Publié le 25 Mar 2025 - 00:44
UN AN DU PRÉSIDENT BASSIROU DIOMAYE FAYE

Entre promesses et réalités économiques

 

Le président Bassirou Diomaye Faye célèbre l’an 1 de son mandat à la tête du Sénégal. C'est également l'occasion de faire un bilan économique de l'année écoulée, concernant notamment la renégociation des contrats pétroliers et gaziers, le secteur de la pêche, le revers des conclusions de l’audit des finances publiques ainsi que les instructions du FMI.

 

Le revers des conclusions de l’audit des finances publiques 2012-2024

Lors de la publication des conclusions de l’audit des finances publiques 2012-2024, le Premier ministre Ousmane Sonko a affirmé que ‘’le régime de Macky Sall a menti, tripatouillé les chiffres donnés aux Sénégalais et aux partenaires internationaux, FMI en tête, pour donner une image économique, financière et budgétaire qui n'avait rien à voir avec la réalité’’. L’audit a montré que le ratio dette/PIB s'élevait en moyenne à 76,3 % au cours des cinq dernières années de règne de Macky Sall, soit plus que les 65,9 % annoncés.

Les conclusions ont également révélé que le déficit budgétaire s'élève à plus de 10 % du PIB à la fin de 2023, soit près du double de ce qui avait été annoncé précédemment. ‘’Le déficit budgétaire moyen annuel de 11,1 % enregistré sur la période 2019-2023 et le niveau d'endettement atteignant 99,67 % du PIB en décembre 2023 illustrent la gravité des déséquilibres financiers accumulés ces dernières années’’, a déclaré le ministre des Finances Cheikh Diba.

L'ancien président Macky Sall, quant à lui, a démenti ‘’les propos du Premier ministre qui, dit-il, sont totalement faux et qui ont conduit à une dégradation de la note du Sénégal’’.

Comme l’on pouvait s’y attendre, la divulgation des résultats de l’audit sur les finances publiques a entraîné des conséquences néfastes sur les prévisions macroéconomiques. Cela s’est traduit par la dégradation des notes du Sénégal par l’agence de notation Moody’s, qui est passée de BA3 avec perspective stable à B1. Quelques jours après Moody’s, c’est S&P Global Ratings qui a abaissé la note du Sénégal de B+ à B, en raison d'une réévaluation des finances publiques révélant un déficit budgétaire et une dette bien plus élevés que prévu.

Il faut noter aussi que l'an 1 du président Diomaye a été marqué par l’adoption sans débat de la loi de finances 2025, après une tardive déclaration de politique générale (DPG). Cette loi de finances prévoit un taux de croissance du PIB de 8,8 %, en intégrant les recettes liées au début de la production des hydrocarbures. Le taux d'inflation est prévu à 1,9 % et le déficit réduit à 7,08 % du PIB contre 11,6 % en 2024. Le budget n'a pas été discuté. Le Premier ministre Ousmane Sonko a engagé la responsabilité du gouvernement pour qu'il soit adopté avant la fin de l'année 2024. Il est prévu prochainement le vote de la loi de finances rectificative qui va, cette fois-ci, donner lieu à un débat.

Les instructions du FMI

Mi-octobre 2024, les services du FMI ont achevé leur visite au Sénégal. Il en ressort que le Sénégal a un manque à gagner en termes de recettes, identifié lors de la dernière visite des services et confirmé fin septembre. Parallèlement, les dépenses sont restées élevées, principalement en raison d'une augmentation substantielle des dépenses d'investissement, comme le suggèrent les conclusions préliminaires du rapport de l'IGF.

En l'absence de mesures décisives sur les dépenses, le FMI prévoit que le déficit budgétaire devrait s'aggraver cette année, dépassant l'estimation précédente de 7,5 % du PIB. À l’avenir, d’après le FMI, les autorités doivent mettre en œuvre des mesures audacieuses et rapides pour assurer la viabilité des finances publiques et placer la dette publique sur une trajectoire décroissante. ‘’Des actions stratégiques pour renforcer la mobilisation des recettes domestiques, en particulier à travers la rationalisation des exonérations fiscales ainsi que des efforts pour éliminer progressivement les subventions énergétiques et les transferts non essentiels’’.

