Les enseignants alertent sur le protocole sanitaire
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Le protocole de sécurité sanitaire établi par le gouvernement, pour le démarrage de l’année scolaire 2020-2021 sous la pandémie de Covid-19, est ‘’clair, précis et pertinent’’. Cependant, il existe beaucoup de défis pour son application correcte, selon le secrétaire général du Syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal (Sudes). Amadou Diaouné s’exprimait hier, lors d’un atelier de pré-rentrée organisé par la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l'éducation publique (Cosydep).
Le protocole sanitaire élaboré par le gouvernement pour la reprise des cours concernant les 551 000 apprenants en classes d’examen, en juin dernier, a été ‘’clair, précis et pertinent’’, comme l’est celui qui est fait pour la rentrée prochaine. Cependant, les enseignants ont noté certains challenges face à la situation actuelle.
‘’On a eu à constater, pour l’essentiel, que ce sont les collectivités territoriales et les bonnes volontés qui ont financé les produits et autres moyens de son application. Il en a résulté de fortes disparités dans la dotation des établissements en moyens de prévention. Dans les écoles des communes de centres urbains, il y a eu parfois surabondance en masques, gels et kits d’hygiène, alors que dans celles de collectivités territoriales en zone rurale, il y a eu des déficits importants’’, relève le secrétaire général du Syndicat unitaire et démocratique des enseignants du Sénégal (Sudes).
Amadou Diaouné, par ailleurs Coordonnateur de l’Union syndicale pour une éducation de qualité (Useq) qui s’exprimait hier lors d’un atelier de pré-rentrée organisé par la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l'éducation publique (Cosydep), a indiqué que l’application intégrale de toutes les mesures édictées ‘’n’a pas eu lieu’’. ‘’Pire, le minimum n’a pu être respecté dans les établissements sans point d’eau et sans latrine.
En effet, le réseau scolaire comporte encore entre 20 et 30 % des établissements qui n’ont pas de point d’eau et de latrine (RNSE 2019). Une absence totale de partage d’informations de la part du ministère de l’Education nationale sur des cas de contamination d’apprenants et d’enseignants. S’il y en a eu, ces contaminations n’ont pas perturbé le déroulement des cours ; elles ont dû être bien gérées et vite maîtrisées.
A la différence de la première phase, celle à venir concerne près de 4 millions d’apprenants à prendre en charge’’, précise-t-il.
Le SG du Sudes reconnait que le Centre des opérations d’urgence sanitaire et le Comité national de gestion des épidémies ont fait un ‘’travail remarquable’’. Cependant, M. Diaouné note que le protocole est ‘’resté muet sur l’effectif à ne pas dépasser’’ dans une salle de classe, par respect pour la nécessaire distanciation physique. ‘’A cet égard, si le statu quo ante est maintenu, il y aura sans doute des risques élevés de contamination de masse dans de nombreux établissements des banlieues urbaines où les effectifs pléthoriques font légion. En conséquence, il semble indispensable d’indiquer le plafond des effectifs par classe et d’en tirer toutes les conséquences au plan de l’organisation des groupes pédagogiques’’, ajoute-t-il.
Par ailleurs, M. Diaouné estime que le financement conséquent de ce protocole sanitaire pour près de 4 millions d’apprenants pose ‘’certainement problème’’.
‘’En tout état de cause, les seules collectivités territoriales aux ressources limitées et les bonnes volontés sont loin de suffire pour couvrir les besoins. Le pouvoir central, c’est-à-dire le gouvernement, doit indiquer publiquement comment il compte assurer ce financement et selon quelles modalités garantissant la transparence et l’efficacité. Enfin, il faut noter que disposer d’un protocole sanitaire financé c’est bien, mais veiller à son application par les acteurs concernés est encore mieux’’, poursuit le syndicaliste.
A cet égard, il soutient que les enseignants doivent travailler à ‘’informer, sensibiliser et former’’ les élèves pour en faire des relais communautaires dans la lutte pour l’endiguement et pour l’éradication de la pandémie de Covid-19. Que M. Diaouné définit comme l’ensemble des mesures à mettre en œuvre pour assurer des enseignements-apprentissages de qualité. A cet effet, il porte sur la gestion du quantum horaire, les programmes scolaires et même son organisation pédagogique.
