responsabilité et la lucidité de le dire : la situation actuelle est aussi la conséquence d’une « inaction prolongée ».
Depuis l’indépendance de notre pays, a déploré la ministre, aucune nouvelle prison n’a été construite, alors même que la population carcérale n’a cessé d’augmenter. L’ancien gouvernement avait pourtant prévu, dans le cadre du Programme de modernisation des jnfrastructures Judiciaires (Promij), la construction d’un établissement pénitentiaire d’une capacité de 2 500 places. Ce projet, malheureusement, n’a jamais été achevé et s’est transformé, selon elle, en un véritable « scandale » de prévarication sur fonds publics.
« Aujourd’hui, il est devenu urgent d’apporter des réponses concrètes, à la fois conjoncturelles et structurelles, à la surpopulation carcérale. C’est pourquoi, dans un souci de rupture, de pragmatisme et de réforme, je suis venue ici non seulement pour constater, mais aussi pour agir », a déclaré la ministre. Par ailleurs, elle a annoncé une série de mesures qui s’inscrivent dans une politique pénale plus humaine, plus efficace et plus conforme à nos valeurs. Elle a évoqué l’élargissement du recours aux alternatives aux poursuites et à l’incarcération, notamment pour les délits mineurs, en renforçant les mesures telles que la médiation pénale, le travail au bénéfice de la société ou encore le port du bracelet électronique ; l’aménagement systématique des peines, au moment du prononcé du jugement ou en cours d’exécution, chaque fois que cela est juridiquement et humainement possible, en particulier pour les détenus malades, âgés ou en fin de peine ; l’activation de la procédure de grâce présidentielle, dans le respect des principes de justice et d’équité, afin de désengorger rapidement les établissements pénitentiaires sur l’ensemble du territoire ; et la relance effective du programme de construction d’un nouvel établissement pénitentiaire moderne, sur la base d’un cahier des charges transparent et rigoureux, soumis à un suivi strict des autorités compétentes.
« Nous devons sortir d’une logique purement répressive pour entrer dans une ère de justice restauratrice et de réinsertion. C’est un devoir moral, une obligation juridique, mais aussi un signal fort envoyé aux Sénégalais et à la communauté internationale. Toutefois, je tiens à être parfaitement claire : si la justice doit être humaine et réparatrice, elle doit aussi rester ferme et sans complaisance face à la transgression des valeurs fondamentales de notre société. Ainsi, les crimes de sang, les atteintes graves à l’intégrité physique ou à la vie, ainsi que les actes de prévarication sur les deniers publics ne sauraient bénéficier d’aucune indulgence. La répression sera pleine, entière et assumée pour tous ceux qui bafouent les principes de justice, de probité et de sécurité qui fondent notre pacte républicain », a promis la Garde des Sceaux.
Elle a conclu en réaffirmant que la prison ne doit plus être un lieu de désespoir, mais un espace de réinsertion, d’espoir et de seconde chance.
CHEIKH THIAM