Publié le 17 Mar 2017 - 01:30
SORTIES MEDIATIQUES DE POLITIQUES

Les arguments de la déraison

 

En politique, les sentiments sont maniés aussi bien que les idées, l’argent, et le pouvoir. Si le logos fait appel à l’intellect de l’opinion, le pathos joue principalement sur son affect. Authentiques, prémédités, incontrôlés, ces pleurs et saillies resteront dans les annales du champ politique.

 

Khalifa Sall surprend son monde

Ceux qui ont regardé la télé ou écouté la radio, ce dimanche 5 mars 2017, ont bien dû se demander s’ils n’avaient pas la berlue ; si Khalifa Sall ne souffrait pas d’un dédoublement de personnalité. Le très pondéré maire de Dakar, d’habitude maître de soi, craque après que les éléments d’une procédure judiciaire convergent vers son mandat de dépôt. Les appréhensions maternelles entament son flegme. ‘‘Je sais que ma famille a été choquée. Je sais  que mes amis ont été choqués... (pleurs). Je suis désolé. C’est un moment de faiblesse, je l’accepte.

Ça n’arrive pas souvent. Il se trouve que ce  matin, c’est ma maman malade (Il coupe encore). Elle m’a dit : ‘‘j’espère que ce qu’ils disent, tu ne l’as pas fait ?’’ s’est laissé aller l’édile de la capitale. Une première émotionnelle en direct qui en a touché plus d’un, ajoutée au fait que le guide religieux Serigne Moustapha Sy Al Maktoum a pris fait et cause pour Khalifa. Authentique ou pas, le natif de Grand-Yoff a réussi un coup de com’ du tonnerre, tellement assourdissant que des responsables de la mouvance présidentielle ont tenté d’endiguer le jour même. Mise au placard d’un adversaire politique ou nécessité de reddition des comptes ? 24 heures après sa conférence de presse conjuratoire, le maire de Dakar séjourne à la prison de Rebeuss pour détournements de deniers publics, recel de deniers publics,  escroquerie portant les deniers publics, et association de malfaiteurs.

Idrissa Seck inonde la RFM

Que n’a-t-on entendu de commentaires désobligeants sur les chaudes larmes versées par Idrissa Seck ! Dans un face-à-face avec les journalistes du groupe futurs médias (Gfm), à la radio du siège plus précisément.  Il  faut dire que cette sortie médiatisée a été savamment bien calculée pour s’accaparer l’agenda médiatique. Le 25 mars 2013. Cela ne vous dit rien ? C’était la veille du premier anniversaire de la deuxième Alternance qui d’ailleurs a été noyé par la flotte d’Idy. ‘‘J’ai encore le souvenir frais de ma fille qui avait 5 ou 6 ans venue s’enlacer contre moi en me demandant : ‘‘qu’est-ce qui se passe papa ?’’ Je rends grâce à des amis, de vrais ceux-là, qui ont veillé à ce que cette famille ne manque de rien... (pleurs)... jusqu’aux cadeaux de noël’’. Le fils putatif d’Abdoulaye Wade s’est alors remémoré les traitements ‘‘avilissants’’ dont il a été victime de la part du régime libéral depuis que la rumeur a prêté à Karim Wade l’ambition de devenir président de la République.

Abdoul Mbaye : le banquier n’était pas une banquise

En apparence, il semble distant, introverti. En apparence seulement, puisque sa réaction, en avril 2016, sur la sortie d’un livre d’une écrivaine tunisienne blasphémant contre le Prophète de l’Islam, a fait découvrir le côté sensible d’Abdoul Mbaye. ‘‘La véritable intolérance est celle qui insulte la croyance d’autrui. On peut être critique et on l’accepte, mais insulter nos croyances, notre prophète, cela, on ne l’accepte pas », a-t-il déclaré en larmes au sortir de la prière de vendredi. Venu répondre à l’invitation du secrétaire exécutif de l’ONG Jamra,  l’imam Massamba Diop, le premier Premier ministre de la deuxième Alternance n’avait pas manqué de souligner le rôle qu’il a joué en amont pour la non-publication de ce livre au Sénégal. 

Moustapha Niasse et les ‘‘salopards’’ de l’Afp 

Le président de l’Assemblée nationale n’a pas pleuré. Il a disjoncté. Pas connu pour être un adepte du trash-talking comme son homonyme et collègue ‘‘el pistolero’’, il n’empêche qu’il a aussi craqué verbalement. ‘‘Nous travaillons main dans la main avec le Président Macky Sall. Aucun djinn, aucun imbécile, aucun salopard, aucun ambitieux ne peut constituer un obstacle’’, s’était emporté l’actuel président de l’Assemblée nationale en janvier 2015. Excédé par les courants contestataires de son parti Alliance des Forces de progrès (Afp) qui subodorait une vassalisation à l’Apr, l’homme de juin 1999  part en vrille, dans une déclaration en wolof, lors d’une cérémonie de présentation de vœux. Hué par une partie des jeunesses d’Afp et applaudi par une autre, Moustapha Niasse a lavé l’affront deux mois plus tard en excluant le numéro 2 du parti, Malick Gakou, soupçonné d’être à l’origine de ces dissensions, qui fondera lui-même  sa formation politique, le Grand parti, deux mois après en mai 2015. 

Abdoulaye Wade, petitement

Acculé, aux abois, frustré, énervé, courroucé, le précédent président de la République Abdoulaye Wade pète littéralement un câble, en février 2015, à un mois du verdict de son fils dans une affaire d’enrichissement illicite et de corruption. Sans doute l’une des plus grandes illustrations du politiquement incorrect de la part d’un chef d’Etat. Envers son successeur de surcroît. Devant la presse à Fann, il s’en est pris à l’ascendance du Président Macky Sall de manière violente, la traitant notamment ‘‘d’esclaves’’. Des propos malheureux sans conséquences puisque de l’autre côté, on n’a pas jugé utile de répondre.

OUSMANE LAYE DIOP

 

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