Sous ce rapport, il révèle que deux observations critiques sont à faire. ‘’Avec un seul mois incertain de cours, les élèves de classes intermédiaires de 2019-2020 sont sacrifiés sur l’autel de la pandémie. C’est grave pour l’avenir de tout le système éducatif. L’allégement et le recentrage des programmes scolaires sur l’essentiel semblent avoir été une mesure pertinente et courageuse. A la vérité, il est temps de déclarer haro sur l’encyclopédisme de l’essentiel de nos disciplines d’enseignement et de les adapter à nos réalités’’, dit-il. Pour ce faire, il trouve qu’il est temps que les pouvoirs publics accordent de l’importance au Projet d’appui à la réforme des curricula, pour permettre à cette structure hautement stratégique d’assurer la réforme attendue des programmes de façon cohérente et articulée du préscolaire à la terminale.
Une reconnaissance sociale et politique pour l’enseignant
Au-delà du respect du protocole sanitaire, le secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems), Abdoulaye Ndoye, affirme que l’enseignant qui est l’intrant qu’il faut ‘’former et motiver’’, qui a payé un ‘’lourd tribut’’ pendant cette pandémie, mérite une ‘’reconnaissance sociale et politique’’. ‘’Et la meilleure façon de rendre hommage à cet enseignant aujourd’hui, c’est de respecter les engagements souscrits dans le protocole en date du 30 avril 2018. Il s’agit de la question du système de rémunération qui fait l’objet d’une étude partagée entre le gouvernement et les partenaires que nous sommes. Cette étude a révélé qu’il y a des disparités, des dysfonctionnements, des iniquités dans le traitement salarial des agents de l’Etat. Ce qui reste maintenant, c’est de le corriger’’, défend M. Ndoye.
L’autre aspect, c’est, selon lui, les ‘’lenteurs administratives’’ qui ont fini de ‘’plomber’’ la carrière de beaucoup d’enseignants et qui ont impacté dans le paiement des rappels d’intégration, validation d’avancement. ‘’Mais aussi la question de la surimposition qui est pour nous une injustice faite aux enseignants. L’enseignant ne refuse pas de payer l’impôt, parce qu’on nous le coupe à la source. Ce que nous demandons, c’est que l’impôt soit équitable’’, fait-il savoir. Le SG du Cusems précise aussi que le reversement des maîtres d’éducation physique et sportive (MEPS) dans le corps des professeurs de collège, c’est une revendication qui date de 2007. ‘’La création du corps des administrateurs scolaires qui doivent être renforcés en gestion de budget, ressources humaines et en management, fait partie des préoccupations des enseignements. Il s’y ajoute le paiement à temps des remboursements indemnités d’examens dues aux enseignants. Donc, si nous voulons, cette année, avoir une année stable, il faut que les enseignants soient rassurés, motivés. Il faut que le gouvernement accepte une fois pour toutes d’apurer le passif social, de matérialiser tous les engagements contenus dans le protocole d’accord’’, soutient Abdoulaye Ndoye.
Pour sa part, le directeur exécutif de la Coalition des organisations en synergie pour la défense de l'éducation publique (Cosydep), Cheikh Mbow, a relevé qu’ils veulent, en tant qu’acteurs de la société civile, une ‘’anticipation intelligente’’ des conflits et une ‘’préparation optimale’’ de la prochaine rentrée scolaire. ‘’C’est important de réussir le concept ‘Ubi tay, Jang tay’. Parce qu’on est dans une année où on ne doit pas perdre une seule minute. Nous devons travailler à combler le gap pédagogique que nous avons constaté’’, dit-il.
Pour ce faire, il estime que l’année doit bien démarrer, que les acteurs doivent veiller à ce qu’elle se déroule de façon pacifique et un bon dénouement, en terminant l’année avec des résultats probants. ‘’Démarrons bien, déroulons bien et dénouons bien l’année scolaire’’, lance-t-il.
MARIAMA DIEME