Macky Sall et Charles Michel jettent les bases des négociations
Etablir ensemble les bases d'un partenariat ‘’renouvelé’’ entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE). C’est ce que recherchent les dirigeants des deux parties, avec la tenue du Sommet UA-UE qui s’ouvre aujourd’hui, à Bruxelles. Pour y parvenir, le président de l’UA, par ailleurs Chef de l’Etat sénégalais, Macky Sall, et celui du Conseil européen, Charles Michel, comptent mettre l’accent sur la paix et la sécurité, le partenariat, la santé, etc.
Ces 17 et 18 février, les chefs d'État ou de gouvernement de l'Union africaine et de l'Union européenne se réuniront en sommet à Bruxelles. Le dernier Sommet UA-UE s'est tenu, il y a plus de quatre ans, en novembre 2017, à Abidjan. Dans une tribune conjointe du président du Sénégal Macky Sall et du président du Conseil européen Charles Michel, publiée hier par le chef de l’Etat sénégalais sur Twitter, il est rappelé que la pandémie est l'une des raisons qui expliquent le temps qui s'est écoulé depuis leur dernière rencontre. ‘’Sa survenue renforce d'autant plus la dimension exceptionnelle que nous voulons, de part et d'autre, donner à ce sommet. L'objectif n'est rien d’autre que d'établir ensemble les bases d'un partenariat renouvelé entre nos deux continents, un nouvel élan dont l'idée est en gestation depuis un certain temps déjà. La croissance, la prospérité partagée et la stabilité sont les grands objectifs de ce partenariat. Notre sommet reposera sur deux principes fondateurs’’, expliquent-ils.
Aujourd’hui, pour donner un nouveau visage à leur coopération, les deux dirigeants ont indiqué dans leur texte que la stabilité socio-politique reste primordiale. ‘’Nos deux continents et leurs peuples partagent une proximité géographique, des langues et des liens humains et économiques. La paix et la sécurité de nos deux continents sont interdépendantes. Voilà pourquoi le premier principe fondateur doit être le respect. Le futur nous demande d'accepter et de respecter nos différences. Le second principe fondateur, ce sont les droits et les valeurs que sont la dignité, la liberté et la solidarité, exercés dans le cadre de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance. Sur ce terrain commun, nous pouvons chaque jour apprendre les uns des autres. Enfin, notre projet repose sur des intérêts communs. Une Afrique prospère, stable, sûre et durable, en pleine possession de ses moyens pour affronter tous les défis de l'avenir en est le cœur’’, lit-on dans le document.
D’après les deux présidents, leur partenariat ‘’renforcé’’ mettra la paix et la sécurité au cœur de ses priorités. Car les menaces sont de plus en plus transnationales et de plus en plus complexes. ‘’Nous y sommes tous confrontés, quelles que soient leurs formes, y compris les cyberattaques et les attaques hybrides. Ces menaces communes nous appellent à continuer à y faire face ensemble, y compris en Afrique, en particulier dans la lutte contre le terrorisme. Il nous faut poursuivre ensemble la réflexion, sous l'égide de l'Union africaine et de l'Union européenne, pour une meilleure coordination de nos efforts dans cette lutte solidaire contre un ennemi commun. Faire face à ce défi majeur requiert de partir des causes profondes, l'instabilité et la radicalisation, pour aller jusqu'à la résolution durable des crises et à la construction d'une paix réelle et durable’’, disent-ils dans leur tribune.
Le président de l’UA et celui du Conseil européen ont souligné que dans le monde, les risques de confrontation entre blocs grandissent. Face à cette tendance inquiétante, ils ont la conviction que l'Afrique et l'Europe peuvent ‘’travailler ensemble’’ à l'avènement d'un ‘’monde meilleur et plus sûr pour tous’’. Ceci, en privilégiant le dialogue et la coopération dans le respect mutuel. ‘’C'est dans cet esprit et avec ces objectifs que nous nous apprêtons, Africains et Européens, à nous retrousser les manches pour travailler à un avenir commun enthousiasmant. (…) Chacun de nos deux continents dispose de possibilités gigantesques à mettre au profit de ce projet commun. L'UE apportera des capacités d'investissements publics et privés, ainsi qu'un savoir-faire en matière d'infrastructures et de technologies vertes, qui sont essentielles pour notre combat commun contre le changement climatique et la transformation des économies africaines’’, poursuivent-ils.
Appel en faveur d'une transition énergétique ‘’juste et équitable’’
L'Afrique disposant d'importantes ressources naturelles, d'une population jeune et dynamique qui ne demande qu'à être mobilisée, et de capacités d'innovation et d'inventivité impressionnantes, Macky Sall et Charles Michel reconnaissent qu’elle a aussi besoin ‘’d'un meilleur accès’’ aux ressources. Il s’agit notamment de la réallocation des droits de tirage spéciaux (DTS) sur une base volontaire, pour financer ses énormes besoins de développement économique et social.
