Quand Delta bouleverse les certitudes
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Si, globalement, les scientifiques s’accordent jusque-là sur l’efficacité des vaccins contre les formes graves de Covid-19, bien des interrogations demeurent sur la durée de protection, la nécessité d’une troisième dose de rappel, le niveau de protection contre les cas symptomatiques, entre autres. ‘’EnQuête’’ fait la revue des dernières conclusions de la science sur l’efficacité des vaccins contre la Covid-19.
Malgré les vaccins, le variant Delta continue d’imposer ses lois partout dans le monde. Même les Etats-Unis et Israël, qui croyaient définitivement maitriser la maladie, renouent avec les mesures restrictives. Selon des documents officiels américains révélés par le ‘’Washington Post’’ en fin de semaine dernière, le variant Delta du SARS-CoV-2 est aussi contagieux que la varicelle, a probablement des effets plus graves que ses prédécesseurs et les personnes contaminées semblent autant le transmettre, qu’elles soient vaccinées ou non.
Ces constats, rapporte le journal ‘’Le Monde’’, figurent sur une présentation circulant en interne au sein des centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), principales agences sanitaires des Etats-Unis. Ils s’accompagnent de la mise en garde suivante, défendue par des responsables du système de santé américain : ‘’La guerre a changé.’’ Selon le journal français qui cite l’Agence France presse, la directrice des CDC, Rochelle Walensky, s’est appuyée sur les données de la présentation pour recommander à nouveau, depuis deux jours, le port du masque en intérieur pour les personnes vaccinées dans les zones à haut risque.
Les vaccinés invités à porter le masque
Par ailleurs, les documents du CDC montrent que les contaminations de personnes vaccinées ne sont pas aussi rares qu’on le pensait : ‘’35 000 infections symptomatiques par semaine sur les 162 millions d’Américains vaccinés’’ ont été recensées, notent les autorités sanitaires américaines. Sur la base d’études internationales, les CDC jugent que la contagiosité de la Covid-19, initialement comparable à celle de la grippe, est désormais comparable à celle de la varicelle – une personne contaminée par le variant Delta le transmettant à huit autres en moyenne –, mais toujours en deçà de celle de la rougeole.
Ces nouvelles directives américaines, notamment le port du masque pour les vaccinés, ont été, en grande partie, inspirées par une étude menée à Provincetown, dans l’Etat du Massachusetts. Laquelle faisait état, selon ‘’Le Monde’’, de près de neuf 900 cas de Covid-19 diagnostiqués après les festivités de la fête nationale, qui eurent lieu le 4 juillet, bien que les trois-quarts des participants à l’évènement avaient été vaccinés. Mieux, informe l’étude, ‘’Il n’y avait ‘pas de différence’ entre la charge virale dans le nez et la gorge des personnes vaccinées et des non-vaccinés, selon la présentation des CDC’’.
En revanche, il y a eu peu d’hospitalisations (sept à cette date) à la suite de l’apparition de ce foyer, encore moins de décès. Ce constat ‘’est le facteur principal du changement des recommandations du CDC’’ sur le masque.
Les révélations étonnantes de Provincetown : forte contamination chez les vaccinés, pas de différence entre la charge virale des vaccinés et des non-vaccinés’’
Ces nouvelles informations sur le niveau de protection des personnes vaccinées, même s’ils sont nombreux les spécialistes à vouloir les relativiser, ne sont pas pour rassurer ceux qui sont encore réticents à la vaccination. Elles tombent quelques jours seulement après la publication, par le ministre israélien de la Santé, des données suggérant que le vaccin Pfizer et BioNTech ne protégerait plus qu’à 39 % contre l’infection, tout en restant très efficace pour prévenir les hospitalisations. ‘’La nouvelle a fait, depuis, couler beaucoup d’encre, mais de nombreux scientifiques estiment qu’il est encore un peu tôt pour en tirer des conclusions’’, indique ‘’Le Monde’’.
La chute vertigineuse de l’efficacité de Pfizer contre Delta, selon une étude israélienne
Si, globalement, les scientifiques s’accordent, jusque-là, sur l’aptitude des vaccins à protéger contre les formes graves de Covid-19, la prudence est de mise sur nombre d’autres questions comme la durée de la protection acquise grâce au vaccin. Cette question s’est posée avec acuité, dernièrement, grâce à une étude menée en Israël, qui figure parmi les pays où le taux de vaccination est le plus avancé.
L’Etat hébreu a, en effet, pris la résolution d’administrer une troisième dose à ses populations de plus de 60 ans, vaccinées il y a au moins six mois. Selon une étude réalisée dans le pays, la protection baisse, en effet, au bout d’une centaine de jours, d’où la nécessité d’une troisième dose pour certaines couches de la population.
Lancement campagne de la troisième dose en Israël pour les primo-vaccinés
Dans la foulée, le laboratoire Pfizer avait fait un communiqué pour encourager une dose de rappel, pour augmenter le niveau de protection. Mais cela n’avait pas eu un écho favorable dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis qui estimaient de telles conclusions un peu précipitées. Pour le journal ‘’Les Echos’’, le variant Delta joue, simplement avec les autorités sanitaires. C’est un sacré coup porté au moral des autorités sanitaires.
En France, Emmanuel Macron a tout misé sur la ruée vers les vaccins, depuis le 12 juillet, en rendant obligatoire le ‘pass sanitaire’ pour l'accès aux restaurants et aux cinémas, et en contraignant les soignants à recevoir leurs deux injections pour continuer à travailler. Dans le même contexte, la Chine qui a été la première à lancer la vaccination avec son vaccin Sinopharm, renoue également avec les mesures restrictives dans beaucoup de provinces, à cause du variant Delta.
Avec ces dernières publications, nous sommes loin des résultats très optimistes du mois de mai, qui estimaient que seul 0,01 % des personnes contaminées étaient entièrement vaccinées contre la Covid-19 entre janvier et avril. C’était bien avant les ravages de Delta dans le pays de Joe Biden.
MOR AMAR