Publié le 10 Mar 2013 - 20:05
RARETÉ DE MARCHÉS, CRÉANCES NON RECOUVRÉES, TENSIONS DE TRÉSORERIE...

 Le grand blues des entrepreneurs (Business grippé)

A cause de la dette de l’État envers des entreprises nationales, impayée ou réglée dans des délais longs, une grande partie des PME et PMI vivotent au jour le jour, tournant à faible régime. Elles sont coincées entre absence de crédits face à des banques frileuses, et urgences déclarées comme les paiements de salaires. EnQuête vous livre le quotidien difficile des entrepreneurs.

 

 

''L’État est un mauvais payeur. C’est connu, mais pas au point de couler des entreprises nationales'', se désole H.A., propriétaire d’une PME (Petite et moyenne entreprise) qui fait dans l’électrification rurale et urbaine. Ce patron stressé ne dort plus du sommeil du juste depuis qu’il a introduit, il y a plus de 6 mois, au niveau du Trésor public, une facture pour paiement de services effectués. Les lenteurs et vérifications de tous ordres imposées par le nouveau régime bloquent ses activités.

 

Aujourd’hui, H.A. court derrière une dette impayée qu'il chiffre à plus de 500 millions de francs Cfa. ''Les travaux sont toujours supervisés, évalués et réceptionnés par des experts, ce qui fait qu’il n’y a pas de doute sur l’effectivité de la réalisation. Mais je ne sais pas pourquoi les choses traînent pour autant'', explique-t-il. ''Avec l’ancien régime, il y avait bien des lenteurs mais cela ne dépassait pas plus de trois mois'', constate avec amertume le patron d’entreprise. Ce qui lui fait dire que ''non seulement, il n’y a pas de nouveau marché, mais le recouvrement des créances prend plus de cinq mois au niveau du Trésor public.'' Pour payer ses employés et prestataires, une cinquantaine, H.A. a recours à sa banque, avec des inconvénients réels. ''On s’appuie sur les banques pour payer les salaires, mais les taux sont élevés et on risque de rembourser tout ce que l’on va gagner'', se lamente-t-il.

 

Le projet de l’électrification rurale a été bloqué du fait que la firme qui a gagné la première phase n’a pas respecté les termes de références de l’État. ''C’est ce qui a fait que l’État n’a pas encore démarré la deuxième phase'', confirme-t-il. Avant d’ajouter : ''Mais qu’on paye au moins les travaux réceptionnés en bonne et due forme.'' Reconnaissant que les budgets sont déjà votés, H.A. pense que l’État attend juste de recouvrer suffisamment d’argent au niveau des ''Impôts et domaines et de la Douane pour démarrer''.

 

Son collègue dans le business, C.D., n’est pas plus nanti. Lui qui peine à recouvrer plus de 540 millions F Cfa entre l’État et ses démembrements. Restaurateur professionnel, il tient un des plus grands palaces universitaires, et doit batailler fort avec son client, le Centre des œuvres universitaire de Dakar (COUD). ''Jusque-là, révèle une source proche de ce dossier, il n’arrive pas à entrer dans ses fonds.''

 

Coupe budgétaire de 46 %

 

Comme C.D., F.P. connaît les mêmes difficultés, même si sa dette impayée n'est qu'à hauteur de 100 millions de francs Cfa. ''Mon chiffre d’affaires a chuté comme beurre au soleil'', s’exclame-t-il, mélancolique. Analysant les facteurs explicatifs de cette nouvelle donne, cet opérateur économique renvoie au processus électoral passé. ''L’année 2011 a été une année préélectorale, et 2012 est une année hybride, ce qui fait que le pouvoir précédent était plutôt obsédé par le renouvellement de son mandat tandis que les nouveaux gèrent l’héritage de la dette'', expose-t-il. D'après lui, ce qui a aggravé la situation, ''c’est que le pouvoir de Macky Sall a opéré une coupe budgétaire de 46%, à l'origine d'une baisse drastique de la commande publique, entraînant de fait une baisse des chiffres d’affaires''.

 

Spécialisé dans la fourniture de consommables médicaux et dans les travaux de réhabilitation, F.P. se veut néanmoins réaliste. ''Tu ne travailles pas, tu ne recouvres pas et les impôts te tuent'', résume-t-il pour expliquer sa situation actuelle. Quid des salaires de son personnel fixe ? ''J’ai en charge une vingtaine de salariés. Je jongle avec la banque, mais c’est compliqué, car elle ne prend plus d’attestation de virement irrévocable. On a recourt aux garanties classiques qui consistent à gager le patrimoine'', confie-t-il.

 

''PME prête-nom pour des caciques de l'ancien régime''

 

Le secteur du matériel informatique et des services n'est pas mieux loti. L'entreprise de K.L. n'y respire pas non plus la bonne santé financière. ''On ne reçoit que de petites commandes, les marchés sont grippés'', se plaint-il. ''Il faut que les gens libèrent les marchés'', exhorte-t-il. Selon lui, la prudence du nouveau régime est défendable car il y a eu beaucoup de PME qui servaient de ''prête-nom aux caciques de l'ancien régime''. ''Je pense que c'est pourquoi le gouvernement met beaucoup plus de temps dans les procédures de vérifications et de lancement de nouveaux marchés'', suppose-t-il. Une information battue en brèche par la Direction centrale des marchés publics (DCMP) dont une source interne a soufflé à EnQuête : ''Au contraire, les appels d'offres foisonnent dans les journaux. Il est faux de dire qu'il n'y a pas de nouveaux marchés.''

 

Le nouveau code des impôts

 

Cependant, un fonctionnaire de la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE) se veut plutôt prudent. ''Eu égard à la particularité de 2012, sur le plan politique et économique, la commande publique a mis du temps à se faire. Car l'administration a tourné au ralenti. La prévision de la croissance était de 4 % et on l'a revue à 3,7 %'', indique-t-il. Il y a aussi la crise malienne et ses effets pervers. ''Le chiffre d'affaires des cimenteries a fortement baissé, car il est difficile aujourd'hui de convoyer du ciment au Mali et en même temps, les secteurs du BTP ne commandent pas assez du fait de la crise interne'', analyse-t-il. Il ajoute : ''Toutes les PME évoluant dans les secteurs du BTP sont très affectées par ce déficit de commande publique [auquel] s'ajoute un problème structurel lié à l'accès au financement des PME au niveau des banques.''

 

Abondant dans la même veine, Youssou Diop, directeur exécutif adjoint de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (CNES), confirme que les banques classiques rechignent à donner du crédit au PME. ''Ces structures financières, au lieu de nous accompagner, prétextent de la viabilité de nos états financiers, et même de nos activités pour refuser d'octroyer des crédits conséquents'', regrette-t-il. Amer, notre interlocuteur pronostique que le nouveau Code général des impôts, qui a porté l'impôt sur les sociétés de 25 à 30%, ne tardera pas à dérouler des imperfections et limites. ''Cette hausse de la fiscalité sur les sociétés pourrait constituer un frein à l'investissement et au développement des PME'', prédit-il.

 

PAR PIERRE BIRAME DIOH

 

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