‘’Dans le même esprit, une initiative pour l'allègement de la dette des pays pauvres est souhaitable pour soutenir les efforts de résilience et de relance des pays africains. Nous lançons également un appel en faveur d'une transition énergétique juste et équitable tenant compte des besoins spécifiques de l'Afrique, notamment pour son industrialisation et l'accès universel à l'électricité. Nous rappelons que plus de 600 millions d'Africains restent encore sans accès à l'électricité’’, font-ils savoir.
La pandémie ayant mis en évidence leurs vulnérabilités communes, leur interdépendance, les deux parties estiment donc nécessaire d'agir ensemble et de façon concertée pour y faire face et mieux se préparer aux éventuelles crises sanitaires dans le futur. ‘’La lutte contre la Covid-19 reste une priorité immédiate. L'Europe s'est investie depuis le début pour organiser et financer la solidarité internationale en matière de vaccins, en particulier au travers de l'Initiative Covax. L'UE et ses États membres ont à ce jour donné près de 400 millions de doses dans le monde entier, dont plus de 85 % via Covax’’, poursuivent-ils.
Avec près de 130 millions de doses livrées à l'Afrique, il est relevé dans le texte que l'UE est l'un des ‘’plus grands donateurs’’ sur le continent. L'UE renforce aussi son soutien pour l'administration des doses, car avec l'augmentation de l'approvisionnement, le plus grand défi sera la mise en place des plans vaccinaux. ‘’Au-delà de la solidarité relative au don de vaccins, le défi que nous devons relever ensemble est aussi celui de la production de vaccins et d'autres produits médicaux et pharmaceutiques en Afrique, pour satisfaire les besoins essentiels du continent. Nous saluons et soutenons les projets déjà en cours sur le continent. L'essentiel est d'adopter une approche concrète : identifier les obstacles, les freins aux livraisons, au stockage et à l'administration des doses, et y remédier, ainsi que, bien sûr, accélérer la mise en place des capacités locales de production des vaccins en Afrique, par l'Afrique et pour l'Afrique’’, affirment Macky Sall et Charles Michel.
Enfin, le président de l’UA et celui du Conseil européen soutiennent qu’ils sont convaincus que la solidarité internationale en matière de pandémies et de grandes crises sanitaires doit être ‘’organisée’’ de manière globale, multisectorielle et inclusive. ‘’Nous avons lancé et activement promu l'idée d'un traité international sur les pandémies. Ces efforts conjoints des Européens et des Africains ont abouti à la décision récente de l'Assemblée mondiale de la santé d'ouvrir les négociations sur ce projet de traité, dont la conclusion est prévue pour mars 2024’’, soulignent-ils.
Il convient de souligner qu’à la fin des travaux de ce sommet, une déclaration conjointe sur une vision commune à l’horizon 2030 sera adoptée.
228 milliards F CFA d’aide au développement alloués au Sénégal
En dehors des relations entre l’UA et l’UE, la coopération bilatérale entre le Sénégal et l’Union européenne sera également au menu des échanges, durant ce sommet. A ce propos, le Bureau d’information gouvernementale du Sénégal a relevé, dans un document de presse transmis hier à ‘’EnQuête’’, que les relations entre le Sénégal, l’UE et ses Etats membres sont entretenues par un dialogue ‘’politique régulier’’ prévu par l’article 8 de l’Accord de Cotonou. ‘’Entre 2014 et 2020, le montant de l’aide au développement européenne au titre du Fonds européen de développement (Fed) était de 347 M€ (soit environ 228 milliards F CFA). Les trois secteurs prioritaires de cette aide concernent la gouvernance démocratique, le développement agricole durable et la sécurité alimentaire et l’accès à l’eau et à l’assainissement. En 2021, le Fed a été remplacé par le NDICI (Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale de l’UE), doté de 79,5 Mds € sur sept ans (2021-2027)’’, rapporte le document.
Dans le contexte de relance post-Covid, selon la même source, les relations entre le Sénégal et l’Union européenne ont été renforcées. ‘’L’UE s’est mobilisée en faveur de l’accès aux vaccins contre la Covid-19 sur le continent africain et soutient particulièrement le projet Madiba (Manufacturing in Africa for Disease Immunization and Building Autonomyn) de l’Institut Pasteur de Dakar (IPD). A travers ledit projet, l’IPD va permettre au Sénégal d’effectuer un grand bond vers la souveraineté sanitaire telle que déclinée dans le PAP2A (Plan d'actions prioritaires ajusté et accéléré), avec la production de ses premiers vaccins, d’ici le mois de juin 2022. L’objectif est de fabriquer chaque année jusqu’à 300 millions de doses de vaccin contre la Covid-19 qui seront utilisées sur tout le continent africain’’, rappelle le dossier de presse de la présidence.