Lamine Diack charge Mimi Touré et la menace d’une plainte
Au début, ça devait être une attaque contre un adversaire politique, mais à l’arrivée, il y a eu des dégâts collatéraux, comme diraient les militaires. La ‘’balle’’ des cadres républicains de Dakar destinée à Khalifa Sall a durement atteint Lamine Diack. A travers une lettre ouverte datée d’hier et adressée à Aminata Touré, les avocats de ce dernier ont riposté et menacent de porter plainte.
‘’En matière d'éthique et de morale, Khalifa Sall devrait faire davantage dans la discrétion, ces temps-ci. Faut-il rappeler qu'il a été le seul politicien à avoir été cité par Lamine Diack comme bénéficiaire de l'argent de la drogue de l'athlétisme international.’’ En tenant de tels propos dans un communiqué de la semaine dernière, Aminata Touré et les cadres républicains de Dakar pensaient sans doute s’attaquer uniquement à un adversaire politique. Ainsi, ils ajoutaient que le socialiste, maire de la ville de Dakar, devrait “répondre aux enquêteurs français sur l'utilisation des produits des activités de corruption de Lamine Diack qui fut son parrain politique à Dakar”.
En relisant leur texte, les républicains auraient sans doute relevé que l’ancien patron de l’IAAF y est durement chargé. Ainsi, le contenu du texte n’est pas passé inaperçu et semble même être resté en travers de la gorge de l’ancien sportif sénégalais de renom. Lamine Diack a réagi à travers une lettre ouverte de ses avocats adressée à Aminata Touré qui est d’ailleurs menacée de plainte. Les conseils du champion en athlétisme, à travers une correspondance datée d’hier, se disent indignés des propos de l’ancien premier ministre mettant gravement en cause Lamine Diack.
‘’Nous nous refusons de croire que vous ayez pu, avec autant de légèreté, céder à une telle infamie. Que vous soyez en lutte avec un adversaire politique est banal. Le fait que vos échanges soient rudes peut se comprendre. (Mais) impliquer monsieur Lamine Diack à des polémiques auxquelles il est étranger est inadmissible. Le faire avec l’outrance qui suinte des propos visés relève de l’avanie’’, contre-attaquent les avocats.
D’après Mes Daouda Diop, Christian Charrière-Bournazel et Alexandre Varaut (le premier au barreau de Reims et les deux derniers à Paris), Lamine Diack n’a jamais eu d’argent sale. Ainsi, ils rappellent à Mimi Touré que l’ancien ministre de la justice qu’elle est ne saurait s’affranchir de la présomption d’innocence. Sa position devrait lui interdire de ‘’s’arroger le droit d’accuser sans preuve, sans mesure, sans nuance, et de condamner sans appel’’.
Les avocats semblent d’autant plus surpris que depuis le début de l’affaire, ils disent avoir noté que la classe politique sénégalaise a apporté soutien, solidarité et compassion au père de Pape Massata Diack. A défaut, les acteurs politiques se sont montrés modérés et ont appelé à la retenue et à l’expression de la justice. Mieux encore, le premier ministre Mahammed Dionne a exprimé la position de l’Etat sénégalais à l’Assemblée nationale. De ce fait, les robes noires disent ne pas comprendre ‘’la violence irrespectueuse des propos contre monsieur Lamine Diack’’.
‘’Si vous ne démentez pas en être l’auteure…’’
Même si les avocats ont refusé de répondre à Mimi Touré sur le même ton, ils ont tenu quand même à lui faire remarquer trois manquements de sa part. Le premier est, selon eux, l’éthique républicaine et la solidarité gouvernementale. A leur avis, ces deux principes interdisent ‘’qu’un conseiller s’exprime à rebours de la position officielle annoncée par le chef du gouvernement devant la représentation nationale’’.
Le deuxième est relatif à l’éthique de justice qui commande à tous, en particulier un ancien ministre de la justice, de respecter la présomption d’innocence. Le troisième et dernier fait référence ‘’aux valeurs sénégalaises de bienséance et de savoir-vivre’’. Pour eux, les propos proférés sont sans égard ni respect pour l’âge de monsieur Diack et ce qu’il représente pour le Sénégal. Ainsi, les avocats mettent en garde Mimi en des termes précis. ‘’Si vous ne démentez pas en être l’auteure, nous considérerons que vous en assumez l’entière responsabilité telle qu’elle (accusation) est rapportée et y attacherons les conséquences qu’elle appelle’’, préviennent-ils. En langage moins imagée, cela s’appelle une traduction devant la justice.
BABACAR WILLANE