‘’Les leaders de la coalition de l’opposition ne sont pas obligés de s’aimer’’
‘’Les leaders de la coalition de l’opposition ne sont pas obligés de s’aimer’’
L’opposition sénégalaise a mis sur pied une nouvelle coalition politique pour faire face au régime actuel, quelle lecture en faites-vous ?
Le regroupement de l’opposition dans une coalition suscite une lecture à double détente. D’abord, quand toute l’opposition est en coalition, ce n’est pas un bon signe pour la démocratie sénégalaise. Car cela veut dire qu’il y a des fondamentaux qui ne sont pas respectés. En effet, dans pareilles situations, c’est souvent pour revendiquer des droits et libertés démocratiques, ou pour obtenir des garanties et gages pour une compétition électorale transparente et loyale.
Or si la majorité et l’opposition ne peuvent pas et ne doivent pas s’entendre sur tout, il faut au moins qu’il y ait un minimum de confiance entre eux, pour produire ensemble les règles devant présider à la concurrence au pouvoir, et à l’effectivité des conditions d’équilibre et d’équité relatives à celle-ci. Ensuite, dans de telles situations de coalition de toute l’opposition, on entre dans des dynamiques d’affaiblissement des régimes en place. C’est une logique profonde de fonctionnement du système politique sénégalais.
En effet, les tentatives réelles ou supposées de remise en cause des acquis démocratiques cristallisent des luttes, dont l’âpreté finit par venir à bout du pouvoir, à travers des réformes fortes ou à travers des alternances. Donc le meilleur moyen d’affaiblir l’opposition et de conserver le pouvoir, ce n’est pas de réprimer encore moins de verser dans un certain autoritarisme dépassé. Mais de consolider et bonifier la démocratie sénégalaise, pour ôter à l’opposition le ciment de sa cohésion, et déplacer le vrai et réel combat sur le terrain des idées et des réalisations.
Cette nouvelle coalition englobe des partis comme le Rewmi, le Grand Parti, le Pds, l’Act… dont les leaders ont eu des rapports heurtés dans le passé. Est-ce que l’entente sera des meilleurs au sein de cette alliance ?
La force et la qualité des hommes politiques se mesurent à l’aune de leur capacité à s’élever et à dépasser les contradictions et contingences d’ordre crypto-personnel, lorsque qu’il s’agit de faire valoir objectivement des intérêts politiques supérieurs, qui transcendent donc les leurs et ceux de leurs partis. Donc les différents leaders de la coalition de l’opposition ne sont pas obligés de s’aimer ou d’être des amis, même s’il faut un minimum de courtoisie, de respect et de considération des uns vis-à-vis des autres pour travailler ensemble avec efficacité.
Dès lors qu’ils ont un adversaire politique commun incarné par le régime en place, des objectifs stratégiques, une plate-forme revendicative et un programme d’actions qu’ils partagent, ils peuvent se regrouper autour de cela ; d’autant plus qu’un code de conduite a été élaboré pour éviter que les ressentiments personnels ou les jeux susceptibles d’être faits dans le jeu dans une perspective de servir des intérêts personnels et partisans au détriment de ceux de la coalition, ne puissent en provoquer l’éclatement. Mais en dernière analyse, il appartient à chacune des composantes de ce regroupement de prendre ses responsabilités devant le peuple sénégalais, qui est d’une grande maturité politique, et observe les comportements des divers acteurs afin de juger à bon escient le moment opportun.
Ces divergences ne pourraient-elles pas être remises à jour et perturber la cohabitation dans cette nouvelle coalition ?
La remise à jour de ces divergences n’est pas stratégique et ne va pas dans l’intérêt bien compris des membres de la coalition. De plus, celle-ci est un cadre d’unité, de concertation et d’action qui se fonde sur des intérêts transversaux à toute l’opposition ; et aucun parti à lui seul ne peut porter efficacement ce combat. Cela n’empêche pas que les nombreux partis et leaders du mouvement restent des rivaux, qui veulent tous la même chose : accéder au pouvoir. Mais dans le cadre de la coalition, il s’agit de mutualiser les moyens, les expériences, les intelligences et les efforts pour améliorer et consolider, en rapport avec tous les acteurs intéressés, un cadre démocratique propice à l’épanouissement des stratégies de conquête du pouvoir, dans la transparence et donc la paix. Ce qui va renforcer la légitimité du vainqueur des urnes quel qu’il soit, et mobiliser les Sénégalais autour de l’essentiel : régler les nombreux problèmes qui assaillent le pays, tels que la pauvreté, la santé, l’éducation, l’emploi, la création et le partage équitable des richesses nationales, etc.
H.Traoré