Publié le 7 Aug 2012 - 18:50
RETARD DE LA PLÉNIÈRE DE L‘ASSEMBLÉE NATIONALE

 L’opposition boycotte les travaux, la majorité s'explique

 

Convoquée à 10h, la plénière pour ratifier les commissions permanentes dans la nouvelle Assemblée nationale ont été reportées à demain mercredi. La faute à la longueur et à l'âpreté des conciliabules dans la majorité présidentielle.

 

Modou Diagne Fada n’en peut plus d’attendre. Le président du groupe parlementaire des Libéraux et démocrates n’arrête pas de faire des va-et-vient entre l’hémicycle et la salle où se tient le huis clos du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY). Il est 14 h 00. La plénière de l’Assemblée nationale convoquée à 10 h pour entériner les commissions permanentes n’a toujours pas démarré. La fatigue et l’énervement gagnent les quelques députés libéraux présents et non inscrits, seuls dans l’hémicycle. «S’ils (les députés de la majorité) ne viennent pas jusqu’à 14h30, nous allons partir», avertit Modou Diagne Fada, emmitouflé dans un boubou marron.

 

Dans son coin, Djibo Kâ rouspète. Souleymane Ndéné Ndiaye vérifie le compte à rebours. A 14H30, l’ex-Premier ministre quitte la salle, suivi de ses collègues et des députés non inscrits. Les journalistes accourent vers le hall de l’Assemblée pour recueillir leurs réactions. Des députés de la majorité sortent pour les en dissuader. Inutile. «Nous avons fait suffisamment preuve de patience...», lance-t-il avant de s’engouffrer dans une rutilante 4x4 Mercedes grise. Son collègue Djibo Kâ quitte lui aussi l’hémicycle pour «marquer le coup» et «protester» contre le «manque de respect» dont font montre les députés de BBY. Ces derniers, il les compare à un «gëtt» (enclos). «Il y a là-bas, des moutons, des chèvres, etc.», caricature-t-il, sans doute pour montrer le caractère hétéroclite de la majorité présidentielle.

 

«Avant l'heure, ce n'est pas l'heure ; après l'heure, ce n'est plus l'heure»

 

La député Seynabou Wade, elle, prend au mot la majorité parlementaire et son «Assemblée de rupture». «Ils ont passé tout leur temps à critiquer les gens. La rupture, c’est la rupture !», dit-elle. Mais lorsque cette rupture devient «régressive», Modou Diagne Fada la récuse. «Avant l’heure ce n’est pas l'heure ; après l’heure, ce n’est plus l’heure», rappelle-t-il. Le maire de Fass-Gueule Tapée-Colobane juge la situation d’autant plus impardonnable qu’«il y a assez de personnel compétent» à l’Assemblée pour aider à aller vite. «Le secrétaire général est là pour nous accompagner», renseigne ce député qui capitalise deux législatures. Sokhna Dieng Mbacké, non-inscrit du Parti de la vérité pour le développement(PVD) considère les députés de BBY comme des «bleus». A peine a-t-elle terminé que Me Aïssata Tall Sall débarque et tente de «raisonner» ses collègues députés. «Faut pas boycotter (les travaux), vous êtes des députés du peuple», dit-elle. En vain.

 

Unis pour la circonstance, les députés de l’opposition quittent l’Assemblée nationale avec le sentiment d’avoir réussi un coup médiatique. «Toute la presse va faire la une sur le boycott», se désole un député de BBY, impuissant devant les événements. «On avait tout le temps de mettre sur pied les commissions, pourquoi attendre aujourd’hui pour le faire ?», se demande notre interlocuteur. Qui donne les raisons de ce retard : «Il y a des députés qui se plaignent de n’avoir pas entendu leur nom. Ce sont surtout les femmes illettrées qui disputent les postes.»

 

Il est 15 h. L’hémicycle est quasi-vide. Seules Me Aïssata Tall Sall et Hélène Tine sont présentes. Elles manipulent leur téléphone portable. Pendant ce temps, le huis clos se poursuit. Le rythme est apparemment insoutenable. Des députés sortent, soit pour aller prier, soit pour se dégourdir les jambes. Soudain, Me El Hadji Diouf déboule. Vêtu d’un grand boubou brodé, il se dirige à l’intérieur de la salle. Mais il est interpellé et briefé sur le boycott de l’opposition. Sans hésiter, l’avocat politicien choisit son camp. «C’est inquiétant pour un début, dit-il. Il y a des gens qui pensent qu’au niveau des commissions, c’est le partage de gâteau». Ce qui est loin d’être le cas, selon Me El Hadji Diouf. «Vous allez voir, il n'y aura personne quand les choses vont démarrer. Il n’y aura que de vaillants députés qui feront un travail critique, scientifique».

 

17 heures passées. Les parlementaires de la majorité sortent un à un. Une dizaine de minutes plus tard, le président de leur groupe, Moustapha Diakhaté et Katy Cissé Wone se dirigent vers les journalistes et présentent leurs excuses. Cela dit, Diakhaté justifie le retard. «Nous sommes un groupe de 127 députés et dans le partage des responsabilités, on doit tenir compte de tous les équilibres», dit-il. «Le Sénégal, c’est des hommes et des femmes, des départements, des régions, des ethnies et des confessions. Or, nous, nous avons l’obligation de faire en sorte que le Sénégal soit reflété dans le bureau, dans les commissions.». La ratification des commissions a été fixée à demain mercredi.

 

DAOUDA GBAYA

 

 

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