La renégociation des contrats s’annonce être une gageure

La renégociation des contrats pétroliers et gaziers est l'une des promesses du président Diomaye Faye. Une commission a déjà été mise en place pour réexaminer ces contrats. Le comité doit examiner les accords et chercher à ‘’les rééquilibrer dans l’intérêt national’’, a confié le Premier ministre Ousmane Sonko en août 2024. À ce jour, aucune information n’a été divulguée sur la manière dont ces contrats seront renégociés ni sur le calendrier, encore moins sur les secteurs concernés.

La compagnie énergétique nationale sénégalaise, Petrosen, détient une participation de 18 % dans Sangomar, tandis que Woodside, avec 82 %, a réalisé la plupart des investissements nécessaires, dont plus de 420 millions de dollars de dépenses d'investissement, entre octobre 2023 et mars 2024. La société a également accordé une ligne de crédit pouvant aller jusqu'à 450 millions de dollars à Petrosen pour financer la part de l'entreprise publique dans les coûts de Sangomar. En vertu du contrat de partage de production, la société, qui est devenue l'opérateur du champ de Sangomar en 2016, devrait récupérer ses investissements, grâce aux revenus pétroliers. La PDG de Woodside, Meg O'Neill, a déclaré que 75 % des revenus serviraient à recouvrer les coûts et que 25 % seraient partagés entre la société et le gouvernement, sur lesquels s'appliqueront les impôts sur les sociétés et les impôts sur les succursales.

Concernant les prêts des partenaires dans le développement des projets de Sangomar et GTA, les coûts inquiètent Petrosen. L’année dernière, lors d’une rencontre Petrosen-parlementaires, initiée par le Forum civil, le directeur général de la holding, Alioune Guèye, avait soutenu que la manière dont les contrats avaient été négociés fait que le Sénégal ne peut espérer gagner plus qu'il ne le souhaite. ‘’Si vous faites le total, au 31 décembre 2022, nous leur devions 600 milliards ; actuellement, nous leur devons 800 milliards F CFA’’, a-t-il révélé.

Selon le DG, ce prêt est soumis à un intérêt de 6,5 % à partir de 2025, 7 % à partir de 2026, puis 8 %.

Révolution dans le secteur de la pêche

Dès sa prise de fonction, la ministre des Pêches a satisfait l'une des doléances des acteurs de ce secteur, en publiant la liste des navires industriels autorisés à pêcher dans les eaux sénégalaises. Le 17 novembre 2024 a marqué la fin du protocole d'accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable (APPD) entre le Sénégal et l'Union européenne (UE). Le régime de Pastef a annoncé plusieurs autres mesures, notamment l'audit du pavillon pour démasquer des sociétés prête-noms dans la flotte sénégalaise ainsi que l'impératif de renforcer les dispositifs de lutte contre les activités de pêche illicites.

Les produits halieutiques constituent au moins 70 % de l'apport en protéines d'origine animale au Sénégal. Ces dernières années, la pêche a été confrontée à des défis tels que la surpêche et le chalutage de fond, entraînant une diminution de la disponibilité du poisson. À cela s'ajoutent des facteurs tels que le changement climatique, la pêche INN (illicite, non déclarée et non réglementée), la surexploitation et la forte concurrence des marchés extérieurs pour les espèces pélagiques, qui ont contribué à ce problème.

Selon le rapport 2024 de l’Overseas Development Institute (ODI), si ces défis ne sont pas relevés, la consommation nationale annuelle de poisson par habitant devrait diminuer au cours des dix prochaines années. À l'échelle nationale, l’ODI estime l’impact de la pêche irrégulière et non durable au Sénégal à 0,2 % du PIB national, réparti entre impacts directs liés aux activités de pêche et une contribution indirecte plus importante via d'autres segments de la chaîne de valeur de la pêche.

On se rappelle du ‘’carton jaune’’ de l'Union européenne contre le Sénégal, ‘’pour sa non-collaboration dans la lutte contre la pêche illicite non déclarée et non réglementée’’. Depuis la radiation du Sénégal de la liste de l'Initiative pour la transparence des pêches (Fiti), la ministre des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires, Fatou Diouf, ne s’est pas encore prononcée sur la soumission par écrit de la demande de candidature complète du Sénégal à cette initiative.

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