TRAQUE DES BIENS MAL ACQUIS
Bibo Bourgi cuisiné pendant plusieurs heures
On s'achemine doucement mais sûrement vers l'épilogue de l'affaire Karim Wade. Alors que ses proches, parents et avocats s'activent pour le tirer d'affaire, la Crei continue d'instruire une affaire qui promet de chaudes empoignades. Hier, Aboukhalil dit Bibo Bourgi a longuement été entendu.
Comme annoncé par EnQuête, la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI) a décidé de donner un coup d'accélérateur au dossier Karim Wade. Hier, Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi a, une fois de plus, été entendu dans le fond du dossier pour lequel il est poursuivi, depuis que Karim Wade a été inculpé une deuxième fois, après une mise en demeure portant sur 99 milliards de francs Cfa.
De 10 h du matin, il a été entendu jusque tard dans la nuit. Bibo Bourgi est soupçonné d'être un prête-nom de Karim Wade dans le montage de sociétés à l'aéroport Lépold Sédar Senghor dont Aviation Handling Service (AHS) qui a été placée sous administration judiciaire.
Dans cette affaire, des comptes bancaires ouverts dans la Principauté de Monaco, ''paradis fiscal'', ont été bloqués par l’État du Sénégal et placés sous séquestre. Ces comptes appartiennent à Bourgi et à un de ses frères, mais aussi à Pape Mamadou Pouye également inculpé par la Crei.
Si l'audition est allée au-delà de 22h, c'est parce que la cour de répression de l'enrichissement illicite considère qu'il est un personnage clé. Une sorte de clé de voûte du mystère Karim Wade. Au-delà même des réquisitions à l'étranger, les enquêteurs considèrent que démêler l'écheveau des relations entre les deux hommes est fondamental dans cette affaire. En effet, les juges ont, dit-on, produit un document de plus de 100 pages qui regroupe leurs conclusions dans cette affaire. Une sorte de mise en accusation.
Mais, l'homme d'affaires a jusqu'ici réfuté d'être un simple homme de l'ex-ministre de la Coopération internationale, en arguant qu'il est issu d'une famille financièrement bien assise. Et qu'il mène des activités diverses depuis des dizaines d'années qui justifient son niveau de fortune. Il est de notoriété publique que la famille Bourgi possédait un patrimoine impressionnant fait d'immeubles en plein centre-ville.
L'un d'eux héberge le siège de Dubaï Ports World (DPW), sur le Boulevard menant au Palais. On cite aussi l'impressionnant immeuble ABM et rappelle que Bibo-père s'est forgé une fortune alors que Senghor était au pouvoir. Ainsi, s'il est difficile de se prononcer sur son patrimoine, tout porte à croire que Ibrahim Khalil Bourgi était dans la dèche, au moment où le régime libéral arrivait aux affaires en 2000.
En effet, alors qu'il était directeur général de la Société sénégalaise de plastiques et dérivés (Soplad), Ibrahim Abdou Khalil Bourgi a été jugé et condamné pour escroquerie et banqueroute frauduleuse, par le tribunal régional hors classe de Dakar, en même temps que son parent Samir Bourgi, alors représentant de la Soplad.
Dans sa décision du 14 janvier 1999, le tribunal condamnait Ibrahim Abdou Khalil Bourgi et Samir Bourgi à deux ans d'emprisonnement avec sursis chacun. À Hachem Yazback, la partie civile, il devait allouer la somme 100 millions à titre de dommages et intérêts. Ce dernier avait intenté une action en justice, lorsque la Soplad avait été liquidée en avril 1998.
Il faut aussi souligner que Bibo Bourgi, dont l’état de santé a déjà fait l’objet d’expertise et de contre-expertise de deux éminents cardiologues, sur demande de la Commission d’instruction de la Crei, avait bénéficié d'une liberté provisoire. Après son audition marathon, vont suivre Mamadou Pouye et Karim Wade.
Gaston COLY
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